Algérie

Une revanche sur la durée '



D à¨s la première image de son film, Bouchareb donne le ton sur sa démarche cinématographique. Un plan général révèle un caïd s'amenant de loin, à  pied. Il s'en vient présenter à  un fellah un ordre d'expulsion de sa terre. Il s'y prend à  la manière d'un huissier qui accomplit, sans plaisir particulier, une tâche qui lui est confiée par l'administration coloniale. De la sorte, un récurrent poncif du cinéma algérien en prend un coup, celui du zélé caïd, à  l'odieux comportement dans l'exécution de ses basses œuvres, une image filmée habituellement en plongées/contre plongées, le caïd dominant sa victime du haut d'un cheval. La caméra de Bouchareb se refuse en outre à  tout misérabilisme dans la représentation du paysan exproprié, la victime demeurant digne, auréolée de plus par les burinés traits d'un Sid Ahmed Benaïssa dont la belle gueule d'acteur est avantageusement cadrée en gros plans.
La scène qui suit, et qui reproduit le massacre du 8 mai 1945, est tout aussi explicite des choix du réalisateur. Les tueurs sont bien plus mis en scène que les victimes, les successifs plans de divers formats les montrent, autant dans l'attitude du chasseur que dans celle du peloton d'exécution, la plupart groupés dans un parfait alignement. Le réalisateur ne cherche pas à  soulever la compassion du spectateur, mais plutôt à  mettre en exergue l'inhumaine logique de domination du système colonial. La troisième scène-clé est celle de la strangulation du cafetier MNA par un commando FLN. La scène de l'agonie de la victime est d'une longueur quasi-documentaire, mettant de la sorte en relief ce que fut cette cruelle guerre fratricide. Dans une autre, l'exécution d'un militant FLN est tout aussi horrible par son implacabilité. Entre ces deux séquences, plusieurs mythes de l'écran prennent un sacré coup. Mais là encore, il n'y a pas des bons et des méchants, ingrédient essentiel dont se nourrit le cinéma. De la sorte, au fil d'une première moitié lourdement didactique du film, ce sont les situations qui priment bien plus que leurs protagonistes. Ce sont elles qui déterminent leurs actes. Cela est si vrai que la psychologie des personnages est sommairement esquissée et que le réalisateur prend même soin de ne jamais les présenter comme attachants ou méprisables. Ainsi, Chafia Boudraâ, la plus populaire incarnation de la Mama dans la cinématographie algérienne, incarne un personnage sans consistance dans le film. La fiction n'y prend son envol que lorsque les personnages commencent à  agir par eux même et que l'on quitte le terrain de la grande histoire pour la petite, celle des individus.  C'est dire qu'il est alors fort à  parier que c'est le bouche-à-oreille, davantage que le tapage médiatique ayant précédé sa sortie, qui a desservi le film, d'autant que sa racoleuse affiche et sa non moins aguichante bande annonce rendent faussement compte du film. Mais, il y a fort à  parier aussi que Hors-La-Loi, sur la durée, saura prendre revanche. Ce qui aujourd'hui apparait comme des faiblesses, commercialement parlant, vaudra son pesant d'estime demain.
Enfin, Hors-La-Loi a eu le mérite de tordre le cou à  bien des clichés et aux certitudes carrées d'un imaginaire collectif sur les méthodes de la lutte de libération nationale. A cet égard, s'il a échappé aux foudres des gardiens du temple en Algérie, il est certain qu'il doit ce service aux «nostalgériques» aux voix desquels les premiers se sont refusés à  s'associer.                                 



Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)