Algérie



Par delà la bataille turque... Ce qui se produit actuellement en Turquie est loin d’être singulier à ce pays depuis cent vingt ans au centre, peut-être bien malgré lui, de tous les tiraillements du monde musulman. Géographiquement à cheval entre deux continents, historiquement au cœur des troubles liés à l’impérialisme de l’empire ottoman qui a fait main basse sur des territoires qui s’étendent de Gibraltar à l’Inde, de la Pologne au Soudan, la Turquie est à la croisée des chemins. Avec elle, sans que cela paraisse forcément, tout le monde musulman et subséquemment l’Europe elle-même, tant les destins sont objectivement liés. La récente sortie de Nicolas Sarkozy sur «l’impossibilité de l’entrée de la Turquie dans l’Union» en dit long sur la complexité de la question et en même temps des passions qu’elle déchaîne. Sarkozy s’est manifestement mélangé les pinceaux en déclarant que cette impossibilité était due au fait simplissime que «la Turquie est située en Asie mineure et non pas en Europe...» Grosse gaffe géographique qui se passe de tout commentaire. Mais ce que Sarkozy «omet» de dire franchement, c’est que l’entrée de la Turquie dans l’Union signifierait «l’entrée du Tchador dans le parlement européen», ce qu’un député européen n’a eu aucun mal à dire ouvertement. Et c’est précisément sur ce point que les Turcs ont eu un sursaut d’orgueil. Les manifestations imposantes de ces derniers jours dans les principales villes turques ont brutalement jeté sur le devant de la scène le problème de la laïcité du pouvoir, sans laquelle un blocage sérieux est encouru. Les Turcs sont majoritairement musulmans mais aussi minoritairement chrétiens. Il est normal que tout pouvoir en place soit amené à représenter toutes les confessions, sans distinction. Les manifestations ont mobilisé tellement de monde qu’elles ont fait vaciller le gouvernement et poussé l’assemblée nationale à faire tomber la candidature d’Abdullah Gül, l’islamiste modéré, seul en lice pour le compte de son parti AKP. La période d’incertitudes ainsi ouverte devra déboucher sur une refonte des valeurs de gouvernance dans ce pays s’il persiste dans sa volonté d’entrer dans l’Union européenne. Il va bien falloir faire un choix, le bon choix bien sûr, car les choses ne sont pas gagnées, loin s’en faut. Si le sursaut démocratique a été salué en Europe, il a tout autant été condamné du fait de l’immixtion de l’armée dans le conflit... L’état-major est en effet intervenu de façon plutôt musclée pour avertir qu’il ne resterait pas les bras croisés si «un islamiste était élu président de la République», même si ce poste est tout à fait protocolaire en Turquie. Le monde musulman, l’Europe, ce qui n’est pas peu de chose, ont tout intérêt à ne pas perdre une miette de ce qui se trame au pays de Nazim Hikmet.


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