Le médecin qui aurait dû être pharmacien et golden-boy

Abaisse-langue. L'outil est connu des médecins : unepalette de bois qui permet d'examiner la gorge en abaissant la langue. Ce quiest fascinant dans cette banalité, est qu'un médecin a été condamné en Algérie,pour en avoir utilisé quelques-unes pour examiner des malades sub-saharienscoincés à Maghnia. Peut-on être condamné à de laprison pour avoir subtilisé, selon l'accusation, des abaisse-langues d'undispensaire ? Non. On a trop de pétrole, trop d'argent gratuit, trop de «détourneurs» et tout un Etat de pirates ottomans pour faireoublier le cas d'un abaisse-langue dans une daïra à l'extrême ouest du pays. Onne peut pas, mathématiquement ou décemment, poursuivre en justice un médecinalgérien qui a pris des abaisse-langues et du sparadrap en quantités enfantinessi, derrière cette histoire, il n'y a pas un règlement de compte métaphysique, unproblème de monopolisation de Dieu et un souci de trouver une chèvre qui puissepayer de sa peau pour le reste du troupeau émancipé. Le problème d'un médecincondamné à de la prison pour un usage illicite de quelques abaisse-langues estque:1°- il les a utilisés dans un cadre humanitaire, pourexaminer le cas de quelques Sub-sahariens camerounais, coincés durant leursitinéraires vers l'Europe verte et grasse, sachant que les Algériens n'aimentpas les Noirs, les Sub-sahariens, les clandestins et les gens qui viennent chezeux et qui sont étrangers en règle générale.2°- Il les a utilisés dans le cadre du serment d'Hippocrate,mais avec l'aide d'un homme d'église dans le pays des mosquées clefs en mains, aumoment même où le faux problème de la chasse aux évangélistes remplace leproblème du sous-développement et des ordures ménagères.3°- Il n'a pas utilisé les abaisse-langues soi-disantdétournés pour alimenter une pharmacie familiale, chose qui lui aurait permisde fonder une banque, puis des assurances, une compagnie aérienne, d'acheterquelques ministres et tout un syndicat, Catherine Deneuve puis d'aller vivre enGrande-Bretagne et de rester au travers de la gorge de l'Algérie officielle. N'étantque médecin et pas pharmacien génial, humaniste et pas homme d'affaires, sensibleà l'humain et pas à ses croyances, cet Algérien doit payer la facture dequelques abaisse-langues et d'un bout de sparadrap avec quelques procès, desverdicts et un jugement pour hérésie indirecte au pays de l'orthodoxiecarnivore de l'altérité. «Et pourtant, elle tourne... », s'est-ilétonné face au juge, dans un murmure à propos de l'Algérie, disent certains. Leprêtre d'Eglise qui vit, lui, en Algérie depuis trente ans, préfèrera ne riendire et porter sa croix sous sa langue.