Algérie

La jeunesse constantinoise tourne le dos à l'histoire Le cinquantenaire, une opportunité pour ressusciter la flamme patriotique



La jeunesse constantinoise tourne le dos à l'histoire                                    Le cinquantenaire, une opportunité pour ressusciter la flamme patriotique
Photo : Riad
De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi
Une Algérie qui bouge. Une Algérie qui célèbre. Mais l'impact des activités et des manifestations organisées à travers la wilaya de Constantine pour célébrer le cinquantenaire de l'Indépendance demeurent en quête d'attention particulière du monde juvénile. Réaction «passive» de rejet ' Colère contenue contre les gouvernants ' Désintérêt par ignorance ' Autant de questions sur lesquelles il faudra, certes, se pencher. Il est toutefois évident que les jeunes ont aussi d'autres centres d'intérêt et d'autres préoccupations : un emploi, un toit, une perspective d'avenir, une vie meilleure' Et celà éclipse quelque peu l'histoire, aussi glorieuse fut-elle, en dépit de la disponibilité de plusieurs supports qui s'efforcent de la diffuser et de la socialiser. Pourtant, un demi-siècle d'indépendance est l'occasion rêvée pour se replonger dans les pages de l'histoire de l'Algérie. Cette station, période charnière, devrait permettre de relancer, de cristalliser et de concentrer le débat historique sous ses multiples formes. C'est toute une avalanche de documents, d'ouvrages et de films qui a investi la scène pour tenter de montrer l'ampleur des dévastations de plus de 130 ans d'occupation, avec un colonialisme de peuplement qui a perpétré les crimes les plus abjects contre le peuple algérien, et l'exemplarité du combat et des sacrifices des Algériens pour reconquérir leur indépendance. C'est cette «caractéristique» de l'occupation française et de la lutte algérienne que les historiens et autres chercheurs s'attellent à mettre en lumière depuis des années. Du coup de l'éventail de jadis à la provocation «imagée» de France télévision, qui a anticipé sur le cinquantenaire avec sa première émission consacrée aux Accords d'Evian, le débat est réamorcé. Actions et réactions sont menées de part et d'autres sans solder le passif ni aplanir ce conflit, qui demeure loin d'être enterré tant que la repentance demeure tabou outre-mer, et que le concept du «colonialisme positif» trouvent encore des chantres dans les institutions et au sein de la société française. Sans verser dans le règlement de compte dépassé, la compréhension de cette période de l'histoire a été ressuscitée à travers le pays. Les hautes sphères de l'Etat veulent en faire une date qui servira de repère pour les générations post- indépendance. La ruée vers les vecteurs de transmission a été constatée depuis l'ouverture médiatique et la disponibilité de divers supports tel le CD, DVD et CD Rom. Les premières mises en vente de documentaires sur la guerre d'Algérie, en deux volumes, ont connu une réussite sur le marché constantinois. «Les Algériens, notamment les expatriés, tentent à chaque retour au pays pour des vacances de dénicher les films ayant rapport avec le terroir et son histoire. C'est une curiosité omniprésente qui s'était installée», témoigne un marchand de DVD. Et le cinquantenaire vient ouvrir l'appétit des citoyens qui commencent à se pencher sérieusement sur les récentes lectures en rapport avec l'histoire de l'Algérie. «Je pense qu'actuellement les verrous sont cassés. Il y a beaucoup d'auteurs qui se sont mis à l'écriture de l'histoire de l'Algérie. Ainsi, les regards, jusqu'ici demeurés uniformes en raison d'une écriture sèche faute de diverses sources avérées retraçant la révolution algérienne, se diversifient à la faveur des débats ouverts sur le sujet lors de différentes manifestations. Et notamment avec la multiplication des ouvrages portant une autre vision objective sur le pays», dira un Français résident à Constantine. Les ouvrages sur le FLN, les Accords d'Evian, les centres de torture (tel la ferme Ameziane à Constantine) sont prisés par les quadragénaires et plus.Toutefois, le peu d'engouement pour l'histoire persiste chez les jeunes. Ils sont préoccupés par autre chose, disent-ils. Leurs soucis sont d'ordre socioprofessionnel. Mais ce n'est pas la première raison de cette indifférence, qui est née à l'école. «Depuis l'indépendance nos parents écoutent et suivent la même chanson. L'histoire est rapportée avec des lacunes suspectes. Franchement, on en a marre d'entendre les mêmes discours obsolètes alors que rien n'est venu arranger notre vécu. En plus, les multiples tiraillements entre lobbys politiques sans arguments valables jettent de la suspicion sur cette histoire officielle qui change avec le changement des responsables», regrette un universitaire. «C'est la langue de bois qui prédomine dans tous les comptes-rendus et témoignages. A mon sens, il est nécessaire de revoir le choix des vecteurs et la manière de transmettre notre mémoire collective. Il faut utiliser des supports objectifs, sans essayer de bourrer les crânes des jeunes déjà minés par le mal-vivre», ajoutera-t-il. D'autres intellectuels expliqueront le désintérêt des jeunes par l'attrait des modes de vies d'ailleurs «La plupart des jeunes ont la tête ailleurs. Comment voulez-vous inculquer les repères historiques à une jeunesse qui, faute d'un confort local, a le regard tourné vers d'autres cieux à travers la fenêtre du Net '», s'interrogent-ils. La problématique de la socialisation de l'histoire se heurte ainsi à des mutations socioéconomiques qui ont induit des changements dans l'échelle des valeurs sociales et des centres d'intérêts de larges tranches de la société. Pour remédier à cette désaffection, certains pédagogues appellent à simplifier l'enseignement de l'histoire en la rendant plus intelligible et plus digeste dans le cursus scolaire. Le cinquantenaire est l'occasion propice pour réconciliation entre l'histoire et la société. L'Etat a bien consacré un budget conséquent et élaboré tout un programme pour fêter ce demi-siècle d'indépendance. Mais la fête ne devrait être qu'un volet dans la célébration. La lumière ne doit pas éclairer les scènes seulement mais aussi, et surtout, l'objet de la fête : l'histoire. Il ne faut plus qu'il y ait des zones d'ombres dans notre histoire. Et pour ce faire, il suffira de la libérer de l'emprise des politiques et de tous ces «marchands» qui en font un objet de négociation, pour la mettre entre les mains des scientifiques, historiens, sociologues, anthropologues, socio-anthropologues'
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