L'histoire nationale manque de relief et de cohérence Faute d'une école critique et authentiquement algérienne

Photo :Sahel
Par Kamel Amghar
L'histoire est une discipline scientifique essentielle. L'homme a toujours pris le soin de communiquer ses expériences, ses succès et ses échecs à ses descendants. Cette saine tradition lui a vite donné un ascendant sur le reste des créatures. A bien y réfléchir, qu'est-ce qui distingue l'humain du reste des animaux ' C'est uniquement la mémoire, cette capacité de se remémorer et ce pouvoir de transmission. Oralement puis par écrit, l'héritage ainsi légué permet une accumulation du savoir et des techniques acquises, qui évite aux nouveaux venus l'éternel retour au point de départ. Après la chasse, nos préhistoriques ancêtres ont découvert l'agriculture et l'élevage. Pour aller constamment de l'avant, l'homme moderne, maîtrise davantage ces filières, en se mettant à l'industrie. Ainsi de suite, la chaîne des progrès forment un impressionnant attelage qui nous facilite aujourd'hui tellement de choses. Voilà la pierre angulaire de la civilisation.
A défaut de cette capacité de concession, la faune sauvage n'a pas évolué d'un iota depuis l'éternité. Evidemment, ce qui est valable pour toute l'humanité l'est aussi pour une nation ou une communauté donnée. A chaque pays ses références identitaires distinctes, ses croyances, ses spécificités et sa culture, qui forment un ensemble de valeurs décisives dans son propre cheminement vers le développement. Un peuple donné a intérêt à bien connaître son histoire pour maîtriser son destin. En Algérie, l'écriture de l'histoire, même si le thème intéresse au plus haut point les citoyens, souffre de plusieurs lacunes. A ce jour encore, on n'a pas une école authentiquement algérienne pour rassembler et décortiquer l'histoire plusieurs fois millénaire de notre pays. Pour le moment, on a des historiens -et, malheureusement, ils ne sont pas nombreux-, issus de diverses écoles étrangères, qui portent des regards parfois très éloignés sur divers épisodes de notre passé. Ces lectures, qui divergent dans leurs approches méthodologiques et de par le substrat idéologique qui les motivent, font naître dans l'esprit du simple lecteur un sentiment de doute et une remise en cause des versions exposées. Beaucoup d'essais publiés dans ce rayon se présentent comme des réactions ou des mises au point à de précédentes publications. Ce reflexe réactionnaire nuit à la crédibilité et à la cohérence des textes qui en résultent. Parmi les écoliers et les étudiants, on entend souvent dire que les cours d'histoire sont pleins de contrevérités voire de mensonges. On a, par exemple, longtemps occulté l'Amazighité (langue, culture et civilisation) de l'Algérie, pour ensuite réintroduire 'mieux vaut tard que jamais- cette composante dans le manuel scolaire. En général, la jeunesse, bousculée par les impératifs de la modernité et le culte de «l'immédiateté», ne voit pas d'intérêt à pousser ses lectures dans ce domaine compliqué. Pour cette tranche d'âge, on aimerait volontiers regarder une fiction ou un documentaire historique de bonne facture. Le cinéma marque mieux les jeunes esprits. Ce sont plutôt les adultes qui se passionnent, souvent à titre individuel, pour cette quête de vérité. C'est cette catégorie «consciente» qui consacre le succès relatif du livre d'histoire en librairie. C'est elle aussi qui s'intéresse aux musées et aux centres d'archives quand l'occasion lui est offerte. Pour ce cinquantenaire de l'Indépendance, l'université algérienne devrait sérieusement penser à mettre les fondements de cette école «scientifique» qui donnerait à notre histoire nationale le relief qui lui manque aujourd'hui.