Algérie

L’extinction dans la contemplation



L’extinction dans la contemplation Le plus misérable des êtres est celui qui a un «livre» (Kitâb) et qui s’égare «en suivant ses passions», quoiqu’il ait une foi dans son livre. Mais ici il y a un point que je désire élucider, car on l’a peu relevé, et il est possible que certains s’y soient trompés quand ils ont examiné cette question sous le rapport de la «possibilité (d’exister ou de ne pas exister) de ce qui se trouve à l’état de potentialité» (aljawâzu-l-imkânî); l’état existenciel (al-wujûd) s’établissant sur l’une des deux solutions de l’alternative qui conditionne l’être possible (al-mumkin), il n’y a plus moyen de faire revenir l’être existencié (à l’état de simple possibilité indifférente). Il en est effectivement de même lorsque le Vrai - qu’Il soit exalté! - se révèle à une chose, car alors Il ne se voile plus jamais à elle, et également quand Il «inscrit» (kataba) la foi dans un coeur, Il ne l’efface plus. Or si quelqu’un dit: «Il s’est caché à moi après qu’Il s’est révélé», c’est qu’Allah ne s’est aucunement révélé à lui, mais qu’Il lui a seulement montré quelque clarté; celui-ci a cru pouvoir dire alors: «C’est Lui!» (Huwa Huwa). Ensuite, comme l’être créé n’a aucune stabilité dans un état, lorsque l’état change, il dit qu’il y a «voile» (hijâb). Or, de même, l’»inscription» de la Foi et l’attribution des «Signes» (al-Âyât) et des «Evidences» (al-Bayyinât) ne cessent jamais lorsqu’elles sont des dons faits «dans les coeurs», et que dans ces coeurs se dressent les Témoins de réalisation (ach-Chawâhid, sing. châhid). Si des choses qui ressemblent à ces réalités viennent à être retirées à quelqu’un, sache que ces choses n’avaient pas été «inscrites» dans la Table (al-Lawh) de son coeur, et l’être ne les «enveloppait» pas, mais était «enveloppé» par elles comme par un manteau; cet être n’avait reçu que les formules opératives et le droit de les prononcer et n’avait pas reçu leurs «réalités» mêmes; de tels dons peuvent être repris et ils peuvent donc cesser. C’est ainsi qu’Allah a mentionné: «Récite-leur l’affaire de celui auquel Nous avons donné Nos Signes et qui s’en est dépouillé» (Cor. 7, 174). Les paroles «s’en est dépouillé» (insalakha min-hâ) expriment un fait analogue à l’enlèvement de l’habit par l’homme ou à l’abandon par le serpent de sa vieille peau. Les Signes en question étaient comme un habit sur le personnage (anonyme auquel se rapporte la mention coranique), dans le sens que nous venons de préciser; celui-ci ne détenait que le pouvoir de «prononcer» certaines formules opératives; quand il prononçait celles-ci, paraissait l’aspect caché du Nom (maknûnu-l-Ism) qui entrait dans ces formulations, ainsi que son effet produit par vertu spéciale (bi-l-khâssiyya). Dans le cas des moyens exceptionnels à vertu opérative, il n’est requis aucune condition de pureté rituelle, ou de sainteté personnelle, ni de conscience, ni de concentration, pas plus qu’il n’est question de foi ou de manque de foi: il ne s’agit que d’une simple prononciation de lettres déterminées, et l’effet se produit même si celui qui les prononce est distrait par rapport à ce qu’il articule. Une chose analogue arriva à l’un de nos compagnons qui, récitant le Coran et parcourant un certain verset, constata que ce verset lui occasionnait un certain effet; il s’en étonna sans pouvoir se l’expliquer. Alors il reprit la récitation depuis les versets antérieurs, et lorsqu’il arriva au dit verset il constata de nouveau lui-même l’effet. Et chaque fois qu’il le répétait, il observait cet effet. Ainsi, il connut que ce verset qui s’était «ouvert» par hasard, pendant sa récitation, est un des «lieux» coraniques à vertu spéciale; par la suite, il le prit comme «nom» (à invoquer opérativement) et produisait l’effet respectif chaque fois qu’il le voulait. Toutefois, une chose de ce genre ne séduit pas un Connaissant Véritable (Mouhaqqiq), car celui-ci ne saurait se réjouir que de ce qu’il réalise effectivement en soi. C’est ainsi que lorsqu’on demanda à Abou Yazîd (al-Bistâmî): «Quel est le Nom Suprême (al-Ismu-l-A’zam) d’Allah?», il répondit: «C’est la Sincérité! Sois sincère et prends n’importe quel nom divin que tu voudras!» Par cette réponse, il engagea à la réalisation effective (at-tahqîq), non pas à une simple prononciation de formule.   Ibn Arabi
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