Algérie

Drogue : Menace sur la sécurité nationale



Pesant ses mots, M. Salah Abdennouri, directeur des études, d'analyses et d'évaluation à l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLCDT), juge la situation «préoccupante». Pour étayer son propos, il fournira des chiffres concernant la consommation et la circulation des drogues en Algérie. Auparavant, il précisera que l'organisme auquel il appartient reçoit des rapports des différentes institutions, notamment sécuritaires, impliquées dans la lutte contre ce fléau. Ainsi, notre interlocuteur affirme qu'entre l'année 2000 et 2004 le taux des saisies de cannabis a connu une évolution de l'ordre de 100%. Entre 2004 et 2006, cette progression a, quelque peu, chuté pour se stabiliser autour de 65%. En d'autres termes, en 2006, les différents services de sécurité ont saisi 10 tonnes de résine de cannabis et une année après 16,5 tonnes de cette drogue. Pour bien marquer la gravité de la situation, ce responsable a traduit cette quantité en doses «16.500.000 doses de 1 g». Bien évidemment, cette donnée ne concerne que les quantités saisies. On ignore tout sur celles qui auront échappé aux mailles de la police, la gendarmerie et des services des douanes. Selon un expert de la brigade des «Stup», chaque saisie, quelle que soit son importance, pousse les narcotrafiquants, installés des deux côtés de la frontière algéro-marocaine, à doubler la quantité acheminée vers le territoire national pour récupérer les sommes investies dans la précédente capture. Ce qui explique les chiffres, de plus en plus, effarants des saisies opérées depuis le début de l'année en cours. Les 8 quintaux tombés dans les filets des services de sécurité, la semaine dernière, illustrent cette stratégie des narcotrafiquants. D'un autre côté, ce chiffre fourni par le responsable de l'ONLCDT ne précise pas le taux destiné au marché local et celui devant être acheminé vers d'autres pays, notamment ceux de la rive nord de la Méditerranée. Concernant les drogues dures, entre autres, la cocaïne, la situation semble beaucoup plus alarmante. Pratiquement inconnue durant les dernières décennies, sa consommation prend, de plus en plus, d'ampleur. Ainsi, les chiffres disponibles à l'ONLCDT indiquent quelques centaines de grammes avant 2006. Cette année semble constituer un tournant dans la commercialisation et la consommation de cette drogue. En effet, 7 kg de cocaïne ont été saisis en 2006. Ce chiffre s'est multiplié par 3 en l'espace d'une année puisque il a atteint 22 kg en 2007. Contrairement au cannabis, dont la provenance est connue puisqu'il est introduit par la frontière ouest avec le Maroc, longue de plusieurs centaines de kilomètres, on ignore le circuit exact de la cocaïne. Selon des informations de presse, l'Espagne et un autre pays sub-saharien sont des voies de passage de la cocaïne commercialisée en Algérie. Sur un autre plan, notre interlocuteur souligne que 6.200 affaires liées aux drogues dure et douce ont été traitées par la justice en 2006. L'année dernière, on a enregistré presque le même nombre de cas, c'est-à-dire 6.300 affaires. Cependant, ce classement ne veut rien dire pour cet analyste, au contraire, si on tient compte des quantités saisies, il donne lieu à une autre lecture. Les trafiquants et les barons de drogues affinent leur technique de déjouer la vigilance des services de sécurité et par conséquent leur appétit grandit, estimera t-il. Cependant, il restera muet sur le chiffre d'affaires que représente la commercialisation, se contentant d'affirmer qu'il est important. Salah Abdennouri tient à souligner un autre danger qui guette la jeunesse sur ce plan. L'Algérie doit impérativement se préparer à la lutte contre les hallucinogènes. Pour lui, un simple laboratoire rudimentaire peut se lancer dans la production de ce type de drogues puisque ses composants sont faciles à trouver. Il avertit qu'une seule consommation entraîne définitivement la dépendance. Cet analyste précise que depuis 10 ans, 85% des «toxicos» sont âgés de moins de 35 ans. Autre nouveauté relevée sur ce plan: ils proviennent pratiquement de toutes les couches sociales. Les études réalisées récusent, désormais, le cliché du drogué appartenant forcément à une couche sociale défavorisée. Pour lui, tout le monde doit se mobiliser contre les risques de ce fléau: la répression incombe à l'Etat et les services de sécurité et la prévention revient à la société, à commencer par la famille, estime-t-il. Pour expliquer l'impératif de la complémentarité des institutions, il dira que le chiffre d'affaires annuel de la drogue, au niveau mondial représente 800 milliards de dollars. A l'inverse, tous les organismes et institutions étatiques, internationales et observatoires indépendants impliqués dans la lutte contre la drogue ne dispose que de 50 milliards de dollars pour mener leurs tâches. Il estime que, désormais, la drogue constitue un problème de santé publique, une menace pour la sécurité nationale et un blocage pour le développement national. Salah Abdennouri se trouve à Oran dans le cadre d'un séminaire de formation des médecins contre la toxicomanie. Cette rencontre, la quatrième du genre, après celle d'Alger et Annaba, se tient en collaboration du groupe Pompidou, rattaché à la Communauté européenne et spécialisé dans la lutte contre la toxicomanie. Le séminaire d'Oran est encadré par des experts venus de France, d'Italie et du Liban. L'Algérie envisage de se doter d'un réseau de centres de différents types versés dans cette lutte. Jusqu'ici 40 médecins ont bénéficié de la formation prodiguée par l'ONLCDT et le groupe Pompidou.


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