Algérie

Coincés entre libanisation et irakisation


J'aurais voulu voyager vers le Liban et rester éternellementvoyageur». Jabran Khalil Jabranen est mort, mais le Liban est resté en l'état: il faut y aller mais jamais yarriver. L'espérer mais jamais croire l'avoir tenu. Le seul endroit du mondearabe où l'arabité est plurielle, la religion pluraliste et le Dieu partagé, équitablement,entre la vie et l'au-delà, les sectes et les courants, se retrouve, aujourd'hui,à nous illustrer tous, par sa débandade. En suivant les images de l'actualitéde cette semaine, on peut lire dans le Liban ce que l'on veut: tensionsrégionales, manipulations entre pays en guerre tiède, conséquences de laproximité avec cet Israël qui ne veut pas de nous, chez-nous, ou le fruit d'unepourrissement généralisé qui ravage l'arabité en s'attaquant à son plus beauvisage, le Liban. Tout est bon, mais l'essentiel est sous les yeux: le seulendroit où l'arabité est envisageable sous une autre forme que celle d'unechamelle enturbannée ou d'ablutions expiatoires, tombe dans la ruine, le butinet la guerre. On y aura réussi tous à montrer ce qu'on peut avoir de mieux etce qu'on peut faire de pire. Dans un étrange jeu d'échos ubuesques, le Libansouffre de n'avoir pas pu trouver un Président là où les pays frères souffrentde ne pas pouvoir s'en débarrasser. Il rêve d'unité là où nous espérons tous, chez-nous,le pluralisme. C'est un pays de cultures, là où nous en sommes encore aux paysdes folklores. Ses islamistes, chiites ou pas, ont fait illusion avant d'enfaire le drame, contrairement à chez-nous où ils ont fait le drame avant decontinuer à faire illusion. C'est un pays qui était en train de naître sous nosyeux, contrairement aux nôtres grabataires sous nos pieds. Il vient donc deretomber dans le cercle de nos démons intimes et nous expose à la rapine par sadébandade. Incarnant les deux grands destins de nos pays à tous: se faire irakiser ou se faire libaniser. Coincésentre un Président à pendre ou un autre à trouver. Dépecés par les nouveauxprotectorats ou poussés à l'éclatement comme on coule un navire que l'on veutéviter d'offrir à l'ennemi. La moitié du désert, c'est le désert. L'autremoitié, c'est l'Arabe qui le regarde, écrivit un jour le chroniqueur. La secondemoitié étant plus grande que l'autre, c'est vers elle que nous refluons, entribus, dans le mouvement inverse de la conquête et le mouvement hâtif descamps levés et pliés.


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