Algérie

Analyse du Jeudi



L’attentat de Bouchaoui, un tournant L’attaque terroriste de dimanche dernier à Bouchaoui (Alger) contre des ressortissants étrangers travaillant pour l’entreprise américaine Brown Root and Condor (BCR) marque un tournant dans l’évolution de la radicalisation de ce qui reste du GSPC qui a revendiqué l’attentat. Il s’agit réellement d’un tournant en ce sens qu’il s’agit du premier attentat du genre pour cette organisation criminelle, même si elle a eu à cibler des étrangers une première fois en janvier 2001, en assassinant gratuitement quatre techniciens russes dans la wilaya de Annaba. La différence entre ces deux attentats est que, à l’époque, la question de s’attaquer à des étrangers non musulmans présents en Algérie n’était pas tranchée au sein de l’organisation terroriste. Elle fut même l’objet d’un «débat» interne qui est allé jusqu’à demander l’avis d’un «prédicateur djihadiste» moyen-oriental connu, une des principales références du GSPC, et d’autres organisations du même genre à travers le monde. Celui-ci a opposé un niet absolu dans sa réponse (les correspondances sont sur le net), estimant en substance qu’un visa accordé à un étranger pour entrer dans un pays musulman équivaut à un acte qui le «met à l’abri du danger» et, dès lors, qu’il arrive dans le pays, sa sécurité ne relève plus des autorités mais de l’ensemble du peuple, sauf évidemment s’il s’agit d’un ennemi déclaré. Le GSPC ne semble pas avoir été convaincu de cet argumentaire. Il a alors «ressuscité» une ancienne fetwa produite par sa propre «commission légiste» qu’il a publiée dans son propre site Internet de l’époque mais dont il ne s’est pas pressé d’en faire usage. Cette même question a été reprise à la fin du printemps dernier à travers une «réflexion» assez longue rédigée par l’un de ses dirigeants et publiée dans le même espace où le ton utilisé ne laissait aucun doute sur la tournure vers laquelle il se projetait et que, tôt ou tard, il fera le pas décisif. Son adhésion officielle à Al-Qaïda, à la fin de l’été dernier, l’a placé dans une situation où plus rien ne le ferait hésiter pour peu que les moyens dont il dispose encore le lui permettent, les fetwas, orientations et recommandations de cette organisation étant très claires sur ce plan. Ceci pour l’aspect théorique. Pour l’attentat de dimanche dernier lui-même, le choix du lieu et de l’entreprise ciblée sont fort instructifs sur les desseins et les moyens de l’organisation criminelle. Bouchaoui n’a pas connu d’acte terroriste depuis le lundi 28 janvier 2002, avec un double attentat du GIA contre un policier et une femme qui a été entraînée dans la forêt avoisinante, égorgée et mutilée. Les jours suivants, l’arme du policier sera découverte sur Antar Zouabri et ses acolytes lors de leur mise hors état de nuire à Boufarik (Blida), le 8 février 2002. C’est dire que, entre temps, la zone a été entièrement sécurisée ou, à tout le moins, semble l’avoir été. En s’y manifestant, le GSPC a voulu montrer et même prouver, comme l’ont relevé certains journaux nationaux qui ont établi un lien entre Bouchaoui et la proximité avec le Club des Pins, qu’une incursion dans les lieux les plus sensibles reste du domaine du possible d’autant que cela pourrait focaliser les recherches sur les auteurs dans la forêt avoisinante au moment où ils seront à l’autre bout de la capitale. Cela apparaît d’ailleurs à travers la «panique» qui a marqué cet attentat opéré dans une certaine précipitation sans laquelle le résultat aurait pu être plus dramatique, du moment que la configuration du terrain s’y prêtait et le timing de la sortie du personnel était connu ainsi que les mesures de protection qui ont été renforcées depuis. Le choix de Bouchaoui semble avoir été, en même temps, un «test» sur les possibilités de s’attaquer à la capitale par son côté-ouest. Jusque-là, c’est le côté limitrophe de Boumerdès, à l’Est, qui a connu une agitation sporadique, même si la région de Cheraga a eu, une fois ou deux, il y a quelques années, à tenter le GSPC qui a dû à chaque fois y laisser des plumes. La tendance, qui a prévalu jusqu’à présent, laisserait envisager que les auteurs devraient se replier sur la région de Boumerdès, mais à suivre de près l’agitation qui a commencé à transparaître ces derniers mois dans une partie de la wilaya de Tipaza, regarder de ce côté pourrait ne pas être négligeable. Mais quoi qu’il en soit, ce «déplacement» n’est pas fortuit ni irréfléchi et repose nécessairement sur d’autres considérations qu’un attentat contre des intérêts considérés liés à une entreprise dite étrangère, qui, plus est, a défrayé récemment la chronique pour une histoire plus où moins trouble de «surfacturation», ce qui suppose une question de «corruption» dont le GSPC en faisait les choux gras dans ses écrits on-line, en cherchant à se donner une ambition de défense des intérêts du pays. Maintenant que l’appréhension à propos des attentats contre les étrangers en Algérie est devenue une réalité avec ce premier attentat revendiqué par le GSPC, rien n’indique que le spectre ne va pas risquer de durer comme ce fut le cas du temps du GIA. D’autant plus que c’est ce que souhaite Al-Qaïda dont des émules, comme Abou Mos’âb Es-Souri, faut-il le rappeler, en avaient été les commanditaires. Les attentats avaient alors ciblé les ressortissants de pas moins d’une trentaine de pays. Croisons les doigts!



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