Tlemcen - Autres scientifiques

Les arabisants et la France : Bargès, Jean Joseph Léandre (Auriol, Bouches-du-Rhône, 1810 – Auriol, 1896) – abbé, éditeur de textes historiques, professeur d’hébreu à la Sorbonne





Fils d’un modeste agriculteur, il entre au petit séminaire puis au grand séminaire de Marseille, dont le directeur, acquéreur de la bibliothèque de l’hébraïsant abbé Boyer, l’encourage dans ses études orientales. Il complète son apprentissage de l’hébreu auprès du livournais Benedetti, grand hazan de la synagogue de Marseille, et l’élargit en apprenant l’arabe auprès d’un maronite, le père Djabour, moine antonin de Beyrouth venu à Marseille recueillir des aumônes en faveur de son couvent. Il suit aussi l’enseignement du père Taouil*, chante en arabe aux offices de l’église grecque catholique Saint-Nicolas-de-Myre et fréquente à la fois les négociants « égyptiens » (les Hamaouy*, Aydé, Sakakini*, Dahdah*…), l’érudit Joseph Varsy, ancien vice-consul de France à Rosette, qui met à sa disposition les manuscrits qu’il a collectés, et les salons de dames grecques, ce qui lui coûte son vicariat à Notre-Dame-du-Mont. Bachelier ès lettres, il devient précepteur et est admis à la Société asiatique sur présentation de Garcin de Tassy et de Silvestre de Sacy* (1835), et publie dans le Journal asiatique des extraits d’el-Menoufi consacrés au Nil. Alors qu’il sert d’interprète auprès du tribunal de commerce et pour l’administration diocésaine – avec laquelle ses rapports sont assez froids –, il est choisi par Eusèbe de Salle* pour le suppléer à la chaire d’arabe de Marseille en 1837, ce qui suscite l’opposition d’un parti de négociants derrière Sakakini*. En 1839, il fait un premier voyage en Algérie, façon d’affirmer ses compétences pratiques, mais surtout occasion d’acquérir des manuscrits (« Lettre sur un ouvrage inédit attribué à l’historien arabe Ibn Khaldoun », Journal asiatique, novembre 1841 − le texte est dû en fait à Yahya, frère du grand Ibn Khaldoun) et de faire copier des textes (à partir des registres du tribunal musulman d’Alger, il publie des « Actes notariés traduits de l’arabe », Journal asiatique, septembre-octobre 1842). Recommandé par Mgr Affre et par Garcin de Tassy, il est chargé en novembre 1842 de l’intérim du cours d’hébreu à la faculté de théologie de Paris (il accède à la chaire en 1854, après avoir été reçu docteur), malgré le jugement très défavorable du proviseur du collège royal de Marseille, selon lequel il serait un des plus ardents détracteurs de l’enseignement universitaire. Un second voyage en Algérie en 1846 lui permet de compléter sa documentation, en particulier sur Tlemcen où il acquiert un manuscrit de l’ouvrage d’Abū ‘Abdallâh Muḥammad b. ‘Abd al-Ǧalīl at-Tanasī, Naẓm ad-durr wa l-‘iqyān fī bayān šaraf Banī Zayyān [Collier de perles et d’or natif ou tableau de la noblesse des Banû Zayyân] dont il donne une traduction intitulée Histoire des Beni-Zayan, rois de Tlemcen (1852). Pour la Revue de l’Orient où il rend compte des éditions arabes publiées à Marseille par Rochaïd Dahdah [Rušayd ad-Daḥdāḥ], il tire de son voyage plusieurs articles avant de publier à compte d’auteur une intéressante relation à laquelle il conserve « le mérite naïf et spontané de l’improvisation » (Tlemcen, ancienne capitale du royaume de ce nom ; sa topographie ; son histoire ; description de ses principaux monuments ; anecdotes ; légendes et récits divers ; souvenirs d’un voyage [1859]). Lié à l’abbé Bourgade* qui lui confie l’étude d’inscriptions puniques, avec des résultats discutables, Bargès ne se désintéresse pas de l’Orient et des études hébraïques. En 1853, il fait un voyage en Égypte et Palestine qui lui apporte les « notions et renseignements précieux pour l’intelligence de la Bible » qu’il en attendait. En 1884, après avoir assuré plus de quarante ans un solide enseignement de l’hébreu – on juge en 1870 qu’il forme bien la quinzaine d’auditeurs qui suivent son cours –, il prend sa retraite au moment de la suppression de la faculté de théologie, et se retire à Auriol. Plus que son œuvre philologique où il s’efface, traduisant sans commentaires, on retiendra la familière sympathie qu’il manifeste envers les Orientaux, chrétiens du Levant, mais aussi juifs et musulmans d’Algérie.


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