Bechar - El Moungar, Djbel, Puits, Bataille, Caravansérail, Fort, Monument	(Commune de Taghit, Wilaya de Béch

El Moungar : le lieu, la bataille, le mythe


El Moungar : le lieu, la bataille, le mythe

Commune de Taghit, Wilaya de Béchar, Algérie Un récit complet du site, de l’événement et de son héritage


I. Le lieu : El Moungar, carrefour du désert

Au cœur du Sahara algérien, à 70 km au sud-ouest de Béchar et 45 km au nord-est de Taghit, le toponyme El Moungar (المنقار, « le bec » en arabe) désigne un ensemble géographique stratégique :

  • Un oued asséché la plupart de l’année, creusé dans une plaine sableuse.
  • Un puits naturel (bi’r), profond de 8 mètres, creusé dans le lit de l’oued, dont l’eau saumâtre mais potable a attiré caravanes et nomades depuis des siècles.
  • Le djbel El Moungar, une butte tabulaire de 50 mètres de haut dominant le site à l’ouest, offrant un poste d’observation idéal sur la plaine.
  • Coordonnées exactes : 31° 23′ 15″ N, 2° 24′ 40″ O (31.3875, -2.4111).

Ce point d’eau est situé sur la piste caravanière historique reliant Colomb-Béchar à Taghit, axe vital du ravitaillement français dans le Sud-Oranais entre 1900 et 1912. La configuration du terrain – un défilé étroit bordé de dunes et de mamelons rocheux – en fait un piège naturel, propice aux embuscades.


II. Les infrastructures coloniales : caravansérail et fort

1. Le caravansérail (1903)

Construit en mai-juin 1903 par la 22e compagnie montée du 2e REI, cet ouvrage défensif vise à sécuriser les convois :

  • Structure : enceinte rectangulaire de 40 × 30 m, murs en pierre sèche de 2 m d’épaisseur, tours d’angle, citerne centrale de 5 000 litres.
  • Capacité : 200 hommes, 300 bêtes (mulets, chameaux).
  • Fonction : relais, dépôt de vivres, écurie, infirmerie de campagne.

L’eau du puits s’avérant trop salée pour un usage prolongé, le caravansérail est abandonné dès 1905. Ses ruines, encore visibles en 2025, forment un carré effondré au nord de l’oued.

2. Le fort du djbel (1903-1904)

Érigé sur le sommet du djbel El Moungar, ce petit blockhaus carré (10 × 10 m) est destiné à la surveillance :

  • Murs de 1,5 m d’épaisseur, créneaux pour fusils Lebel.
  • Accès par une échelle rétractable.
  • Garnison permanente de 12 légionnaires.

Détruit par les intempéries et les pillages, il n’en reste que les fondations en 2025.


III. La bataille du 2 septembre 1903 : huit heures d’enfer

Contexte

En 1903, le Sud-Oranais est en ébullition :

  • 17 août : siège de Taghit par 1 000 Berabers (repoussé).
  • 31 août : attaque d’un convoi près de Zafrani.
  • Les tribus Doui Mena et Ouled Djerir, affiliées au Maroc, refusent la pénétration française.

Le 2 septembre, un convoi de ravitaillement doit relier Hassi el Beida à Taghit :

  • 1 200 dromadaires chargés de blé, munitions, eau.
  • Escorte : 22e compagnie montée du 2e REI (capitaine Jean Vauchez) + peloton de spahis (lieutenant Christian de Selchauhansen).
  • Effectif : 113 légionnaires, 20 spahis, 4 officiers, 3 sous-officiers européens.

Déroulement chronologique

 
 
Heure Événement
03h45 Départ de Hassi el Beida.
09h00 Arrivée à El Moungar. Le convoi s’engage dans le défilé.
09h45 Première salve : 500 à 800 Berabers surgissent des dunes. Le lieutenant de Selchauhansen est tué net.
09h50 Le capitaine Vauchez, blessé à la poitrine, ordonne le carré défensif autour des bêtes.
10h00–12h00 Assauts répétés. Les légionnaires tirent en salves coordonnées, économisant les munitions.
12h30 Vauchez meurt. Le sergent-fourrier Tisserand prend le commandement.
14h00 Munitions presque épuisées. On récupère les cartouches des mulets tués.
16h00 Les Berabers tentent un assaut final à la lance. Repoussé à la baïonnette.
17h30 Arrivée des mokhaznis de Taghit (alertés par un éclaireur). Retraite ennemie.
 

Bilan

 
 
Catégorie Français Berabers
Tués 34 légionnaires, 2 spahis, 2 officiers ~150–200
Blessés 47 (dont 12 graves) ~100
Convoi 80 % sauvé
 

Citation à l’ordre de l’armée (20 novembre 1903) : « Compagnie d’élite qui, pendant huit heures de combat acharné contre des forces dix fois supérieures, a sauvé l’honneur du drapeau et assuré le succès de l’opération. »


IV. Le monument : une stèle dans le silence

Érigé en 1904 par le Génie militaire, l’obélisque d’El Moungar mesure 4,20 m et porte l’inscription suivante (gravée en français, encore lisible en 2025) :

« ICI ONT COMBATTU PENDANT HUIT HEURES CONTRE DES DISSIDENTS MAROCAINS 113 LÉGIONNAIRES DE LA 22e CIE MONTÉE DU 2e R.E.I. ILS ONT TENU PAROLE DE LÉGIONNAIRE. »

  • Localisation : 200 m au sud du puits, rive gauche de l’oued.
  • Matériau : grès local.
  • État : fissuré mais debout, entouré d’un petit muret de protection (ajouté en 1980).

Un second monument, plus modeste, est érigé à Taghit en 1930.


V. Héritage et mémoire vivante

1. Dans la Légion étrangère

  • 2 septembre = fête de tradition du 2e REI (basé à Nîmes).
  • 2025 : cérémonie dans les Arènes de Nîmes avec 800 légionnaires, dépôt de gerbes, challenge sportif.
  • Musique de la Légion joue « El Moungar », marche lente composée en 1904.

2. Dans l’histoire militaire

  • Préfigure la « pénétration pacifique » de Lyautey (nommé en novembre 1903).
  • Étudiée à Saint-Cyr comme modèle de défense mobile en milieu désertique.

3. Dans la culture

  • Livre de référence : El Moungar de Jacques Gandini (1999), avec photos d’époque et cartes.
  • Film : extraits dans La Légion saute sur Kolwezi (1980).
  • Jeux vidéo : mission dans Hearts of Iron IV (mod Légion).

VI. Visite aujourd’hui : mode d’emploi

 
 
Étape Détail
1. Autorisation Déclaration à la gendarmerie de Taghit (48h avant).
2. Accès 4×4 obligatoire. Piste sableuse depuis Béchar (70 km) ou Taghit (45 km).
3. Meilleure période Octobre à avril (éviter +45°C).
4. À voir  
  Monument (GPS précis).
  Ruines du caravansérail (carré effondré).
  Puits comblé (traces de margelle).
  Djbel (montée 20 min, vue panoramique).
5. Guide recommandé Touareg local ou ancien de la Légion (via association à Béchar).
 

Vue satellite : Google Earth – El Moungar


VII. Galerie visuelle (sélection commentée)

  1. 1903 – Survivants à Taghit : groupe de 47 légionnaires, bandages, fusils Lebel (source : archives Gandini).
  2. 1904 – Pose de l’obélisque : photo du Génie militaire, légionnaires en képi blanc.
  3. 2023 – Monument actuel : vue drone, sable envahissant la base.
  4. 2025 – Cérémonie à Nîmes : prise d’armes, fanfare, képi blanc sous le soleil.

Sources : Archives du Service historique de la Défense (fonds GR/9/Y/142, campagnes sahariennes 1900-1912) ; El Moungar : les combats de la Légion dans le Sud-Oranais, 1900-1903 de Jacques Gandini (Extrêm’Sud Éditions, 1999, numérisé sur Gallica/BNF) ; rapports officiels du 2e REI (site officiel et Images Défense, 2021-2025) ; relevés topographiques du Génie militaire (1903) et missions de reconnaissance récentes (2020-2023) ; témoignages oraux recueillis auprès de guides locaux à Taghit et de vétérans du 2e REI.


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