Algérie

Une société (presque) aphone



Organiser une rencontre sur un thème délicat est toujours un casse-tête pour une association ou un organisme non étatiques. Aussi, une ficelle a été trouvée : arracher le fameux sésame « Sous le haut patronage de son excellence le président de la République ». C?est la garantie d?une salle prestigieuse, d?un large sponsoring d?entreprises ou d?organismes publics riches, d?une forte couverture par les médias lourds et de la présence aux travaux d?un aréopage d?officiels. Pour en bénéficier, il faut cependant ruser, avoir ses entrées dans la sphère décisionnelle en n?ayant bien entendu pas frayé dans le « politiquement incorrect ». Voilà une illustration du fonctionnement de la vie publique algérienne où règne en maître absolu le discours officiel. Si elles ne sont pas interdites, les voix discordantes sont toutefois poussées, par la force des choses, à devenir le moins audible possible : des salles de seconde zone, pas de subvention, absence de personnalités officielles, faible médiatisation, etc. Parce qu?elles sont frappées de suspicion, de bonnes associations ne peuvent faire passer convenablement leur message. Idem pour les partis politiques qui, en théorie sous l?effet du texte portant état d?urgence, sont interdits du recours à la rue. Mais dans la réalité, les formations qui gravitent autour de la sphère du pouvoir réussissent à se mouler dans les grands rassemblements organisés par les autorités officielles, saluant avec celles-ci, soit une sortie publique du chef de l?Etat, soit un moment dédié à la « réconciliation nationale » ou un troisième mandat présidentiel. A Alger, leurs meetings se font dans les grandes salles et sont assurés de bénéficier des largesses du JT de 20h de l?Unique. Les applaudissements, les slogans, les motions de soutien tiennent lieu de débat. Parce qu?ils ont voulu sortir du moule, les syndicats autonomes, eux, ont subi le silence méprisant des autorités, si ce n?est de la répression. L?Algérie réelle qui pouvait dire fortement son mot durant la décennie 90, y compris contre le terrorisme et ses commanditaires, n?est plus aujourd?hui en mesure de critiquer comme il le faut les gouvernants et leurs politiques. Les Algériens n?auront aucune possibilité dans les mois à venir de passer au crible le bilan du chef de l?Etat, condition indispensable pour que la présidentielle 2009 ait un sens. Moment fort de la vie politique, ce type d?élection donne lieu, dans les pays développés, à un large débat démocratique. C?est une opportunité de taille pour l?ensemble des acteurs de la vie publique de voir clair et surtout de se projeter dans le futur. Les Algériens sont condamnés, eux, à n?entendre des voix dissonantes que durant les quelques semaines consacrées ? et bien encadrées ? par la loi à la campagne électorale. Le chef de l?Etat, lui, dès l?annonce officielle de sa candidature pour un troisième mandat (hypothèse des plus plausibles) verra son bilan magnifié par ceux-là mêmes qui ont ?uvré avant l?heure, quitte à mépriser la Constitution, pour l?introniser une nouvelle fois président de la République à partir d?avril 2009. Dans l?entretien accordé à l?agence Reuters, il y a quelques jours, Bouteflika avait laissé entendre qu?il ne briguerait pas un troisième mandat sans avoir convaincu le peuple qu?il a réellement honoré ses engagements. Voilà un bon leurre destiné à la consommation extérieure.
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