Algérie

Une ingénieure et des hommes



A l'échelle des dérèglements climatiques, la semaine depluie que nous avons connue n'a rien d'exceptionnel, et pourtant elle a bienété vécue comme une « mihna », une épreuve dans tousles sens du terme.Il ne s'agit pas de faire dans le « comble de la critique »qui consiste à reprocher les chutes de pluie à l'Etat ou au pouvoir. Il fautjuste constater, outre les pertes en vies humaines, que la pluie nous révèlel'ampleur de la non-gestion de nos villes. On s'estfait au chaos urbain des jours sans pluie dans la logique de la généralisationdu « normal ». Il y a une année, un ministre s'inquiétait du fait que lesvilles d'Algérie allaient être saturées d'ici 2025. A l'évidence, il esttrès optimiste. Il a suffi de quelques jours de pluie - ce qui, répétons-le, n'arien d'exceptionnel - pour saisir que la limite est déjà atteinte et quependant des jours, aller au travail n'était obligatoire, comme pour lepèlerinage, que pour celui qui en est capable.Il y a eu beaucoup d'images révélatrices d'une accumulationcontinue de petits désordres qui font les grandes catastrophes, comme celle de Bab-El-Oued. A Aïn Bénian, un pont construit après la catastrophe de Bab-El-Oued a été emporté, tandis que le vieux pont esttoujours debout. Il ne faut pas être grand technicien pour comprendre pourquoile neuf s'est effondré et le vieux est resté debout. C'est la différence entreun travail fait dans les règles et le bricolage «grosso modo».Il faut voir cette image pour saisir que le savoirtechnique, pour ne pas dire le savoir tout court, a cédé le pas aucharlatanisme et à la logique de curée. Pourquoi dès lors s'étonner qu'aprèsquelques jours de pluie seulement, on revoit ressurgirdes oueds que des édiles mal inspirés ont cru pouvoir effacer par décisionadministrative. On les a retrouvés ces oueds sur l'autoroute et reprenant leurvieux lit au coeur des villages. Une urbanisation approximative et chaotique, c'esttrès coûteux, beaucoup plus coûteux que de faire les choses dans les normes. Amoins de penser que c'est « l'argent du beylik » et que ce n'est pas grave.Dans une ville, à l'ouest de la capitale, on a vu une jeuneingénieure de la compagnie des eaux diriger avec unegrande compétence des travailleurs, dont beaucoup de barbus. Il y avait dansles gestes de ces hommes dirigés par une jeune femme une ardeur au travail quiest devenue rare dans notre pays. Pourquoi étaient-ils donc si heureux cestravailleurs dans un pays de machistes où beaucoup s'énervent encore de voirles femmes leur « prendre leurs boulots » ? La réponse était évidente: ce n'estpas parce qu'elle incarnait un pouvoir qu'elle a imposé le respect, mais parcequ'elle était manifestement compétente, qu'elle n'était pas là pour la frimemais pour leur montrer ce qu'il faut faire.On sait bien que les obstacles à une bonne gestion desvilles sont politiques. Mais il devient urgent pour ce pays de réhabiliter lacompétence technique. On a confié la gestion des eaux à des entreprisesétrangères; peut-on se permettre de leur confier aussi nos villes ?
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