Algérie

Statuts juridiques des entreprises privées La modernisation, une affaire de temps


L’entreprise privée algérienne est jeune, voire très jeune, au regard de sa naissance qui ne remonterait, pour les plus anciennes d’entre elles, qu’à environ une vingtaine d’années. Longtemps interdite par les textes doctrinaux de l’Algérie socialiste, la « propriété privée exploiteuse », pour reprendre la formule consacrée par la charte nationale de 1976, n’a commencé timidement à apparaître qu’au milieu des années 80.

Ceci à la faveur de quelques réglages législatifs concernant notamment l’octroi de crédits à l’importation au profit de quelques entrepreneurs privés affiliés à la chambre de commerce et d’industrie et du desserrement du commerce local autrefois dévolu aux seules sociétés nationales. Cette période de relative ouverture effectuée à l’ombre de monopoles mis à mal par la crise financière de 1986, permettra à certains hommes d’affaires de faire de l’accumulation de capital qui leur sera bien utile lorsqu’en 1988, commenceront les réformes qui leur ouvriront de véritables boulevards notamment en matière d’importations. Les besoins multiformes du marché algérien étaient si importants que la fortune leur était presque automatiquement acquise. C’est pourquoi les analystes font généralement remonter la dynamique de l’entreprenariat privé algérien à cette époque qui commence en 1985 et qui se poursuivra jusqu’à la fin des années 90, qui verra apparaître une législation un peu plus restrictive à leur égard. Une législation (code de commerce, obligation de déclarer un minimum de capital, obligation de constituer des société par actions avec une raison sociale plus précise, règles du jeu mieux définies pour la convertibilité commerciale du dinar etc.). C’est à la fin de la décennie 90, que commence à prendre fin l’ère des "personnes physiques" qui monopolisaient le commerce extérieur et détenait en 1999 environ 56% des projets d’investissements retenus par l’ex APSI. En dépit des aménagements introduits dans le nouveau code de commerce, seuls 12% des détenteurs de projets avaient statut de SARL ou d’EURL et encore moins (2%) de SPA, selon Mustapha Mekidèche dans son ouvrage intitulé “Algérie, entre économie de rente et économie émergente”. Mais les choses semblent avoir beaucoup changé depuis. En effet, sous l’impulsion d’un arsenal juridique à la fois plus restrictif mais aussi plus incitatif, les "personnes physiques" se sont progressivement mues en "personnes morales" ayant structurées leurs affaires dans des sociétés ayant selon le cas le statut de SARL, EURL, SNC, SPA et autres formes de constitution autorisées par le code commerce en vigueur. L’apprentissage de la gestion moderne (on parle de plus en plus de management) est de rigueur avec notamment l’obligation de présenter chaque fin d’année des comptes au fisc, de travailler avec les organes de gestion habilités (Conseil d’administration et depuis peu les commissaires aux comptes) même si les entreprises en question sont restées, dans l’écrasante majorité des cas, des biens familiaux. Mais c’est déjà là un grand progrès que sous d’autres cieux les hommes d’affaires ont mis bien des années à réaliser. C’est pourquoi, les analystes, aussi bien, nationaux qu’étrangers, sont pratiquement tous d’accord pour dire qu’en matière de modernisation du mode de propriété et de gestion des entreprises privées, il serait mieux indiqué de laisser le temps au temps, que de faire valoir des solutions autoritaires. L’instruction de plus en plus poussée des enfants de patrons, notamment dans les filières du management (MBA, diplômes supérieurs en science financière et comptabilité etc.) ouvre de prometteuses perspectives à de nombreuses entreprises privées algériennes qui sauront, sous la conduite de ces dynamiques et compétents héritiers, s’adapter aux changements induits par la mondialisation. Le challenge des pouvoirs publics algériens devrait plutôt consister à créer un environnement favorable aux mutations souhaitées. On prendra à titre d’exemple la Bourse des valeurs qui aurait certainement pu être un outil efficace aux mutations systémiques des sociétés privées, en ce sens qu’elle permet d’intégrer de nouveaux actionnaires dans le capital de ces entités qui verraient, du coup, leur mode de gestion changer sous leur impulsion. La bourse d’Alger est malheureusement réduite à l’état végétatif depuis 1999, au moment où les entreprises algériennes en phase de mutation, en avaient le plus besoin. On soulèvera également le cas de la privatisation des entreprises publiques qui aurait pu être un magnifique tremplin pour le transfert de propriété du public vers le privé, avec la possibilité pour les entreprises privées les plus solides, de prendre part au capital de nos plus importantes entreprises publiques, y compris, celles du secteur des hydrocarbures. Les sociétés privées seraient à ces occasions, contraintes de moderniser leurs statuts juridiques (les EURL deviendraient à titre d’exemple des SARL et les SARL seraient transformées en SPA pour être à la hauteur des nouveaux défis managériaux). Mais, force est de constater que la privatisation conduite avec beaucoup d’opacité, n’a malheureusement pas induit d’effet de modernisation sur les entreprises privées qui, du reste, semblent être exclues du bénéfice de la privatisation des grandes entreprises industrielles, pour l’instant destinées aux seules entreprises étrangères. C’est du moins le constat que les statistiques des privatisations conclues permettent de faire. On relèvera par ailleurs l’absence dans la législation algérienne (Code Commerce, code civil e etc.) du statut de " société anonyme " pourtant considérée de par le monde, comme la forme d’organisation et de gestion la plus moderne des sociétés par actions. L’ouverture de ce type de société à l’actionnariat de masse, y compris étranger, contraint en effet leurs gestionnaires à parfaire chaque fois mieux les techniques de management dans le but de satisfaire à l’obligation de résultats, réclamée lors des assemblées générales, par des actionnaires de plus en plus nombreux et exigeants.


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