Algérie

Statistiques, empirisme et navigation à vue



Statistiques, empirisme et navigation à vue
Proposition autant audacieuse qu'étonnante que celle faite par Bachir Messaïtfa, secrétaire d'Etat chargé de la Prospective et des Statistiques, aux pays africains pour la formation de cadres spécialisés en statistiques. De la fiabilité des statistiques en Algérie, M.Y. Boumghar, attaché de recherche au Cread, considérait, il y a quelque temps déjà, que «'le système statistique gagnerait beaucoup plus si l'ONS disposait de moyens humains et financiers que ceux dont il dispose actuellement», et, dans la foulée, l'homme qui parle ès qualité réfute «'l'argument de création d'instituts et d'observatoires parallèles producteurs de statistiques'». Cela étant, est-il besoin de rappeler que la fiabilité et la sincérité des chiffres statistiques sont obligatoirement tributaires de la transparence dans la gestion des affaires du pays de la base au sommet, de la première cellule à l'organe chargé de la collecte de toutes les informations, leur traitement, le classement et enfin leur actualisation en temps réel, pour peu que le pays soit doté des moyens conséquents aussi bien humains que matériels et techniques.
Or, la transparence est le talon d'Achille de l'ensemble des institutions nationales. Conjugué à ce manque de transparence l'absence d'une maîtrise professionnelle, dont il faudrait chercher les raisons non pas dans la compétence sans doute réelle des cadres spécialisés qu'évoque le secrétaire d'Etat, mais la capacité de l'Algérie à rester au diapason de l'évolution des techniques et technologies consacrées à ce volet et à s'en doter en temps réel au risque de tomber dans ce qui ne pardonne pas, à savoir l'obsolescence et, dans le meilleur des cas, le'décalage.
Jusque-là toutes les statistiques officielles fournies par les institutions du pays ont, presqu'à l'unanimité, été ou réfutées sans autre forme de procès par les médias depuis l'avènement de la presse indépendante ou peu convaincantes. C'est, par ailleurs, à l'avantage incontestable des organismes officiels chargés de l'établissement des statistiques qu'aura le plus profité la remise en cause ou la fiabilité des chiffres fournis en la matière et dans tous les domaines sans exception. Le meilleur exemple étant évidemment celui du taux de chômage, lequel a vu d''il frappe par ce qui est fourni en théorie mais que toute approche empirique démonte avec la plus grande aisance. Apparemment, seul l'Office national des statistiques est relativement à jour en matière de statistiques, quoiqu'il faudrait également s'interroger sur la fiabilité des chiffres fournis à partir de l'instant où, pris comme exemple probants, les sites internet des départements gouvernementaux sensibles, comme ceux de la santé, du travail et de l'éducation, ne fournissent que des chiffres statistiques remontant dans le meilleur des cas à 2011 et dans le pire (ministère du Travail) à 2007, lequel gagnerait à être comptable de la réalité immédiate qu'exigent emploi et chômage. Un tel constat ne peut donc qu'inviter à prendre avec des pincettes la démarche algérienne initiée par le secrétaire d'Etat chargé de la Prospective et des Statistiques, à Abidjan, dans le cadre de la réunion des ministres africains de l'Economie, des Finances et de la Planification, d'autant plus que Bachir Messaïtfa lui-même concède que «'la multiplicité des centres de production de l'information altère la crédibilité des chiffres officiels et donne l'impression que l'information est sujette à un grand tiraillement. Si on ajoute à cela les chiffres que présentent les centres étrangers et les rapports internationaux, la situation est plus critique». Ce qui est sans doute légitime chez ceux qui accordent peu de crédibilité aux statistiques fournies par les organismes algériens. L'exemple de l'ancien directeur du FMI, en l'occurrence Dominique Strauss Kahn, démentant (sans être pour autant démenti) superbement le taux de chômage officiel de l'ONS est plus qu'éloquent.
En conclusion, le secrétaire d'Etat algérien considère enfin que pour rétablir la confiance dans la statistique officielle il faut «prioriser la construction du système national d'information statistique dans ses deux volets, économique et social'le but est, bien sûr, l'amélioration de l'information, de la doter de crédit et d'assurer sa libre circulation».
En somme, il y a d'abord plus nécessité de mettre de l'ordre à la maison.
A. L.
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