Algérie

SOLEILS NOIRS !




SOLEILS NOIRS !
La Manipulation. Roman de Mustapha Yalaoui... Editions Paper Library Art, Constantine 2015, 357 pages, 800 dinarsUn journaliste du plus grand quotidien du pays, soucieux d'accomplir honnêtement sa mission (sans trop se préoccuper des «orientations» de son réd'chef qui veut toujours des reportages axés uniquement sur les «aspects positifs» de la vie... des reportages sur la «joie de vivre» de nos concitoyens... «sans flou» et... «faites gaffe à vos fesses», ajoute-t-il toujours), une ville (ou gros village), à la fin des années 60 ou à la fin des années 70 ou 80 ( peu importe !), une cité pourrie par une Histoire mal écrite et seulement «dite» , les histoires, les magouilles, les complots, les manipulations, la soif d'argent et de pouvoir et , comme toujours, l'ombre fantomatique d'un personnage cynique et terrifiant qui «tire les ficelles»... bref, tous les maux et tous les espoirs du pays... et, bien sûr, quelques rares résistants, rescapés de la Guerre de libération nationale ou gauchistes ou tout simplement rêveurs impénitents, bien souvent sinon toujours marginalisés, maltraités, «mahgourine», incompris, démunis de presque tout, déjantés. Il y a, aussi, des élections qui se préparent ; «les premières vraies élections libres et démocratiques» disent-ils (retenez çà, c'est hyper important !). Le «barbouilleur de papier» devient l'objet recherché ou craint car il a, en sa possession, un manuscrit «compromettant». Une histoire de meurtre maquillé en suicide. Pour les uns, le moment, peut-être, de faire éclater des «vérités» sur des passés aujourd'hui dominants et dominateurs mais hier guère reluisants sinon peu avouables ou même criminels. Pour les autres, militants sincères ou taupes (on ne sait pas et plus qui est qui), il s'agit tout simplement de ne pas laisser l'opinion publique déraper sur des pistes contraires aux intérêts (de la communauté... et des individus, surtout les grands et gros du coin).Point de départ, donc, un ancien combattant retrouvé «suicidé», qui a laissé derrière lui un manuscrit révélateur des turpitudes des «nouveaux maîtres». Du moins, c'est là la conclusion officielle des services de sécurité après une enquête rapidement expédiée.Comment toute cette sombre histoire finira-t-elle ' Comme toutes les sombres histoires algériennes, immanquablement «liées aux man?uvres politiciennes et aux complots»... de la manip' pure et simple pour faire «capoter» la démocratie, pour faire taire toute contestation. Tout est permis en temps d'autocratie, en temps de la collusion politique-affaires. En attendant que le ciel nous tombe sur la tête ! La décennie rouge, dite noire, n'est pas née de rien mais d'un passé récent, lui-même infecté, noir dehors, peut-être plus rouge encore au-dedans.Ah ! Il y a aussi, bien sûr, une histoire d'amour... passionnée, contrariée, tragique…L'Auteur : Licence en journalisme ( première Ecole nationaale supérieure de Journalisme de l'Université d'Alger, tout en faisant du théâtre dans la troupe de l'A.c.t de Kateb Yacine, dans les années 70… Il a d'abord travaillé à l'Oncic , dans la réalisation, avant de rejoindre la «culturelle» d'El Moudjahid (quotidien). En 90, il fonde un hebdomadaire, Les Nouvelles de l'Est... mais, en 92, il cesse toute activité journalistique pour se «lancer» dans l'industrie chimique.Avis : Difficile à lire tant le livre est «copieux» et trop détaillé, mais vous serez tenus en haleine jusqu'à la dernière ligne. De plus, vous allez connaître la «face cachée», miséreuse et misérable, de la Capitale.Extraits : «L'homme de vérité ne doit se fier qu'à son propre flair. Mieux : il ne doit se fier qu'à ce qu'il peut ressentir par lui-même, de façon tangible. Guerrier ou poète, ce n'est que dans le feu de l'action qu'il démontre le mieux ses capacités. Ailleurs et autrement, il est voué à l'échec» (p 37), «On peut résister à tout, sauf au plaisir de se faire plaisir» (p 207), «L'infidélité est une erreur d'aiguillage. Sinon, quel est le problème ' Et, comment peut-on rester fidèle à l'autre, à soi tout en étant libre» (p 231), «Le vin, tu ne peux pas en parler si ton gosier n'en a jamais connu la saveur» (p 312)Eclats de soleil et d'amertume. Récit de Kader Benamara... Editions Barkat, Alger 2012, 390 pages, 800 dinarsCe n'est pas seulement un simple récit que propose l'auteur. Ce n'est pas un simple travail de mémoire. C'est aussi un véritable conte. L'Histoire d'Alger, à travers ses rues et ruelles, sa Casbah, ses bâtiments et ses immeubles, sa vieille ville et ses momuments, ses cafés et ses cinémas, ses lieux de vie et ses jardins, ses populations, européenne coloniale et «indigène», ses communautés et ses familles, le débarquement américain, le racisme européen anti-juif, la cohabitation en apparence sereine mais avec un apartheid qui ne disait pas son nom, ses écoles emblématiques (comme l'école Sarrouy) et ses noms prestigieux (comme Camille Saint-Saens, le musicien décédé à Alger à 86 ans en 1921 à l'hôtel de l'Oasis, Cervantès l'hidalgo longtemps prisonnier des corsaires turcs, Fanon le psy'militant, Paul Belmondo le sculpteur né à Alger en 1898, Timsit le communiste, Aboulker le chirurgien humaniste, Camus, le philosophe à qui il a consacré , dans une sorte de «défense et illustration», 12 pages, Momo le poète,... ), ses batailles pour la liberté et ses héros... mais aussi ses périodes tragiques et douloureuses, la torture et l'Oas...Un livre parsemé d'anecdotes toutes aussi intéressantes les unes que les autres : Farid El Atrache qui se fait insulter au cinéma Djamal, en 52. Il a chanté Tunis et pas Alger. Youcef Wahbi qui, jouant le rôle d'un prélat portant un grand crucifix sur la poitrine, se fait huer...Et, beaucoup d'interrogations.L'écriture est si simple, si fluide, si claire et les faits si prenants qu'on n'arrête pas de lire, de lire et de lire. Des détails, des remontées historiques, des faits précis…un récit parsemé d'éclats lumineux bien que teinté d'amertume... en raison de ce que le peuple algérois (et lui-même) a subi mais aussi de ce qu'il a raté ou laissé se dégrader ou se perdre. Avec des jugements qui, bien que compréhensibles, sont parfois bien trop sévères, sur les «trous béants» de l'après-62. Nostalgie d'un plus que septuagénaire trop attaché à ses souvenirs d'enfance et de prime jeunesse, exilé trop tôt et revenu trop tard ' Nous sommes tous, quelque part, des Kader Benamara !L' Auteur : Né en 1942 à la Casbah. Actuellement en retraite, après une carrière de fonctionnaire international (au FMI puis au sein d'une agence de l'OPEP), il vit sur les rives du Danube, en Autriche). Etudes en sociologie et en économie en Algérie (avec pour prof' Mouloud Mammeri en 62-63), en France et aux Etats Unis (Université de Georgetown). A été, aussi, co-auteur, avec Fritz Keller, d'un ouvrage sur «le soutien européen à la résistance algérienne (54-63)», toujours aux éditions Barkat.Avis : Trop de digressions. Mais, Alger «en roue libre», de fond en comble…et énormément de détails sur tout et (presque) tous. Hier, pour comprendre (en partie) aujourd'hui.Extraits : «Le Majestic verra ainsi, dans ses travées, des militants du Fln (....) décider de la Constitution du pays. Tout un programme ! La loi fondamlentale de l'Algérie élaborée dans un cinéma ! Quelle ironie du sort et quelles perspectives prometteuses s'annoncent ! «(p75), «Tout comme dans une psychothérapie, il faut pouvoir affronter l'histoire de plein pied, confronter ses démons. C'est la mémoire émotionnelle de l'Algérie, cet inconscient collectif auquel il faut faire face. Il ne faut pas la refouler mais être capable de la gérer et d'en guérir» (p 102), «La guerre nous a dérobé notre adolescence «(p 295) «Un peuple sans mémoire est un peuple otage» (p 380), «Le gouvernement et la société, les libertés et les droits pouvaient être organisés à partir d'un document et tenaient non pas au bon plaisir d'un individu, d'un despote, d'un empereur ou même d'un roi bénévole, mais à la vertu d'un écrit » (Commentaire sur la Carta Magna anglaise de juin 1215, p 381)Constantine. Ombres du passé. Récits de Robert Attal. Casbah Editions, Alger 2013, 169 pages, 350 dinarsSon livre commence à Bizot (gros bourg colonial se trouvant à quinze kilomètres de la capitale de l'Est) où il a vécu une prime enfance heureuse... et où son père, fermier de son état, juif de confession, allait être assassiné par des manifestants (musulmans, alors outrés par le fait qu'un ivrogne ait, dit-on, uriné, à Constantine, sur un mur de mosquée), le 5 août 1934. Sa famille ne fut sauvée que par un arabe… ce dont il se rappellera toujours et le marquera. L'ouvrage se terminera par un départ précipité du pays (surtout «la peur d'être, dans une Algérie indépendante, des Dhimis, des citoyens de second ordre ou, au pire, des otages») ; un pays, une ville, un quartier, une ambiance, un métier (il était enseignant) qu'il ne voulait pas quitter. Hélas, l'Oas a terminé le travail de démolition du minimum de cohabitation des communautés qui avait résisté aux «évènements» ; événements devenus une guerre.La Picardie est un «pays » tranquille, au vert, presque édenique... mais pas assez de soleil et beaucoup de froid.L'auteur raconte simplement son existence en Algérie. Sans rancune. Un peu de nostalgie. Beaucoup de regrets, surtout pour ce qui a été gâché par tous ceux, Européens et certains juifs, qui n'avaient pas compris, à temps, que l' «apartheid» semi-visible entretenu en Algérie allait mener à l'impasse et à la confrontation.Il raconte tout ou presque tout. La vie de tous les jours des Juifs (tout particulièrement) de Constantine et de leurs amis. Une vie misérable ou miséreuse, heureuse ou insouciante, intégrée ou rejetée, encensée ou sacrifiée. Il avoue même avoir participé (et cela le remue aujourd'hui encore), soldat, à un peloton d'exécution (de deux jeunes gens) après le 8 mai 45.Mémoires amères et nostalgiques, confessions douloureuses, récits et anecdotes éclatés, souvent savoureuses, dissection d'une société multiculturelle, se côtoyant sans trop de mélanges... Un peu de tout, de tout un peu. Et il n'y a pas mieux qu'un instit' (de la très vieille école) pour être un fin sociologue... de son peuple.L'Auteur : Israélite de confession, l'auteur est natif de Constantine, longtemps instituteur à l'intérieur du pays (l'Algérie), enseignant l'Histoire et la Géographie dans des collèges et lycées. Parti en 62 en tant que «dépatrié» puis, l'âge venant, il tente de «retrouver» Son Algérie natale par le biais de cet autre livre, car il a déjà beaucoup écrit sur la Révolution française et la guerre 14-18Avis : Livre d'amour pour le peuple berbéro-juif d'Algérie et de réconciliation avec le pays natal. A lire, surtout par les jeunes pour qu'ils sachent que l'Histoire de l'Algérie est multiple et diverse... à nulle autre pareille. Son drame et sa chance !Extraits : «Le 1er novembre 1954 (... ) fut ainsi la fin d'une manière de vivre» ( p 61), «Si les Juifs avaient vécu sous la domination musulmane en citoyens tolérés, parfois maltraités, ils ne furent pas confrontés à la forme d'antisémitisme radical, doctrinal, électorale et racial qui balayait la colonie» (p 155), «Si j'oublie que je suis juif, les autres ne l'oublient pas « (p 107), «On aurait dû m'appeler un «dépatrié» obligé de quitter sa patrie pour un exil doré. L'histoire de ce déracinement est aujourd'hui une virgule oubliée sur la page du temps» (p 167)







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