Algérie

Saison estivale très bénéfique



Les émigrés à la rescousse de la Corniche L’économie de la Corniche oranaise a pris un bond substantiel avec l’arrivée en masse des Algériens établis à l’étranger. Le début du mois d’août a été, en effet, et de l’avis de tous, très bénéfique pour les commerces de tous genres. «Si la consommation continue à ce rythme et jusqu’à la fin du mois d’août, les chiffres de la saison ne seraient que plus satisfaisants alors qu’ils battaient de l’aile, pendant les mois de juin et de juillet», noteront plusieurs commerçants. Cette tendance de nos jeunes émigrés à passer les vacances au bled s’accompagne d’une forte hausse de transferts des devises effectués, «boostant» de la sorte l’économie locale. Et ces jeunes émigrés, et de leurs aveux, viennent au bled non pas parce qu’ils sont attirés par le standard des vacances à l’algérienne mais parce qu’ils veulent s’imprégner de l’air du pays d’origine, «de se sentir libres, loin des regards perfides... du racisme». «Liberté de rentrer dans la plus huppée des boites de nuit. Liberté d’avoir avec soi les plus belles filles. Liberté de conduire à fond la caisse les mini-motos et les quads -interdites en France sur la voie publique. Liberté de fumer partout. Enfin, vivre la liberté absolue du bled» (avec tous ses paradoxes, bien sûr), relève-t-on également de leurs témoignages. Selon l’administration de l’EPO, ils sont plus de 60 mille dont 70% sont des émigrés qui sont passés via le port d’Oran, au mois de juillet (51.980 durant les 3 premières semaines). Et un nombre encore plus important sera attendu pendant le mois d’août. Effectivement, le nombre de groupes de jeunes roulant dans de belles mécaniques est devenu trop perceptible à travers les rues d’Oran, au début du mois en cours. Le marché des devises n’a pas pour autant connu les baisses habituelles, enregistrées à chaque saison estivale. Parmi les causes du statu quo du marché des devises évoquées par les «cambistes» oranais, on relève que la demande a connu également un envol substantiel car les Algériens ont également pris l’habitude de passer leurs vacances à l’étranger et surtout en Tunisie. L’équilibre vient donc grâce à l’affluence des ressortissants algériens. Il s’avère aussi que nos émigrés sont les sauveurs providentiels de l’économie saisonnière de la corniche. En fait, tous les commerçants, restaurateurs, cabaretiers, hôteliers... attendaient ces rastaquouères venant du Nord et pleins aux as, en se frottant les mains. D’après le propre aveu du proprio d’un restaurant familial et situé à Trouville, pendant le mois de juin et les deux premières semaines de juillet, le restaurant ne désemplissait que de moitié et ce, même pendant les week-ends. En effet, celui-ci exerce à portes fermées à cause de la ruée des clients émigrés dont les files d’attente vont parfois au-delà de minuit. Les fins de semaine en ce mois d’août, les boites de nuit et les bars affichent également tous complets. Les voitures des noceurs en stationnement devant les portes de ces boites se comptent par centaines à certains endroits. Interrogés sur l’apport de cette clientèle providentielle, le videur d’une boite notoire a déclaré que «ce sont exceptionnellement de jeunes émigrés qui viennent au bled pour faire la fête». «A Oran, dit-il, ils sont plus à l’aise et s’amusent à fond. Tous les patrons les préfèrent et les courtisent alors que là-bas, ils sont considérés comme une source de tapage et de violence». Autrement dit, la nature dépensière de ces jeunes roulant dans des voitures de luxe et arrosant tout le monde leur ouvre toutes les portes. Dans un cabaret de la Corniche, réputé de recevoir les jeunes gens turbulents du 93 (Seine Saint Denis), un encadrement sécuritaire spécial est déployé, dès les premières apparitions de ces jeunes. «Il faut les garder à l’œil sans trop les bousculer car ils constituent une part majeure de nos rentrées pécuniaires estivales. Même s’ils constituent aussi une certaine gêne pour nos autres clients», notera le gérant de ce cabaret. Si les soirées arrosées attirent le chaland émigré, c’est à cause aussi, il faut le dire, de la prostitution. Des prostituées ont avoué que plus de 70% de leurs clients pendant la saison estivale sont des émigrés. Dans les cabarets de la Corniche, des entraîneuses vont à la chasse de ces bandes de jeunes friqués. Ces derniers sont attirés par tous les catalogues des soirées algériennes; des soirées techno/house, aux soirées de gasbah traditionnelle. La manière et la fréquence de dépenses des jeunes émigrés sont régulées par la transaction faite lors du change des euros contre des dinars. Par exemple, si la bouteille de champagne dans la plus huppée des boîtes fait 16.000 DA chez-nous, c’est-à-dire, environ 150 euros, elle est cédée dans la plus moyenne des boites de l’hexagone à plus de 800 euros. C’est cette forme de penser ou de calcul qui incite les jeunes émigrés à dépenser, toujours dépenser plus, en comparant... toujours les prix d’ici et de là bas. En extrapolant, la moyenne de dépenses de cette catégorie de jeunes émigrés est estimée à plus de 3.000 euros par personne et par séjour. Les autres émigrés qui viennent en famille passer des vacances, chez leurs parents dans la plupart des cas, sont moins dépensiers, bien sûr, mais ils constituent les rentrées essentielles pour certains commerces de proximité. La courbe des dépenses de ces familles se développent pour dépasser de cinq fois voire plus, la moyenne annuelle. On apprendra, par ailleurs, par le maître de recherche au Centre national de recherches en économie appliquée au développement (CREAD), que les indices de l’adéquation du tourisme des ressortissants algériens avec le développement de l’économie locale sont de plus en plus positifs. S’appuyant sur des données bancaires, le chercheur déclare que «contrairement à l’idée très usitée, les transferts de fonds des émigrés algériens vers leur pays d’origine enregistrent une croissance exceptionnelle après une baisse significative observée durant les années 1990. Ils auraient atteint 1,5 milliard de dollars en 2004 pour doubler durant les années ultérieures», y compris, bien sûr, les recettes du tourisme estival. Le chercheur du CREAD semble également démystifier certaines idées reçues qu’on adopte souvent à tort pour les ressortissants algériens. «Le migrant algérien n’est plus seulement dans la situation de salarié, il est devenu employeur, de plus en plus qualifié, naturalisé pour la plupart dans les pays d’accueil, et souvent en famille. En plus de certains jeunes chichement friqués que les pouvoirs publics français appellent «les bénéficiaires de l’économie souterraine». Ces derniers sont les plus recherchés par les investissements touristiques de la Corniche. Selon les données de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) de 2003, la population d’origine algérienne dans les pays européens s’élève à 1,3 million, dont 35,6% déclarent avoir la nationalité algérienne. 64,4% affirment avoir opté pour la nationalité du pays d’accueil. En 2007, ils sont plus de 1,6 million d’Algériens résidant à l’étranger. L’Algérie, explique le chercheur du CREAD, «reste un pays d’émigration; elle connaît actuellement une quatrième vague de départ. Ses émigrants à l’étranger sont à la troisième génération, autant dire que c’est une émigration très ancienne et fortement intégrée dans les pays d’accueil». Cette migration apparemment aléatoire serait bénéfique pour l’économie nationale et ce, à long terme. Pour autant, une baisse relative est observée entre les années 1970 et les années 2000. Les statistiques de l’institut français des statistiques (INSEE) relèvent que la population migrante algérienne est en baisse par rapport aux populations étrangères sur le sol français. Elle était estimée à 21,7% en 1982, elle est descendue à 17,1% en 1990 pour atteindre 14,6% en 1999. Le CREAD est convaincu que la tendance à la baisse se poursuivra, en dépit de la quatrième génération de départ. Il observe même une propension au retour en Algérie. Sur un autre registre, les modes de relations économiques ou professionnelles entretenues par les enfants d’immigrés algériens avec leur pays d’origine sont également en perpétuel essor. De nombreuses relations ont pu être constatées et les projets économiques ou professionnels en direction de l’Algérie sont encore plus nombreux. Ils révèlent des changements profonds en comparaison des relations du passé: les activités sont envisagées comme temporaires, elles n’impliquent pas un retour en Algérie, elles concernent exclusivement des activités indépendantes à l’initiative de ces individus qui, dans certains cas, sont déjà entrepreneurs en France. Les activités envisagées sont considérées soit comme supplémentaires, soit comme complémentaires à l’activité professionnelle exercée en France. Elles témoignent également du rôle joué par les membres de la famille en Algérie et du nouveau projet professionnel sous l’influence des années passées en France qui ont modifié le projet migratoire. Enfin les relations entretenues avec l’Algérie dévoilent trois éléments fortement liés les uns aux autres: la revendication d’une place ici et là-bas, l’émergence d’une élite économique, la «nouvelle» politique algérienne à l’égard de cette «deuxième génération». Benachour Mohamed



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