Algérie

Sa veuve a convié les Algériens à l'inauguration Paris se donne un carrefour au nom du général de Bollardière



Entre le général Jacques Paris de Bollardière et l'armée française, le face-à-face est loin d'être clos. Un demi-siècle après avoir refusé de faire siennes les «méthodes efficaces» chères au général Massu et au commandement, il revient rappeler avoir tiré sa révérence «en paix avec sa conscience». A défaut d'endosser l'uniforme - il n'est plus de ce monde depuis 1986 - et de renouer avec le monde des casernes, le «rebelle» s'installe symboliquement à un pas de l'Ecole militaire de Paris. Là où, entre autres passages d'une carrière militaire bien meublée, il avait assumé les tâches d'instructeur et de formateur. C'est le maire de Paris, Bertrand Delanöe, et son équipe municipale qui ont «arrangé» cette énième explication entre le général Jacques de Bollardière et «la grande muette». Début octobre, le Conseil de Paris délibérait unanimement en adossant une nouvelle adresse à l'espace public parisien : «Carrefour du général Jacques Paris de Bollardière». Le carrefour est situé au croisement des avenues de Suffren et de La Motte-Picquet Grenelle entre les 7ème et 15ème arrondissements parisiens. Symboliquement, l'initiative urbaine de la Ville des Lumières est très forte. Le général de Bollardière, le militaire sanctionné de 60 jours de forteresse, l'officier accusé d'avoir attenté à l'honneur de l'armée, prend place au coeur de la France officielle. La nouvelle adresse parisienne est inscrite dans le quartier de l'Ecole militaire, de l'Hôtel des Invalides - là où reposent maréchaux et généraux de France - et de nombre de ministères. Autre symbole, le général de Bollardière, le soldat devenu un adepte convaincu de l'anti-violence et de l'antinucléaire, trône à un îlot du siège de l'UNESCO. Là où délégués du monde entier n'en finissent pas de discourir «de la culture de paix et de dialogue entre les peuples et les hommes du monde». Avant de dévoiler la plaque en compagnie de Simone de Bollardière, la veuve du général, le maire de Paris a salué la mémoire de l'homme. «Jacques Paris de Bollardière n'est pas seulement l'homme de la libération. C'est un militaire qui se bat et se révolte - d'abord au sein de l'armée - contre des pratiques comme la torture et la fouille des lieux de culte en Algérie». Une des filles Bollardière s'est dite heureuse de partager avec les membres de sa famille l'héritage moral d'un père «en paix avec sa conscience». Un père qui «a pris la mesure de la vie, le prix infini de chaque être humain». Simone de Bollardière a souhaité la présence à la cérémonie des Algériens contre lesquels «mon mari a refusé de se livrer à l'abominable». Des Algériens, il y en avait pour la circonstance aux côtés de «porteurs de valise», de politiques qui - tel l'ancien ministre Pierre Joxe - ont inauguré leur carrière politique dans l'opposition à la guerre d'Algérie. Au premier rang se dressaient Malika Boumendjel, la veuve de Me Ali Boumendjel, le militant froidement exécuté par les parachutistes, Hocine Aït-Ahmed, Mohamed Harbi, l'écrivain Mourad Bourbonne. En revanche, les officiels diplomatique et consulaire n'étaient pas de la partie. En 2004, l'ambassadeur et le consul général de l'époque, Mohamed Ghoualmi et Saïd Abdiche, étaient présents à l'inauguration, au quartier latin, de la «Place Maurice Audin» du nom du militant indépendantiste enlevé par les paras et jamais retrouvé depuis. Membre d'une famille de soldats de père en fils, le général de Bollardière a eu une carrière déclinée en quatre temps forts : la résistance au nazisme et à la trahison vichyste, le bourbier indochinois, l'Algérie et l'opposition à sa «salle guerre» et, dans les années 1960 et 1970, la croisade anti-violence et anti-essais nucléaires. A toutes les étapes de son itinéraire, Jacques Paris de Bollardière a fait valoir sa différence par rapport au conformisme militaire. Mais c'est à Alger - livrée aux parachutistes et aux tortionnaires par le gouvernement socialiste de Guy Mollet - qu'il a conféré à sa carrière la résonance qui est la sienne. Au plus fort de ce que les clichés médiatiques ont qualifié de «Bataille d'Alger», le général est sollicité fermement par sa hiérarchie de contribuer à «l'efficacité» de la lutte impitoyable contre le «terrorisme du FLN». A l'image de Paul Teitgen, le secrétaire général de la Préfecture de police d'Alger qui a refusé d'être le complice de Massu et de Bigeard, le général de Bollardière a opposé une fin de non-recevoir. Le 7 mars 1957, il s'en explique dans un courrier adressé au général Salan, commandant la 10ème région militaire (Algérie) : «Convoqué par le général Massu, j'ai été obligé de prendre nettement conscience du fait que j'étais en désaccord absolu avec mon chef sur les méthodes employées (...), j'ai, donc, l'honneur de vous demander d'être immédiatement relevé de mes responsabilités». Prix de cette audace : 60 jours de forteresse et le début de la fin précoce d'une brillante carrière militaire.


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