Algérie

Quand la démographie prend l?ascenseur...



Le développement ne peut, dans ce cas, que prendre l?escalier...Telle était la déduction des experts avertis du fait économique à la fin des années soixante déjà.C?est officiel maintenant, le cinquième recensement général aura lieu sous peu. Mais l?on est en droit de se poser la légitime question de savoir qu?en fera-t-on après l?analyse de ses résultats ? Avons-nous tiré les enseignements des premiers comptages de population pour l?orientation de nos multiples plans de développement ? Posez la question sur la mauvaise qualité de l?enseignement, l?enseignant vous fera indubitablement la même réponse : « c?est dû à la surcharge démographique ! » Le transporteur, le logeur, le médecin, le magistrat vous assènerons quasiment tous, chacun pour son secteur d?activité, cette sentencieuse vérité.Le constat est malheureusement unanime. Il aurait été heureux de le faire, au milieu des années soixante-dix et en tirer les leçons, quand le deuxième recensement général annonçait les quinze millions d?habitants. La tendance galopante était bien visualisée, et ce, en dépit du fort taux de mortalité infanto-juvénile, dans la tranche d?âge de 0-5 ans, et la précarité sociale qui sévissait encore dans les faubourgs périurbains et dans la campagne. Le taux d?accroissement naturel de la population caracolait à près de 3,5%. L?illusoire sécurité du logement laissé vacant, par 1 million de rapatriés pied-noirs, s?est vite estompée, avec l?occupation de l?espace par 5 millions de nationaux. Les tenants de l?industrialisation à outrance et du plein-emploi réclamaient plus « de bras ».Les panarabistes voulaient plus d?hommes, pour débouter l?entité sioniste ou « Israël » hors de Palestine.Les guillemets étaient d?usage à l?époque. On ne savait pas encore qu?avec la science, il ne serait nul besoin de bras, il suffirait d?un seul doigt sur un bouton pour déclencher la destruction à distance.Les partisans de la limitation des naissances, peu nombreux d?ailleurs, la suggéraient du bout des lèvres. Leur argumentaire ne résistait pas aux réserves énergétiques de Hassi-Messaoud et aux 2.300.000 km2 de superficie du territoire national. Les intégrismes de tous bords, populistes et démagogues, menaient de sourdes luttes pour la conquête des masses populaires. L?autorisation de sortie du territoire national et le modique pécule n?avaient pas empêché une certaine jeunesse, de beaucoup voyager. Cracovie, Zagreb, Varsovie et Prague étaient les destinations les plus fréquentées par des jeunes encadrés par des organisations de masse, dans un but « d?échanges culturels et d?expériences ». Baghdad, Amman, Damas étaient pour d?autres, des destinations de ressourcement dans les reliques des fastes Omeyyade ou Abbasside. Ils partaient à la recherche de « savoir ». Les « khiriji » d?El-Azhar fourguaient leur science à nos enfants.On se targuait d?avoir l?un des taux les plus élevés au monde, des moins de 20 ans. L?Algérie est un pays jeune, ce qui est tout à fait séduisant, mais l?on oublie souvent qu?être jeune, c?est être sans expérience.La précocité du mariage touchait beaucoup plus les filles que les garçons. Celles-ci n?avaient pas de raison majeure pour le faire reculer. Peu d?entres elles fréquentaient l?université à cette époque. Pendant ce temps, sous la poussée du nombre, les femmes accouchaient parfois par terre dans les maternités.A ce propos, des néologismes faisaient le distinguo entre la maternité rurale et la maternité urbaine. Comme s?il pouvait y avoir une naissance citadine et une naissance rurale ! Où était donc la différence ? Les pouponnières faisaient leur apparition. Le nombre d?enfants abandonnés par les mères célibataires serait à l?heure actuelle de l?ordre de 3.000 par an.Les moyens contraceptifs étaient acquis discrètement par certains et déclarés illicites par d?autres. On se gargarisait de : « Li khlak ma idhay?a ».Des locaux sont transformés en école, des écoles en annexes de collège, des collèges en annexes de lycée et des lycées en centre universitaire. Aucune disposition volontariste n?était affichée, on laissait faire Dame Nature. La rentrée scolaire a été, pendant longtemps, la phobie des autorités locales. Elle le reste encore dans certaines régions du pays. Le planning familial devenait, par doux euphémisme : Espacement des naissances. Confié au seul ministère de la Santé et de la Population, on en faisait un problème exclusif de santé. Loin s?en fallait, il s?agit d?un problème dont la globalité est de plusieurs ordres : politique, économique et socioculturel. Ses répercussions ont ébranlé les fondements mêmes de notre société. Mohamed Abdelouahab, le maestro du Nil, à qui on demandait son avis sur les méfaits de l?explosion démographique vécue par son pays, rectifia le qualificatif en disant : « Non ! Ce n?est pas une explosion... c?est un laisser-aller démographique ». Le vocable en arabe, « attacéyoub », est plus évocateur. Artiste et intellectuel à la fois, il s?impliquait sans état d?âme dans les complaintes de son pays.Au lendemain d?une fête religieuse, un commentateur radiophonique affirmait que la capitale était pratiquement vide pendant les deux jours de fête. Non ! Elle n?était pas vide, elle était dans sa dimension humaine.Le surpeuplement est devenu par habitude, un trait de caractère social de la communauté nationale admis par tous. Une famille de 4 membres est plus équilibrée socio-économiquement et culturellement qu?une famille de 10 membres. Cela tombe sous le sens.La Grèce, le Portugal ou encore la Tunisie tout près de nous ont apporté la contradiction à notre logique nataliste et améliorent de jour en jour leurs scores économiques.L?émergence tardive de l?Inde et de la Chine est, sans l?ombre d?un doute, la résultante de leur carcan démographique. Sinon, comment expliquer ce retard de développement, tout relatif d?ailleurs, de ces deux vieilles sociétés humaines ?Il est certes annoncé chez nous, de grands desseins de développement durable, mais les contours et les objectifs interstitiels et généraux de celui-ci demeurent insaisissables par le commun des citoyens que nous sommes. Nous qui sommes usagers de services, consommateurs d?énergie et producteurs de déchets, devons-nous remettre notre sort à la seule Autorité politique du pays ? Se trouverait-il une seule commune ou un seul service étatique qui mettrait en évidence, à l?intention du public, son plan directeur de développement ? Dans l?affirmative, tout est bien dans le meilleur des mondes. L?information livrée par un cadre de Sonelgaz sur les ondes de la chaîne 3, laisse l?auditeur perplexe et impliqué à la fois. L?Espagne produirait, par les seules énergies solaire et éolienne, 9.000.000 de mégawatts, notre pays n?en produirait que 6.000.000 toutes sources de production confondues. Est-ce à dire que le vent et le soleil manqueraient dans notre pays ? Nous avions eu beaucoup de chance, car ce cadre n?aurait pas livré cette information en situation normale. La rigueur de l?hiver a obligé cette respectable institution à intervenir pour inciter les ménages à rationaliser leur consommation électrique.Le grand chantier à entreprendre devrait être, à notre sens, la communication en direction du grand public. Mieux informé, l?individu se réapproprie son statut de citoyen à part entière; sa participation interactive lui fera faire des gestes insoupçonnés.Les racines du mal ont été semées, quand, crédules, il y a de cela plus de trois ou quatre décennies, nous pensions que le surpeuplement est une garantie contre le bellicisme extérieur. Enfin le monde n?était pas ce qu?il est présentement; on manquait dramatiquement de vision prospective. Les résultats de l?involution sont là et bien là ! Ces jeunes désoeuvrés, accolés aux murs de la cité et dont les horizons sont limités pour ne pas dire oblitérés, sont le produit d?une inconscience collective dont nous avons tous été les maîtres d?oeuvre. Ces hordes d?enfants livrés à eux-mêmes, notamment dans les quartiers populeux, devraient être une préoccupation nationale. Il n?existerait pas à l?évidence en dehors de l?école, des espaces culturels qui prendraient en charge cette population juvénile des plus vulnérables. Cette catégorie d?enfants déjà rendue précoce par l?éducation de la rue, est sans nulle doute la plus grande pourvoyeuse des équipées transmaritimes de la Harga. L?école elle-même est interpellée pour ouvrir ses portes closes pendant les vacances, à l?effet de créer des espaces récréatifs où les enfants encadrés devraient pouvoir pratiquer une activité culturelle ou sportive. Libérés des contraintes des programmes scolaires rébarbatifs où l?injonction et l?obligation de résultats sont une exigence, ces enfants pourraient donner libre cours à des prédispositions pour lesquelles aucun autre espace ne leur offre la possibilité de les exprimer pour leur mise en avant.


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