Algérie

Pour une société algérienne de l'information *



« Les stratégies de développement n'ont aucun sens si elles ne prennent pas en compte le nouveau rôle du savoir dans la création de la richesse et l'impératif d'accélération qui l'accompagne [...]. Néanmoins, aucun de ces efforts ne portera ses fruits si le pays concerné ne devient pas partie prenante à l'économie mondiale à rythme rapide, aux réseaux de télécommunications et à l'informatisation qui la sous-tendent [...]. La nouvelle clé du développement est claire : le fossé qui doit être comblé est d'ordre informatique et électronique. Il ne s'agit pas d'un fossé entre le Nord et le Sud, mais d'un déphasage entre rapides et lents ». Alvin Toffler, futurologue Qu'est-ce que la société de l'information ? Cette notion fait son apparition sur la scène médiatique mondiale avec la fin de la deuxième guerre mondiale, notamment avec la naissance d' enjeux géostratégiques d'un type nouveau. Le terme de «société de l'information» est couramment employé. Autrement dit la notion de « société » renvoie à « un système social, économique et politique représentant une communauté humaine ». En y ajoutant le qualificatif «de l'information», elle renvoie dans ce cas à un type social particulier dans lequel la production de la société est bien différente de celle de la «société agraire» ou de celle de la «société industrielle». Au sens où les spécialistes l'entendent, à l'instar de l'auteur de « la troisième vague », « une économie agraire repose sur une part importante de main d'_uvre agricole et sur une conquête de territoire ». L'économie industrielle se caractérise, quant à elle, par « une conquête d'actifs industriels et repose sur une main d'oeuvre d'ingénieurs, d'ouvriers et de robots ». Dans une « société de l'information », « la création de valeur se ferait par le transfert et la communication d'information ». Dans ce type de société, celle où interagissent les personnes et les machines, l'immatériel prend une part dominante dans l'activité humaine. Cette nouvelle vision constitue le fondement de la transformation des rapports économiques et sociaux existants. Ainsi, on peut considérer que cela impliquerait un nouveau modèle, qui peut toucher tous les secteurs économiques, l'organisation sociale et professionnelle, les services publics, les activités culturelles et sociales. De la lecture de la littérature, on attribue généralement les textes fondateurs à G, Pask , S, Curran, Alvin Toffler , Daniel Bell , Alain Touraine , Philippe Breton, Manuel Castells, Armand Mattelard, Dominique Wolton et bien d'autres, qui ont , chacun, apporté une pierre précieuse à l'édifice. Toute intéressante qu'elle soit, cette production n'est pas suffisante, particulièrement pour une société comme la nôtre. Il existe en effet nombre de questions qui donnaient lieu à des orientations controversées, que beaucoup résolvaient par des attitudes figées, voire « programmées ». C'est le cas , par exemple, des idées de Philippe Breton, Armand Mattelard et Dominique Wolton, qui restent par ailleurs subtiles et pertinentes. C'est à cette époque aussi que l'approche de la société de l'information revêt un caractère global qui conduit à souligner les signes annonciateurs qui se font de plus en plus jour, notamment en étudiant les effets de l'information sur la performance. Depuis les années 1970, des voix institutionnelles, notamment lors de rencontres internationales, se sont fait entendre au profit d'une spécificité de la société de l'information , qui ne serait pas forcément techniciste. Les exemples développés dans cette réflexion, qui s'élabore à partir d'un questionnement simple, illustrent les difficultés que l'on rencontre à cerner ce modèle social. Naguère considérée dans l'univers de la gouvernance comme facteur non déterminant de développement et de croissance, la communication au sens général à acquis ces deux dernières décennies une importance capitale .Tout porte à croire que ce siècle que nous entamons , que d'aucuns qualifient d'ores et déjà d' « ère de l'information » , consacrera l'avènement des nouveaux médias, et au cours de laquelle la vie sociale en dépendra fortement , comme elle est aujourd'hui dépendante des médias dits traditionnels. L'importance des nouveaux médias dans les activités sociales, économiques et politiques n'est pas étrangère à cette évolution attitudinale vis à vis de cette nouvelle société. Comment expliquer ce retard en Algérie ? Il est très difficile de définir ce qu'est la nouvelle ère dans une société en pleine mutation. Mais on sait très bien que l'information, particulièrement sous sa forme numérique, peut être considérée comme un facteur éminemment stratégique de la vie socio-économique moderne. L'expérience historique nous indique que les bouleversements économiques et les transformations sociales passent sans nul doute par l'appropriation des nouvelles technologies, qui appellent aussi à un important devoir pédagogique. Et, on le sait plus , parce que l'accès à l'information est devenu primordial que la formule « fracture numérique » exprime bien l'impact de l'écart que l'on peut constater dans son acquisition. En Algérie, cette échelle connaît des changements substantiels, qu'il s'agisse des conséquences en termes d'accès ou de répartition, même si certaines régions du pays traduisent éloquemment l'idée de fracture numérique. La gestion des mutations socioéconomiques et le fonctionnement quotidien des organisations reposent de plus en plus sur l'essor des nouvelles techniques de l'information et de la communication s'accompagnant de faits marquants , dont il conviendrait d'analyser le sens et la portée , du fait que cela a un rapport avec les objectifs poursuivis dans le processus de développement. Dans cette perspective, l'usage des nouvelles technologies de l'information , et en dépit de quelques contraintes financières et logistiques , dont ils peuvent parfois faire l'objet, comprend tout un domaine qui exprime des besoins, en termes de dynamique informationnelle . Ce domaine est celui du contexte environnemental très fortement marqué par le recours intensif à l'information. Les nouveaux médias ne constituent-ils pas un support déterminant à l' entrée dans cette ère ? Et donc finalement un élément indispensable à l'émergence d'une nouvelle dynamique à la fois organique, réticulaire et culturelle à coté des médias classiques. Il suffit de voir , par exemple, les enjeux communicationnels , sociaux, économiques et politiques, pour se rendre compte qu'il y'a là un phénomène auquel il est difficile de rester indifférent , car ces enjeux sont importants pour la société, l'Etat, la culture , l'enseignement , l'entreprise et l'administration en général. Ce constat est tellement évident que l'on aurait scrupule à insister si l'on devait relever que certains acteurs du monde de la gestion ne semblent pas , jusqu'à une date très récente, y avoir porté un grand soin. Peu d'essais , en effet, ont été consacrés à la question du choix de ce modèle sociétal. En Algérie, mes quelques écrits en la matière et ceux de Mohamed Laâgab, de Abdelhamid Aberkane, de Djamel Guerid, de Mohamed Ghlamallah, de Ahmed Bouyacoub et ceux de Chems Eddine Chitour, tiendraient tout entiers dans une modeste contribution. Il est significatif de noter que ce thème, généralement matière à débat, n'occupe aucune place notable dans les préoccupations intellectuelles des universitaires algériens. En fin de compte , l'inventaire se réduit à des études publiées sur un environnement social et un contexte historique bien déterminés, portant sur la société post-industrielle auxquels participent plusieurs écoles sociologiques, communicationnelles, critiques et psychologiques. Ces études montrent effectivement, de manière aussi pertinente les unes que les autres, que non seulement la communication peut jouer un rôle déterminant dans le développement social et économique et que ce questionnement nous parait singulièrement digne d'intérêt, mais encore elle permet d'agiter des attitudes qui déterminent ce processus, surtout en ce qui nous concerne où la réflexion au niveau institutionnel reste très embryonnaire, en dépit des orientations politiques au plus haut niveau de l'Etat. Les thèses que nous exposerons à l'intérieur de ce champ ne prétendent aucunement à couvrir la vaste problématique sur la société de l'information que l'excellent travail de Manuel Castells , auteur de « la société en réseaux » et de « l'ère de l'information » a rendu manifeste, mais elles visent à fournir quelques pistes d'approche à un nouvel ordre social émergent en Algérie qui entretient un rapport totalement singulier avec cette nouvelle dynamique. Largement inspirées par l'histoire, la sociologie, l'économie et les sciences de la communication, ce plaidoyer se focalisera entre autres sur l'apport des nouvelles technologies de l'information, caractère essentiel de la nouvelle société. Profitant de l'intérêt pour les nouvelles techniques de l'information, Internet et les autres formes communicationnelles, on tentera de mettre l'accent sur la place qu'on pourrait assigner à cette dynamique dans son rapport à la question de la communication. Cette orientation est de plus en plus privilégiée, tant par les nouvelles transformations sociales en cours que par les questionnements entourant ce processus social que l'on juge historique. Devant l'évolution qu'ont connues les sciences de la communication et les nombreux questionnements que pose la société de l'information , l'occasion nous est donnée de proposer quelques nouveaux éclairages, afin de voir l'Algérie réussir son intégration dans la société de l'information , notamment en préconisant une formulation d'une version réaliste et objective à même de faciliter la mise en place de mécanismes d'institutionnalisation , de concertation, de coordination et de coopération à l'instar des autres processus historiques. Ce n'est donc pas à travers une décision hâtive que nous essayerons de construire cette nouvelle société. Nous avancerons des idées , sans doute jusque-là tenues à l'écart , dans le but de dégager des outils de compréhension capables de tenir compte des multiples contraintes que les implications liées à la nouvelle configuration posent sur le plan structurel. Mais, chose est sure, elles sont le fruit d'un long cheminement pluridisciplinaire, qui m'a conduit des méandres de l'histoire aux sciences de la communication et notamment de l'économie et aux faits sociaux.  Sur un fait, notre projection tient la route: il s'agit d'une perspective qui cherche à comprendre la nouvelle dynamique observée dans l'espace social, à partir de la disparition des barrières qui entravaient l'accès libre à tous à la connaissance et à l'information. _ L'ère de l'information » répond alors à un besoin pour signifier le changement dans un contexte où l'émergence des nouvelles techniques de l'information renforcera l'accumulation de la connaissance par des moyens peu onéreux de stockage, de traitement et de transmission, accessibles à toutes les strates sociales. Toutes les orientations et les tendances que nous présenterons dans cette réflexion s'accorderont de façon à permettre d'assurer l'émergence de la société de l'information, avec tout ce qu'elle implique comme nouvelle logique. Même si cette dynamique informationnelle ne permet pas de toucher tous les secteurs avec la même force argumentaire, elle permettra cependant de présenter une grille de lecture facilitant l'appréciation et l'émergence des nouvelles conceptions informationnelles et organisationnelles qui forgeront le monde de demain. Pour revenir au contenu de cette réflexion, on peut dire qu' elle constitue parmi les premières productions en Algérie sur la société de l'information embrassant tout à la fois l'ensemble du domaine de l'information et de la communication. Ce plaidoyer témoigne du souci de voir une plus grande attention réservée à l'émergence de la société de l'information, en agissant en faveur d'une prise de conscience, quant aux enjeux et la complexité de ce nouvel ordre social. Ainsi, la nouvelle dynamique diversifie les modes d'accès à l'information et accélère la mutation sociale , tant décrite par Daniel Bell, qui a bien dessiné les linéaments socio- culturels. Les premières avancées de cette nouvelle ère furent fonctionnelles, car le nouvel ordre social a commencé d'abord par transformer les logiques de fonctionnement des entités qui animent et structurent la dimension socio- économique. Il semble dés lors très intéressant de mettre en lumière les nouveaux modes de l'organisation informationnelle permettant de gérer un flux stratégique de données toujours de façon plus importante. De fait, l'information trouve ici toute sa valeur, c'est-à-dire un « élément essentiel » assurant un avantage concurrentiel aux entités qui en maîtrisent l'usage. Cette dynamique définit les contours de développement des systèmes de collecte et de traitement de données toujours plus performants, où l'ensemble des secteurs innovants se trouvent caractérisés par une « intensité concurrentielle forte ». La structuration de cette réflexion livre la logique contextuelle, qui fait que c'est le monde des affaires et des services qui engendrent et bénéficient grandement des nouvelles techniques de l'information. Dés lors , on peut comprendre pourquoi , depuis quelques années, de plus en plus de spécialistes mettent en avance l'idée selon laquelle nous sommes au seuil d'un âge de rupture. Par là, nous cherchons à rendre intelligible cette aube nouvelle, dont il reste à inventer les repères nationaux. Plusieurs chercheurs, à l'instar de Manuel Castells, ont montré que l'émergence d'un espace public de l'information et du savoir a été inséparable en partie de celle de la diffusion des connaissances et de l'éducation par le livre puis l'imprimerie et, plus tard, par la presse , la Radio, la télévision et l'essor mondial des nouvelles technologies de l'information. Comme le dit très bien Daniel Bell, « la plus importante transformation de la société contemporaine, qui n'est toujours pas complètement réalisée d'ailleurs, réside dans l'accroissement sans précédent de la codification du savoir théorique (...). La connaissance est depuis toujours à la base de la communication et également des progrès techniques. Cependant, la codification du savoir théorique est sans précédent, et son lien direct avec l'innovation, l'industrie et l'économie est nouveau dans l'histoire longue de l'humanité. Elle ne date véritablement que d'une centaine d'années (...). C'est fondamentalement le savoir théorique et ses avancées qui conduisent aujourd'hui le changement. Cette réalité est particulièrement évidente en biologie ». Ce constat de la présence, et d'une présence massive, de l'information dans la vie sociale poussent plusieurs spécialistes à porter une attention particulière à ce « moment singulier de l'histoire humaine ». En second lieu, on a mis en évidence au moins depuis « la troisième vague » de Alvin Toffler , Daniel Bell et Manuel Castells que l'espace de la communication est aussi un espace fondé sur les nouvelles technologies de l'information dans tous les aspects de la vie sociale . Toutes les études prospectives sur cette « ère de l'information » reconnaissent aujourd'hui ce fait, et le mettent au premier plan, comme dans le cas de l'émergence du « village planétaire ». Univers cybernétique, il contribue à produire l'ordre des codes informatiques et s'insère dans un nouvel ordre, celui de la « société programmée ». En utilisant cette formule sémantique, j'entends souligner qu'il y' a effectivement des nouveaux médias et des réseaux occupant des places importantes dans cette phase actuelle, notamment dans leurs cadres de création et de diffusion. Ces bouleversements se constituent à partir de déterminations multiples : les mutations profondes du monde de la communication sont les signes annonciateurs d'une nouvelle société , qui reste en Algérie et ailleurs à bien cerner. C'est là une première observation, quant à cette option prospectiviste, faute de quoi il n'y a véritablement aucune raison pour que l'Etat, l'enseignement, la presse et la société en général s'intéressent à cette question. Une deuxième raison pour cet intérêt tient surtout au rapport entre les nouvelles techniques de l'information et la psychologie du changement des attitudes, qui restent l'une des questions cruciales des changements sociaux. Selon Castells, et comme nous allons le voir plus loin, la «société informationnelle» est «une forme particulière d'organisation sociale, dans laquelle la création, le traitement et la transmission de l'information deviennent les sources premières de la productivité «, en raison des nouvelles conditions technologiques. En dépit de la difficulté du sujet, l'importance des actions à mettre en _uvre pour commencer à percevoir ce que la société de l'information peut apporter comme espoirs, notamment chez une grande partie du public ,qui escompte avoir accès aux technologies, puisque la nouvelle société crée une nouvelle génération d'instruments qui pourront favoriser le développement, l'éducation et la transmission du savoir , et à formuler les questions sur lesquelles de nouvelles avancées sont nécessaires, il faut bien noter que certains voient dans l'Internet la silhouette d'une nouvelle architecture sociale plus horizontale, ouverte et interactive. C'est donc plutôt à l'évolution de la problématique de la société de l'information qu'il faut penser pour comprendre les liens profonds mais aussi très ambivalents avec les dynamiques sociales. Ce que l'on appelle les NTIC, dont l'impact est tellement important sur le développement de la nouvelle société, a été un domaine longtemps dominé de manière écrasante, par le courant techniciste. Dans ce cas comme dans l'approche humaniste, on se doit de prendre pour objet la partie homogène, c'est-à-dire l'accès à l'information pour vaincre les distances et à assurer la communication dans l'espace et contribuer à l'émergence d'économies du savoir. Mais, selon Castells, «ce qui distingue l'actuelle révolution technologique, ce n'est pas le rôle majeur de l'information, mais l'application de celle-ci aux procédés de création des connaissances et de traitement/diffusion de l'information en une boucle de rétroaction (feedback) cumulative entre l'innovation et ses utilisations pratiques». Aux yeux de Castells, la compétition, dans la nouvelle économie en réseau, «réside aujourd'hui dans la capacité à produire de la connaissance et à traiter des informations». Si la société devient une société de l'information, l'économie devient une économie fondée sur le savoir. Il est utile de noter que la société de l'information n'est pas étrangère à l'émergence de la tendance vers l'économie du savoir et que c'est précisément cette coexistence qui en fait une caractéristique propre à la nouvelle société, caractéristique que les échanges et les nouveaux liens sociaux ont compliqué et diversifié, jusqu'à lui donner la spécificité que nous lui connaissons aujourd'hui. Mais , au fait, qu'est-ce exactement que la société de l'information , à visage humain ?... ( à suivre) * Cet article est tiré du préambule du livre de l'auteur , intitulé : « Au bout des claviers_la société de l'information », qui paraîtra très prochainement aux Editions « Al Hikma ». ** Docteur d'Etat en sciences de la communication


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)