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Planète (Amérique du Sud) - «La COP de la vérité»: au Brésil, Lula lance les négociations climat


Planète (Amérique du Sud) - «La COP de la vérité»: au Brésil, Lula lance les négociations climat
Face au climatoscepticisme, la COP30 au Brésil doit lutter contre les «forces extrémistes», a affirmé Lula en amont du grand rendez-vous pour le climat, devant quelque 101 représentants d’État.

Belém (Brésil), correspondance

À Belém, le sommet des dirigeants, grande réunion des représentants des pays participant à la COP30 qui s’est tenue les 6 et 7 novembre, a démarré sous forte pression. Dans son discours d’ouverture, António Guterres, secrétaire général des Nations unies, a affirmé que la planète avait «échoué» à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport à la période préindustrielle. L’air grave, il a exhorté les quelque 101 représentants présents, dont 57 chefs d’État, «à passer à la mise en œuvre». «Ce n’est plus le moment de négocier», a-t-il insisté, en avertissant que «chaque fraction de degré signifie plus de faim, de déplacements et de pertes, surtout pour ceux qui en sont le moins responsables».

C’est précisément pour inciter les pays à agir que le président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula, a tenu à organiser ce sommet, qui se tient habituellement au cœur de la COP, avant celle-ci. «Il voulait que le sommet serve de moteur des négociations», explique Stela Herschmann, spécialiste des politiques climatiques à l’Observatoire du climat.

Dans son discours, le chef d’État a réaffirmé que la conférence «sera la COP de la vérité», tout en rappelant la position que le Brésil entend défendre. «Accélérer la transition énergétique et protéger la nature sont les deux moyens les plus efficaces de lutter contre le réchauffement climatique», a souligné le président, exhortant les dirigeants à agir malgré les mensonges des «forces extrémistes».

- Bataille pour le leadership, en l’absence des États-Unis

Le sommet a en effet été marqué par l’absence de représentants de l’Argentine et des États-Unis, dirigés respectivement par Javier Milei et Donald Trump, deux climatosceptiques. «Nous sommes moins nombreux ici à Belém, moins de dirigeants prêts à dire les choses comme elles sont», a déploré le président irlandais Micheál Martin lors de son intervention.

Le désengagement de plusieurs États s’est également manifesté par le retard pris dans la soumission de leurs nouveaux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, censés être révisés tous les cinq ans selon l’Accord de Paris. Le jour du sommet, seuls 101 pays avaient rempli cette obligation. Quant aux retardataires — parmi lesquels de grands émetteurs comme l’Inde, l’Arabie saoudite et l’Argentine —, «ils n’ont donné aucune indication qu’ils allaient présenter leurs nouveaux engagements lors de leurs discours», s’inquiète Marcio Astrini, secrétaire exécutif de l’Observatoire du climat.

. Les dirigeants et représentants d’État au sommet, le 7 novembre 2025. Flickr/Hermes Caruzo/COP30 (Voir photo sur site)

Constatant lui aussi un manque d’engagement de la part de ses pairs, Emmanuel Macron, arrivé en retard au sommet, a exhorté le monde à choisir le «multilatéralisme face au repli sur soi» et à «protéger la science face à l’idéologie». «Nous devons convoquer de nouveau l’esprit qui a présidé à l’adoption de l’Accord de Paris», a déclaré le chef d’État qui a pourtant réduit les ambitions de l’Union européenne sur ses nouveaux engagements en introduisant des flexibilités.

Ding Xuexiang, vice-Premier ministre chinois, a également insisté sur la nécessité de renforcer «la solidarité et la coordination» climatiques, en levant notamment les barrières commerciales instaurées par Trump. «Nous devons renforcer la collaboration internationale dans le domaine des technologies et des industries vertes», a-t-il souligné. En l’absence des États-Unis, un bras de fer pour s’emparer du leadership climatique est attendu entre l’Union européenne et la Chine.

- Dette climatique

Pour de nombreux pays en développement, ce partage reste limité. Rappelant les difficultés auxquelles ils sont confrontés — sécurité, pauvreté, inégalités —, plusieurs ont appelé à un renforcement des financements pour la lutte contre le changement climatique. Ces ressources sont «insuffisantes, fragmentées et trop souvent mal ciblées», a déploré Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo, qui abrite la deuxième plus grande forêt tropicale humide au monde après l’Amazonie.

Plusieurs pays forestiers, dont le Guyana et le Honduras, ont soutenu l’initiative Tropical Forest Forever Facility, un fonds mondial destiné à la conservation des forêts tropicales, lancé le jour même par le Brésil et ayant déjà mobilisé 5 milliards de dollars (4,3 milliards d’euros), auxquels la France devrait contribuer à hauteur de 500 millions d’euros d’ici 2030.

Les pays «polluant impunément la planète » doivent être « plus responsables que les autres»

De nombreux chefs d’État ont souligné que l’augmentation des financements en provenance du Nord relève avant tout d’une question de justice. «Les pays qui, pendant de nombreuses années, ont bénéficié d’un développement accéléré tout en polluant impunément la planète doivent aujourd’hui être plus responsables que les autres», a affirmé Gabriel Boric, président du Chili. «Les mesures de lutte contre le changement climatique adoptées par les pays développés ne devraient pas compromettre les objectifs de développement industriel, commercial et social des pays en développement», a également averti Dion George, ministre des Forêts, de la Pêche et de l’Environnement de la République d’Afrique du Sud, appelant à «accélérer l’action en matière d’atténuation, d’adaptation ainsi que sur les pertes et préjudices», désavantages subis par les pays vulnérables.

Le président de la Colombie, Gustavo Petro, a insisté sur le fait que les ressources ne manquent pas. «Beaucoup de pays émetteurs de CO₂ consacrent leur argent à fabriquer davantage d’armes», a-t-il dénoncé, visant Donald Trump, tout en appelant les pays riches à réorienter ces financements vers l’abandon des énergies fossiles, responsables de 75 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Dans son discours, Lula a envoyé un signal positif sur cette question: il a proposé «une feuille de route pour, de manière juste et planifiée, inverser la déforestation, surmonter la dépendance aux combustibles fossiles et mobiliser les ressources nécessaires pour atteindre ces objectifs».

«La plus grande contribution que cette COP pourrait apporter à la crise climatique serait qu’elle parvienne à mettre en œuvre cette décision, souligne Stela Herschmann. Le Brésil est un grand pays pétrolier et pourrait jouer un rôle décisif sur cette question, mais cela nécessitera beaucoup de courage, une habileté certaine dans les négociations et la capacité de concilier des intérêts divergents.»

- Le lobby du pétrole fortement présent

La proposition devrait en effet se heurter à l’opposition de nombreux pays pétroliers ou producteurs de gaz, comme la Russie, l’Arabie saoudite, le Canada et la Bolivie. «Le lobby du pétrole était très présent en Égypte, il l’a été aussi à Dubaï et en Azerbaïdjan [les précédents hôtes des COP], et il continue de l’être fortement ici au Brésil», alerte Marcio Astrini.

Le Bahreïn, petit producteur de pétrole du golfe, a notamment dépêché directement son ministre du Pétrole, Mohamed bin Mubarak Bin Daina, pour représenter le pays lors du sommet.

La question de l’abandon des énergies fossiles restera un défi de taille, mais elle est désormais sur la table. Ce qui n’est pas encore le cas d’un autre sujet crucial: l’urgence de réduire les émissions de méthane du secteur agricole.

Mia Mottley, Première ministre de la Barbade, a consacré son discours à cette problématique qui a aussi été évoquée par Emmanuel Macron. D’une voix sévère, elle a alerté sur le fait que ce gaz, principalement produit par les cultures du riz et l’élevage, est «80 fois plus destructeur que le carbone». « Nous continuons de le voir se répandre dans l’atmosphère sans qu’aucune action significative ne soit entreprise pour l’arrêter», a-t-elle averti, appelant ses pairs à agir. Pour l’heure, le Brésil, grande puissance agricole, n’a pas encore évoqué cette question.

Photo: Quelque 101 représentants, dont 57 chefs d’État, ont participé au sommet des dirigeants à Belém, le 7 novembre 2025. - Flickr/Lucas Landau/COP30

Par Paula Gosselin

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