Algérie - Revue de Presse

L'Algérien ne fait plus que regarder mais aucun regard ne croise plus le sien. Le pays lui tourne le dos. Le passé le pique. L'avenir lui tire la langue. L'horizon le laisse tomber et l'espoir, une pincée de chique sous la lèvre, a préféré partir ailleurs. L'Algérien ne sait plus quoi faire et, en attendant de comprendre ce qui lui arrive, il a inventé un jeu: marquer d'une croix toute journée qui passe, comme font les prisonniers lorsqu'ils sont seuls face à leur ennui, et marquer d'une pierre chaque endroit où il pose le pied, comme font les égarés du désert. Cela fait cinquante ans qu'il joue à ce jeu. Il a épuisé toute la craie du monde et utilisé toutes les pierres de la terre. Alors, content de ne plus devoir jouer, il se tourne pour admirer son oeuvre. Une montagne, une grande montagne faite de pierres marquées et un chemin qui l'entoure. Le cercle de pierres est parfait comme seuls des êtres liés à un pieu inamovible peuvent en faire. Déçu, plutôt répugné par le résultat aussi maigre de toute une vie de jeu, l'Algérien a décidé de quitter le désert. Mais la mer l'en empêche. Face à la mer qui ne le regarde point, il fait des prières qui lui retombent aussitôt sur la tête. Et constatant qu'il a les caisses pleines, il se met à jeter des milliards dans la mer et c'est alors que la mer commence à lui rejeter des corps. Des enfants, d'innocents enfants qui ont eu en horreur le jeu éternel de la ronde et qui avaient préféré la fuite à l'ennui, la mer au désert, la mort au désespoir, la noyade à l'étouffement. Mais l'Algérien ne cherche pas comment mettre fin à ce désoeuvrement assassin et changer ce paysage asphyxiant. Il repêche les corps et les sermonne. Coupables d'être nés, coupables d'avoir vécu, les jeunes Algériens sont devenus aujourd'hui coupables d'être morts. De nulle part, l'Algérien entend une voix en off. La multitude de timbres n'est faite que pour tromper, mais il n'y a au fait qu'une seule voix pour faire croire encore à une harmonie là où tout est désordre et discordance, banalité et misère. La voix demande à l'Algérien de rester dans son merveilleux paradis, de ne pas quitter son incomparable éden. Non, ce n'est pas Dieu qui parle. Dieu ne parle pas ainsi et l'Algérien n'est pas Moïse ! C'est l'air, c'est le vent, c'est le mensonge à la vie plus longue que l'âge de tous les Algériens réunis. Entre le désert vide et la mer hostile, l'Algérien a tranché. Le sable n'a plus de goût et ne peuvent y vivre que peu d'animaux, les reptiles et les scorpions notamment. Le goût de l'eau, par contre... Ah ! le goût de l'eau ! Cela a, au moins, le mérite de donner une illusion de liberté quand le sable étouffe et peu importe si un goût de sel vient tout altérer lorsque, ailleurs, tout est déjà altéré..., l'espoir, l'ambition, le souhait, le futur et même les graines de l'avenir ! L'Algérien lève le regard vers le ciel pour regarder les étoiles afin qu'il puisse s'orienter, mais d'étoiles point ! Il a oublié que, dans son jeu de cinquante ans, et à force de tourner en rond, il a creusé un puits dans le ciel et que ce puits a avalé toutes les étoiles. Incapable de s'orienter, il ne cesse de répéter: «Où va donc l'Algérie ?».
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