Algérie

Octobre se répétera-t-il ?


Avant chaque automne, la presse nationale se distingue par des manchettes du genre “Une rentrée sociale dure attend les Algériens”, “L’Algérie au bord de l’explosion sociale”. Cela dans le but évident de rappeler au citoyen que ce qui s’est produit le 5 octobre 1988 risque de se répéter. Avant d’expliquer pourquoi les événements d’Octobre 1988 ne risquent plus de se reproduire, il convient d’abord de comprendre réellement ce qui s’est passé ce jour-là. À mon avis, ce qui s’est passé est en rapport direct avec la crise du système politique algérien, miné de l’intérieur par des antagonismes de clans et des intérêts qui l’ont mis dans une impasse.
Les multiples forces politiques présentent au sein de différentes institutions politiques et sécuritaires et dans les appareils du système que les tentatives de réformes entamées au début des années 1980 ont fait chou blanc. Il n’est plus possible dès lors d’envisager la réforme du système de l’intérieur. Des centres du Pouvoir ont expérimenté des réformes en se basant sur les antagonismes des clans, mais très vite, ces derniers se sont rendu compte que le rapport de force à l’intérieur des appareils ne permet pas d’entreprendre ces réformes, du fait des forces conservatrices qui ont un poids considérable dans plusieurs institutions importantes. Ce qui a créé, à l’époque, un équilibre paralysant. Le recours aux couches sociales intermédiaires citadinisées, comme base sociale jouissant et bénéficiant de l’aval de l’opinion internationale, fait partie des scénarios expérimentés pour réformer le système (exemple de l’hebdomadaire Algérie  actualité, création de l’Association des enfants de chouhada et la Ligue des droits de l’homme). Mais le non-ancrage social de ces couches bourgeoises, l’atomisation de leurs directions, leur clivages linguistiques les disqualifient pour assumer le rôle de catalyseur de la scène politique. Du coup, l’appel de ces couches embourgeoisées en faveur de la démocratie, la liberté d’expression et d’organisation n’a pas trouvé de prolongement au sein des masses populaires.
Après plusieurs tentatives de réformes, toutes avortées, le mouvement social, qui commençait à apparaître dans les grandes villes, sous la houlette de jeunes citadins, est envisagé comme alternative pour réformer le système. Ce mouvement social naissant se caractérisait par la faiblesse de son encadrement politique. C’est, en tout cas, ainsi qu’apparaissait à ses débuts le mouvement social qui se présentait, en dépit de ces limites, comme une force de pression politique en dehors du système pour faire bouger la scène politique et remettre sur les rails les réformes bloquées jusque-là. Cependant, au sein du système, on était loin de penser que ce mouvement social pouvait être récupéré par l’islamisme politique, dont la présence est importante dans les milieux populaires. La force de ce courant et sa capacité de mobilisation ont été négligées par les responsables de l’époque qui n’avaient pas mesuré aussi le risque de manipulation du mouvement social dérapé vers la violence. Ce qui a exacerbé la crise dans la mise en œuvre des réformes lancées au lendemain du 5 Octobre, c’est le fait qu’elles sont lancées dans un climat caractérisé par des luttes opaques entre les différents clans qui cherchaient à accaparer, à l’exclusion des autres, les bénéfices de ces réformes. Cette absence de consensus entre les différents clans sur la manière de gérer la nouvelle dynamique, générée par une large implication des couches sociales, constitue aujourd’hui une leçon pour les centres décisionnels, soucieux de ne pas voir le scénario du 5 Octobre se reproduire une deuxième fois.
Ce qui nous manque en Algérie, c’est moins le désir d’assister à un autre soulèvement populaire que la nécessité d’un consensus entre les élites, les institutions politiques et sociales pour réformer le système politique national, lequel vit une crise étouffante depuis des années. Une crise qui dépasse aujourd’hui les individus et porte en elle les prémises d’une paralysie et les risques d’une confrontation violente au sein de la société. C’est aussi la promotion de mécanismes de dialogues et de représentations politiques, comme les partis, le syndicat, le Parlement, la presse. Autant d’espaces et d’instruments de réformes pour en finir avec les pneus incendiés, les barricades sur la voie publique et toutes les autres formes de violence qui sont les seuls instruments de communication de générations d’Algériens avec l’État et ses institutions.


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