Algérie

Macias : pas un chanteur mais une maladie algéro-algérienne



On peut reprocher à Macias d'avoir plus chanté sa nostalgie de l'Algérie que l'Algérie et d'avoir plus clamé des poèmes pour Israël que pour Constantine. A la fin, il se retrouva être à la fois israélien, français, algérien et rien de tout cela. Le problème n'est cependant pas dans ce flou artistique de l'artiste, mais dans ce que nous, de ce côté-ci de son histoire, nous en faisons à chaque fois. Agité comme un épouvantail ou investi d'un sens qui déborde sa guitare, le cas Macias sert en Algérie à rendre visible les maladies profondes de ce pays, ses infantilismes idéologiques et les misères de son mauvais commerce avec l'altérité. Lorsqu'on met ce chanteur de côté et que l'on éteint ses instruments, il reste en Algérie un bruit de fond malsain, désagréable, douteux et insupportable: celui de la mêlée de ceux qui n'ont pas réussi le martyr, les partisans de l'Algérie pure, les oisifs de l'histoire nationale et les désoeuvrés idéologues. Chanteur moyen, Macias est devenu un phénomène de bruits et de nuisances sonores en Algérie. A chacune de ses visites annoncées, les fabricants des intégrismes prêt-à-porter, certains journaux et beaucoup d'avocats du vide retrouvent un sens à leur histoire et se mettent à crier à la trahison de la cause palestinienne, aux constantes nationales, à l'atteinte à notre arabité archéologique et à nos valeurs pour masquer le reste des désastres domestiques. La réaction à la dernière annonce du pèlerinage de ce chanteur semble être si disproportionnée que l'on est tenté de l'analyser par les grilles de la psychologie des profondeurs. Pourquoi sommes-nous ainsi ? Pourquoi offrons-nous à voir au monde des infantilismes si nocifs ? Avons-nous assez de temps à perdre pour le perdre à faire barrage à un chanteur au lieu de réparer nos avaloirs qui mettent en échec tout un Etat face à la plus petite averse de pluie ? Macias peut bien sortir vainqueur par les images et la manipulation des sentiments dans cette confrontation entre l'absurde et le futile et déclarer qu'il ne veut plus venir, à la fin; ce sont nous qui ne pouvons plus aller nulle part sans nous piéger nous-mêmes. Nous aurions pu gagner cette petite bataille entre sentiments et nostalgistes avec une meilleure méthode: celle de la hauteur. On ne sert pas le nationalisme par ce genre de purge rétroactive et on ne vainc pas Israël en battant au tambour l'un de ses troubadours. Macias est Français, juif d'origine algérienne. Son tort est d'avoir été plus Israélien que Français et plus Français qu'Algérien le jour où l'Algérie en avait le plus besoin, durant les années 90. C'est tout. Investir cette question avec des reliquats de contre-croisades et des susceptibilités en surenchère ne mène nulle part. Ou plutôt si: à réactiver les vieux diables des extrêmes et à gonfler le patriotisme facile avec du foin. Chose que même les idéologues de l'empire de Dar El-Islam, à l'époque de sa gloire et de ses extensions, ont réussi a éviter avec élégance. Toute la différence étant entre les hommes et ce détail qu'il faut rappeler pour éviter les lectures simplistes: un juif a le droit de visiter El-Madina El-Mounaouara pour y avoir vécu à l'époque du Prophète et même avant, mais n'a pas le droit de visiter Constantine aujourd'hui. Pourquoi ? Parce que Constantine se trouve en Algérie, qui se trouve coincée entre les siens et le vide.



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