Algérie

Les martyrs de la place de la Nation sont-ils des oubliés de l'Histoire ' Fusillade du 14 juillet 1953 à Paris


Les martyrs de la place de la Nation sont-ils des oubliés de l'Histoire '                                    Fusillade du 14 juillet 1953 à Paris
La liste des carnages commis contre les paisibles citoyens émigrés algériens par les autorités françaises avant et durant le déclenchement de la guerre de Libération nationale est très longue. Si certains faits historiques, sanglants, sont médiatisés jusqu'à nos jours et connus par les nouvelles générations, d'autres, étrangement, sont inconsciemment oubliés.
La fusillade de la place de la Nation, le 14 juillet 1953, soit neuf mois avant le déclenchement de la guerre de Libération nationale, fait partie des dates qui sont toujours méconnues du peuple algérien, et parfois même de la famille révolutionnaire. En effet, en ce jour du 14 juillet 1953, la section des ouvriers et travailleurs algériens militants du MTLD de la ville de Paris, avec l'aide des Français adhérent à la CGT et au Parti Communiste français de l'époque ont décidé d'organiser une manifestation à la place de la Nation pour revendiquer les droits du peuple algérien de vivre dans la dignité. Le choix de cette date n'est guère fortuit.
C'est une journée qui coïncide, comme tout le monde le sait, avec la fête nationale du 14 Juillet, instituée depuis 1880, pour célébrer de fort belle manière l'anniversaire de la prise de la Bastille, le 14 juillet 1879. Les autorités françaises accordaient un intérêt particulier à cette date qu'elles célèbrent en grande pompe. Mais, comme d'habitude, la marche des milliers d'ouvriers algériens et des militants
du PC qui ont pris part à cette manifestation qui a eu un large écho dans la presse française et internationale a été réprimée dans le sang par les policiers français. Les protestataires commençaient à déferler pacifiquement de la place de la Bastille jusqu'à la place de la Nation, en plein c'ur de Paris. Ils scandaient, d'après des articles de presse publiés à l'époque, des slogans anticolonialistes en appelant au droit du peuple algérien à son autodétermination, à l'instar des autres pays africains et asiatiques libérés au début des années 1950. Prises de panique, les autorités françaises n'ont pas hésité à commettre un carnage.
Les policiers ont ouvert le feu sur les manifestants. Bilan : six Algériens et un Français, militant du PC, tués par balles et plus de 100 personnes ont été blessées. D'autres manifestants ont été aussi arrêtés et condamnés à plusieurs années de prison. Cette date qui restera une tache noire pour les autorités françaises de l'époque a été évoquée par des historiens de renom, à l'image de Banjamin Stora, pour ne citer que celui-là. Il a animé plusieurs conférences à propos de cette journée noire.
Cette fusillade a été condamnée par le monde entier à l'époque. Un film documentaire sera réalisé dans les prochains jours sur cet évènement d'ailleurs. Des personnes toujours en vie comptent apporter leur témoignage, nous dira un proche de l'une des 7 victimes de la Nation. «Nous sommes partis aux environs de 8 heures du matin de la Bastille vers la place Nation, pour encadrer de jeunes militants algériens. Faisant partie des responsables de section du MLTD,
Amar Tadjadit et moi portions des brassards de couleur noir. Soudainement, des policiers se sont rués sur nous et nous avons répliqué par des slogans indépendantistes, ce qui a provoqué l'ire des policiers et qui ont ouvert le feu sans hésiter sur nous. Après, c'était la débandade !», tient à témoigner Oudelki Moh Lounès qui a pris part à la manifestation pacifique.
Même la presse internationale avait fait largement écho de cet évènement. Pour dénoncer l'assassinat des 7 militants pacifistes, des arrêts de travail ont été observés dans plusieurs usines françaises en juillet 1953. Des manifestations et des marches ont eu lieu aussi pour dénoncer haut et fort les provocations policières itératives envers les ouvriers d'origine maghrébine et surtout algérienne. Même le célèbre écrivain Albert Camus n'a pas caché son indignation face à cette énième tuerie de la police parisienne.
Le journal Algérie Républicain avait consacré plusieurs numéros à ce sujet. Il est revenu même sur les enterrements des 7 victimes, qui sont de différentes régions du pays, de la fusillade de la place de la Nation. Des foules nombreuses ont assisté à leur inhumation, précise le quotidien. Les victimes, dont la plupart étaient très jeunes, sont :
Mouhoub Iloul de la région de Oued Amizour (Béjaïa), Tahar Madjine (La Fayette), Abdelkader Trari (Nedroma), Larbi Daoui (Oran), Amar Tadjadit de Tigzirt (Tizi Ouzou), Abdellah Bacha de Maillot (Bouira) et aussi le Français Maurice Laurot, militant syndicaliste. Toutefois, les membres des familles des victimes et de leurs proches, revendiquent toujours la réhabilitation des 7 martyrs de la place de la Nation du 14 juillet 1953. Ils exigent la reconnaissance de leur sacrifice pour la libération de l'Algérie,
à l'instar des autres martyrs de la Révolution. C'est le cas d'ailleurs des descendants du martyr Abdelah Bacha du village Bahalil qui mènent un combat depuis plusieurs années pour faire reconnaître officiellement ce martyr. D'autres proches de victimes se sont aussi manifestés ces derniers temps. A ce jour, des anciens militants du MTLD se souviennent encore de la matinée fatidique du 14 juillet 1953.
«Notre frère Tadjadit Amar fut l'un des premiers à recevoir les feux nourris et tomba au milieu des frères de combat dans un désordre indescriptible, vint alors le matraquage pour disloquer les rangs des manifestants», témoigne un ancien militant du MTLD du village Tifra, village natal du martyr, lors d'une cérémonie à sa mémoire. Il ajoutera que le jour de l'enterrement une foule nombreuse venue des quatre coins de la Kabylie s'est rendue au cimetière de Tifra, le 20 juillet 1953.
«Toute la région fut encerclée par les gardes mobiles de l'armée française. Le commissaire de police de Tigzirt de l'époque tenta sur place d'entrer en contact avec les responsables de la révolution naissante. Il fut informé par la présence secrète de Krim Belkacem dans la foule», se rappelle un vieux du village Tifra. En ce cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie, les proches des victimes espèrent voir les autorités concernées se pencher sérieusement sur cette date et de réhabiliter les 7 martyrs de la place de la nation de Paris.


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