Algérie

Le 5 Octobre 1988 vu de Constantine : Amnésie, regrets et leçons non retenues



Retraité des chemins de fer, ammi Slimane, la soixantaine dépassée depuis cinq ans, est le premier que nous avons abordé. Il regrette que des évènements comme ceux qui ont secoué la capitale et marqué toute une génération un certain mercredi 5 octobre 1988 ne soient pas assez rappelés par la presse. « Malheureusement, on a tout fait pour chasser cet évènement des mémoires à une époque où le citoyen se trouve perdu dans le labyrinthe d'une vie devenue trop dure, surtout que les simples salariés n'arrivent plus à boucler les fins de mois », renchérit-il. « Dur de parler du 5 octobre, dur de parler de l'Algérie qui a perdu des milliers de jeunes durant la décennie noire du terrorisme et qui vit aujourd'hui au rythme des deuils qui affectent chaque jour les familles des harraga », regrette ammi Slimane, qui note que les leçons de ces incidents n'ont pas été retenues.Des chars sur les boulevards d'AlgerVingt ans après, la plupart des Constantinois que nous avons abordés sur les lieux publics se rappellent encore des circonstances des évènements du 5 octobre 1988. Pour Hassan, 35 ans, enseignant à l'université Mentouri, les gens n'ont qu'une simple perception des choses, car ils n'ont vécu les évènements qu'à travers les quelques images distillées par la télévision algérienne, bien que les citoyens de Constantine eurent connu eux aussi des émeutes deux ans plu tôt. « J'avais 15 ans à l'époque et j'étais devant le lycée quand nos amis nous avaient annoncés qu'Alger brûlait. Mon frère qui était étudiant à l'université ne cessait de parler de ces émeutes qui lui rappelaient déjà un certain souvenir », dira-t-il. et de poursuivre : « J'ai encore en mémoire des images vagues de ces chars postés sur les boulevards d'Alger et la scène des engins et magasins brûlés filmés par hélicoptère, alors qu'on voyait des groupes de jeunes défier les brigades antiémeutes. » Hassan notera surtout que l'absence d'une presse libre et indépendante à l'époque est ressentie aujourd'hui comme un handicap, car la plupart des gens qui lisaient la presse étatique n'ont pas su grand-chose de ce qui s'est passé à Alger. Il rappellera le fait qu'on parlait beaucoup alors d'actes de torture sur des jeunes, paroles qui avaient fait le tour de la ville. Des souvenirs qui sont restés gravés dans la mémoire de Khadidja, femme au foyer, qui garde encore en mémoire les journées pénibles qu'elle a passées dans l'attente des nouvelles de son fils parti à Alger pour des affaires commerciales qu'il devait conclure avec un partenaire le 5 octobre avant de prendre le train de nuit. « Nous n'avons pas dormi, mon mari et moi durant trois jours, surtout que toutes les lignes téléphoniques étaient non opérationnelles et il nous était impossible de joindre même les amis de mon fils à Alger », se rappelle-t-elle. « Si j'ai pu enfin rencontrer mon fils quelques jours plus tard, je pense jusqu'à ce jour à ses mères qui n'ont pu revoir les leurs », soupire-t-elle comme pour dégager une amertume profonde. Un sentiment que beaucoup de Constantinois ont exprimé au sujet de ces évènements douloureux. « On ne retiendra pas grand-chose de ces évènements : peut-être juste le fait qu'ils ont été un grand gâchis pour toute une génération de jeunes algériens qui en espéraient pourtant beaucoup », avoue Mohamed Achour, universitaire et agriculteur qui ne manquera pas de conclure que, même s'il y a eu quelques changements avec l'avènement de la démocratie, tout le mouvement (ces événements) sera totalement récupéré par les partis politiques, surtout celui islamiste.
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