«Le mariage doit s'adosser à un projet de société»

Kadouci Mohamed est docteur d'Etat en sociologue politique et chercheur à l'université Djilali Liabés (UDL). Dans cet entretien, il nous explique les raisons qui remettent en cause l'institution du mariage.Quelle définition peut-on donner à l'institution du mariage en Algérie 'Le mariage est un phénomène social par excellence. En tant que lien social, il a perdu, de nos jours, de son sens. Il répond, aujourd'hui, plus à des besoins individuels. Les transformations profondes qu'a connues la société algérienne ont donné lieu à une nouvelle conception du mariage. Celui-ci, qui, il y'a quelques années, constituait un projet familial, bâti sur tout un rituel, est devenu à la fois la cause et la conséquence de ces transformations de l'organisation sociale.Le mariage est un projet familial, il doit être réfléchi et accompagné par des instruments institutionnels, juridiques et sociaux. Ce n'est plus le cas aujourd'hui en Algérie où l'absence, d'abord, d'un projet de société rend improbable l'institution du mariage et accentue la déstructuration du tissu social.Le célibat s'impose de plus en plus aux Algériennes et aux Algériens. Il existerait, selon des études récentes, plus de neuf millions de femmes célibataires dans le pays. Quelle en est l'explication 'Dans la société algérienne, le mariage a toujours été considéré comme une étape incontournable de la vie d'un individu et surtout de celle de la femme. Les modalités liées à cette institution ont subi des transformations radicales en un temps record. Plusieurs facteurs peuvent expliquer le phénomène du célibat mais cela ne peut absoudre l'Etat de sa responsabilité de régulation. Le mariage répond à des choix politiques : s'il y a un échec du mariage, c'est qu'il y a un échec politique. Le politique n'offre plus de perspective.Un échec dû notamment à des choix politiques et idéologiques non fiables. Un Etat qui ne parvient pas à assurer du travail, des logements et un système éducatif et de santé performant aux algériennes et aux algériens n'encourage pas, de fait, le mariage et concourt à la déstructuration de la société..Peut-on parler d'une prédominance du célibat en milieu urbain 'À mon avis, la dualité rural/urbain n'a pas de sens. L'arsenal juridique nouveau régissant la famille apporte plus de garanties à la femme en matière de droits.L'émancipation, l'autonomie financière et l'intégration professionnelle sont aujourd'hui revendiquées par la femme dans les deux sphères. La sécularisation de la société et le recouvrement progressif des droits de la femme ont forcément relégué le mariage au second rang de ses priorités. D'où l'émergence de nouveaux phénomènes tels que le concubinage et le mariage à blanc, particulièrement dans les grandes villes?.