Algérie

Le jeûne, une nouvelle thérapie '



Le jeûne, une nouvelle thérapie '
Et s'il existait une alternative au «tout médicament» ' En Russie, en Allemagne et aux Etats-Unis, médecins et chercheurs étudient les effets étonnants du jeûne sur les patients. Une enquête aussi rigoureuse que troublante.
Dans les pays occidentaux, les cas de diabète, d'hypertension, d'obésité, de cancers se multiplient, et la consommation de médicaments explose. Et s'il existait une autre voie thérapeutique ' Depuis un demi-siècle, en Russie, en Allemagne et aux Etats-Unis, des médecins et des biologistes explorent une autre piste : le jeûne. Réputé pour sa source d'eau chaude, le sanatorium de Goriachinsk, dans la plaine sibérienne, est aussi connu pour son centre de jeûne, créé en 1995. Atteints d'asthme, de diabète, de rhumatisme, d'allergie... les patients, très encadrés, n'ingurgitent rien à part de l'eau durant douze jours en moyenne mais la cure se prolonge parfois trois semaines. Passée la douloureuse crise d'acidose des débuts, ils se sentent plus en forme et les deux tiers voient leurs symptômes disparaître après une ou plusieurs cures. Remboursé, ce traitement s'appuie sur quarante ans d'études scientifiques, malheureusement non traduites, qui ont démarré sous l'ère soviétique. Bien qu'elles soient inconnues hors de Russie, des médecins et chercheurs occidentaux creusent aussi ce sillon, même si, aux pays du médicament-roi, ils bénéficient de peu de subventions. Réflexe atavique Le documentaire nous emmène aussi en Allemagne, à la clinique Buchinger, sur les rives du lac de Constance, où l'on soigne par le jeûne des maladies chroniques et aux Etats-Unis, où Valter D. Longo, professeur de biogérontologie à l'université de Californie, étudie les effets du jeûne sur des souris atteintes de cancer. À l'aide d'infographies très claires, le film explique les bouleversements complexes qui s'opèrent dans un organisme à la diète. Grosso modo, il réapprend à vivre de ses réserves, un réflexe atavique qui le purge et le rend plus fort. Aussi efficace que troublante, la démonstration de Sylvie Gilman et de Thierry de Lestrade (Mâles en péril) incite à réévaluer notre approche de la maladie et du soin. À l'instar des malades de Goriachinsk, plus confiants après avoir surmonté l'épreuve du jeûne, on se découvre un corps plus résistant qu'on le croyait, une nouvelle plutôt réconfortante. Le jeûne en France : des cures de bien-être pour personnes en bonne santé En Russie ou en Allemagne, depuis des dizaines d'années, le jeûne thérapeutique fait partie intégrante des méthodes de soin. Aux Etats-Unis, une étude publiée le 8 février dernier montre que de courtes périodes de jeûne peuvent être aussi efficaces que la chimiothérapie dans le traitement de certains cancers chez les souris. En France, en revanche, le regard est très différent. Généralement ignoré par la médecine, le jeûne connaît néanmoins de plus en plus d'adeptes qui veulent le faire connaître. S'alimenter de simples tisanes pendant une semaine. C'est l'expérience que tentent chaque année plusieurs milliers de Français dans le cadre de stages «Jeûne et randonnées». Une cure bien-être censée faire repartir le corps à zéro et éveiller l'esprit, sur un modèle importé d'Allemagne. Là-bas, des stages de ce type sont pratiqués depuis de nombreuses années dans différentes cliniques, notamment à Buchinger, au bord du lac de Constance. Des séjours sous surveillance médicale, pour patients aux pathologies diverses. Et c'est là toute la nuance : en France, ils sont réservés à des personnes en bonne santé. Hormis dans un cadre religieux (carême ou ramadan), le jeûne n'est pas pratiqué fréquemment en France. Alors qu'en Allemagne ou en Russie des médecins le proposent à leurs patients, dans l'Hexagone, le jeûne n'est pas considéré comme une méthode de soin. Claude Bronner, président du syndicat Union Généraliste, voit dans ce rejet un manque d'intérêt plutôt culturel. Résultat : les médecins ne sont pas formés... et le cercle vicieux continue. Le généraliste, installé en Alsace, s'y retrouve confronté à travers ses patients, et ne s'y oppose pas. Au contraire, la démarche l'intéresse : «Comme il a été prouvé que finalement l'animal qu'on fait jeûner vit plus vieux, cela interpelle sur nos fonctionnements de citoyens bien nourris et parfois même trop nourris», explique-t-il. Ce n'est pourtant pas l'avis de tous les médecins. Sophie Lacoste, rédactrice en chef de la revue Rebelle Santé, consacrée aux médecines douces, constate davantage de refus du jeûne de la part du monde médical. Derrière ce rejet, elle perçoit l'ombre des laboratoires pharmaceutiques. «Si demain, on apprend que le jeûne peut guérir ou soigner des tas de maladies, c'est autant de médicaments qui ne seront pas prescrits. Cela va même à l'inverse des intérêts de l'agroalimentaire, puisque pour le jeûne, on ne mange pas», explique-t-elle. Pas un gramme de nourriture solide, mais des aliments liquides. Dans les stages proposés par les établissements français labellisés «Jeûne et randonnée», on ne «jeûne pas à l'eau», mais on consomme quelques tisanes et bouillons. Le reste du temps, on randonne, on rencontre des naturopathes, on fait du yoga ou on parle nutrition. Une parenthèse consacrée à son corps et son alimentation, conçue comme un séjour de vacances. Une vingtaine de centres, soumis à une charte stricte, proposent aujourd'hui cette formule en France. Soit environ 500 stages par an, d'une durée de quelques jours à une semaine. Des stages qui ne sont pas conçus comme un traitement médical : ils sont réservés à des personnes en bonne santé, qui souhaitent «faire le vide». «Le but, c'est simplement de faire un décrassage, de façon à repartir en meilleure forme», explique Jean-Pascal David, naturopathe et gérant de La Maison du Jeûne, dans les Alpilles. Il insiste sur l'aspect «jeûne de confort» et non thérapeutique. Daniel, retraité du nord de la France, a tenté l'expérience avec sa femme, après les fêtes de Noël. Passés les premiers jours où il se sentait mal, il a eu l'impression d'avoir «l'esprit beaucoup plus clair» et de libérer son corps de ses toxines. Pour lui, le bilan de l'expérience restera très bénéfique. Et il compte déjà y retourner l'an prochain. La Miviludes met en garde contre le risque de dérives sectaires Pour certains, le jeûne doit néanmoins être considéré avec précaution. Le docteur Claude Bronner, président du syndicat Union Généraliste, explique en effet que jeûner de manière extrême peut modifier le fonctionnement du cerveau. «On voit bien que dans certaines sectes, il est utilisé pour affaiblir les gens et les rendre plus malléables», explique-t-il notamment. C'est pour cette raison que la Miviludes, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, a attiré l'attention, dans son rapport annuel 2010, sur les dangers que pouvaient représenter certains régimes alternatifs, et notamment le jeûne. Avec pour cible principale les «gourous» qui proposent des soins «miracles» pour des maladies comme le cancer ou le sida ou encore des régimes sur le long terme. Une alerte qui énerve les défenseurs du jeûne, qui y voient un amalgame entre de véritables dérives et ce qu'ils considèrent comme des cures de bien-être. C'est le cas notamment de Sophie Lacoste, qui pratique le jeûne depuis plusieurs années, dans différents centres et n'y trouve rien à redire. «Dans les sectes, il y a avant tout une histoire d'argent ! Là, dans le jeûne, il n'y a rien de tout cela ! 400 euros la semaine, avec des gens formés pour aller vous balader dans des montagnes. Imaginez un truc de randonnée une semaine, où vous êtes logés, où vous trouvez moins de 400 euros la semaine '». Afin de rassurer et de limiter le risque de dérive, pour sa vingtaine d'adhérents, la Fédération française Jeûne et Randonnées met en avant sa charte, dans laquelle l'organisateur s'engage à proposer des «stages de jeûne diététique», «à des personnes en bonne santé», en mettant «à la disposition de tous des informations concernant le jeûne, l'alimentation et l'hygiène de vie». Jean-Pascal David complète : «Tous nos centres respectent un engagement de qualité. Les personnes sont en bonne santé, font leur stage, ont du temps libre l'après-midi, donc peuvent partir si elles le souhaitent. Et en fin de semaine, elles repartent tranquillement chez elles : elles n'ont plus aucun engagement avec l'organisateur après le stage. C'est un peu comme si elles allaient dans un gîte ou un séjour bien-être sauf que là, elles ne mangent pas».
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