Algérie

Le chant des sirènes



Le même jour, à une heure d?intervalle, l?UNPA, l?UNJA et l?UGTA ont appelé, dans des communiqués séparés, à un troisième mandat pour Bouteflika, en écho à la déclaration faite, dans le même sens, par le secrétaire général du FLN. Une démarche orchestrée donc, qui a cette particularité qu?elle intervient au moment où le président français se trouve sur le sol algérien. Un signal aux Français, peut-être, qui ont beaucoup spéculé sur la maladie de Bouteflika et sur une probable « incapacité » à assumer des fonctions présidentielles. Mais le 4 décembre est surtout à retenir comme le point de départ d?une campagne nationale qui s?articulera autour du « noyau dur » de la famille dite révolutionnaire : dans les prochaines semaines, d?autres partis et organisations se fendront de communiqués semblables à ceux de l?UNPA, de l?UNJA et de l?UGTA. Ils seront ensuite rejoints par ces fameux « comités de soutien à Bouteflika » qui avaient essaimé fin 2003 début 2004, avant que ne démarre officiellement la campagne électorale pour la présidentielle. Belkhadem a déjà annoncé les grandes lignes du dispositif : les instances organiques du FLN devront se réunir pour formaliser la demande en faveur du troisième mandat, le point d?orgue étant la désignation de Bouteflika par un congrès extraordinaire du parti. Comme la famille dite révolutionnaire travaille en symbiose avec l?exécutif et avec les instances élues ? qu?elle domine ? ce sera donc toute l?Algérie officielle ? et para-officielle ? qui sera embarquée en 2008 dans cette entreprise dont le moins qu?on puisse dire, à ce stade, est qu?elle est anachronique, car la Constitution ne permet pas un troisième mandat à Bouteflika. L?écueil devait être levé par le même FLN, à travers une batterie de propositions de réforme de la loi fondamentale. Mais le président de la République n?y a pas donné de suite concrète, à ce jour, attendant le moment opportun ou bien pris d?hésitations sur une décision lourde de conséquences. En effet, les expériences de dirigeants dans le monde qui se sont confectionnés des Constitutions à leur image et à leur profit sont très mal reçues par les opinions publiques. Le président russe Poutine en a tenu compte, à la différence du chef d?Etat vénézuélien, Hugo Chavez, qui a carrément subi, de son propre peuple, un camouflet électoral. Mais le forcing du FLN et de ses organisations satellites ? comme de l?Etat ? ne signifie pas l?absence de résistances. Dans notre pays aussi, ce type de démarche est mal vu, car considéré comme l?apanage de régimes despotiques. D?aucuns plaident pour l?ancrage dans nos m?urs politiques du principe de l?alternance au pouvoir, d?autres mettent en avant le bilan de la gestion des dix années de gestion Bouteflika. Un taux élevé de chômage, une lourde paupérisation, une malvie des jeunes, happés par l?exil, une corruption généralisée, de mauvaises performances économiques sont quelques-uns des maux mis en relief auxquels peuvent être ajoutés le jeu politique fermé et le peu d?intérêt accordé aux libertés individuelles et collectives. Bouteflika succombera-t-il devant le chant des sirènes ? Ou saura-t-il se retirer dignement, par respect à la loi fondamentale, conscient qu?il a fait son temps, avec des erreurs et des réussites : l?apanage des grands hommes.
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