Algérie

La vision de l'étable pour guérir l'effet TPS


Depuis la rencontre Bouteflika-waliset ses quelques phrases sur l'immigration clandestine, c'est devenu un clichédans les médias officiels que de poser la question aux «interlocuteurs» et aux«responsables» sur ce qu'il faut faire. La question étant difficile, la réponsen'est généralement que des plus oiseuses. Dans une sorte de jeu de rôles rôdé, le«responsable» fronce les sourcils, soupire pour illustrer le malaise nationalpuis reprend le problème à partir de l'angle des nuages. «C'est un problèmecomplexe, etc. etc. etc.»On y déverse soit des statistiques invérifiables sur lagénérosité de l'Etat paternel, soit des visions floues sur la jeunesse à re-nationaliserpour la convaincre de rester. Bâtie sur ce qu'on peut appeler la vision del'étable, l'analyste explique, sans le savoir, qu'une vache qu'on nourrit bien,qu'on abreuve scientifiquement et qu'on abrite des orages n'a aucune raison dedemander à voir les vallées grasses d'autrui.Avec un bon budget, on peut fabriquer des vaches qui rientà la chaîne. On doit comprendre qu'un jeune qui a un emploi, qui mange un peubien et qui ne subit pas la pluie par défaut de toiture, n'a, en principe, aucuneraison de vouloir partir et toutes les raisons d'être un jeune qui rit. Lavision de l'étable étant la vision qui explique la volonté de partir par unéconomisme de salariat et se contente de croire que plus il y a d'emplois, moinsil y a de chaloupes. Le gouvernement y croit et y met le paquet en promettantdes locaux commerciaux, des emplois pour les dos-d'âne de l'autoroute Est-Ouest et des chants patriotiques faciles à retenir pourmarier les jeunes à leur sol. Cela ne fonctionne pas mais tout le monde y croit.Les cas bizarres de jeunes qui ont un emploi, qui sont issus de familles aiséesou ne manquant que de bananes à la fin des repas, ne sont pas pris enconsidération et se retrouvent être facilementexpliqués par la crise d'adolescence ou par la psychologie propre à cet âgeprompt aux extrêmes et aux absolus faciles. Une vache bien nourrie n'a pas àvouloir s'en aller, ni à rêver de regarder les trains et encore moins à espérervoyager dedans vers les levers de soleil.Pourtant si les jeunes Algériens prennent la mer ce n'estpas parce qu'ils n'ont pas d'emploi uniquement mais parce que la vision del'étable est une vision fausse et presque inhumaine. On quitte un endroit nonseulement parce qu'on n'y sert à rien mais surtout parce qu'on ne s'y amuse pas.Fondamentalement, profondément, essentiellement, l'Algériereste un pays ennuyeux parce qu'on y rêve pas, parce que personne ne s'y amuseet parce qu'on n'y connaît ni la fête, ni la danse, ni le chant, grandsfondateurs des regroupements humains depuis la préhistoire, selon lesanthropologues. En Algérie, on oublie que l'on peut garder une tribu dans undésert pure et la faire rire de bonheur si on lui offre seulement un rêve etqu'elle peut vouloir quitter le paradis s'il ressemble trop à un mangeoireroutinier. Ceux qui partent ne veulent pas un emploi mais veulent réussir, s'amuserjuste après, dormir un peu tard et rire sans rire faux. Cela n'est pas le casdans un pays où les mariages sont tristes, les fêtes violentes, les blaguesmalsaines et les télévisions staliniennes. On ne peut pas tenir tête à l'effetd'attraction de TPS en vantant les charmes de l'étable. C'est une évidence quine l'est pas lorsque la harga est vue comme unchiffre et pas vécue comme un désastre du ludique dans un pays affreusementsérieux, qui veut offrir beaucoup d'emplois mais n'arrive pas à adopter un seulrêve national capable de faire rêver et de faire croire que la routine dusalaire est une épopée de l'homme.
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