
L'histoire des relations franco-algériennes est marquée par la colonisation française de l'Algérie, qui a duré de 1830 à 1962, et par les conséquences de l'indépendance obtenue au prix d'une guerre sanglante. Parmi les sujets sensibles qui persistent, le patrimoine immobilier laissé par la France en Algérie occupe une place importante. Ce patrimoine englobe non seulement les infrastructures construites pendant la période coloniale, mais aussi les biens immobiliers que la France continue d'occuper ou d'utiliser sur le sol algérien. La question des "biens acquis" et de la nature de leurs loyers – souvent symboliques ou gratuits – a récemment refait surface dans un contexte de tensions diplomatiques. Cet article explore la réalité historique et actuelle de ce dossier, en s'appuyant sur les accords d'Évian de 1962 et les développements récents.
Durant la colonisation, la France a développé un vaste patrimoine immobilier en Algérie, incluant des terres agricoles, des bâtiments administratifs, des infrastructures routières, portuaires et urbaines. Selon des sources historiques, la France a laissé derrière elle des réalisations importantes, telles que des routes, des ports et des villes modernes, mais ces développements étaient souvent au service de l'exploitation coloniale. Par exemple, en 1962, plus de 630 000 propriétaires "indigènes" algériens coexistaient avec environ 22 000 colons européens, qui contrôlaient une grande partie des terres fertiles.
À l'indépendance, proclamée le 5 juillet 1962, une grande partie des biens immobiliers appartenant à des particuliers français (les "pieds-noirs") a été abandonnée lors de leur départ massif. Dès 1963, l'Algérie a promulgué des lois nationalisant ces "biens vacants", estimés à environ 180 000 fonciers. Ces propriétés, souvent agricoles ou résidentielles, ont été réaffectées à l'État algérien ou à des citoyens locaux, sans indemnisation systématique pour les anciens propriétaires. Une loi française de 1970 a par la suite indemnisé partiellement les rapatriés français, avec des montants variant en fonction de la valeur estimée des biens perdus – par exemple, un patrimoine de 40 000 francs était indemnisé intégralement, tandis que des valeurs supérieures l'étaient partiellement.
Cependant, les biens appartenant à l'État français ou utilisés pour des fins diplomatiques et culturelles ont suivi un régime différent, régi par les accords d'Évian.
Signés le 18 mars 1962 entre la France et le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), les accords d'Évian ont mis fin à la guerre d'Algérie et défini les modalités de la transition. Concernant le patrimoine immobilier, l'article 19 des accords stipule que les biens de l'État français en Algérie seraient transférés à l'Algérie, à l'exception de ceux nécessaires aux activités diplomatiques, consulaires et culturelles de la France. Ces exceptions incluent :
Les accords prévoyaient une "coopération" franco-algérienne, avec des dispositions pour que la France conserve l'usage de certains biens à titre gracieux ou à des loyers symboliques. En échange, la France s'engageait à fournir une aide technique et financière pour le développement de l'Algérie. Selon des analyses récentes, ces arrangements ont permis à la France d'occuper environ 61 biens immobiliers en Algérie, totalisant plus de 18 hectares pour la seule ambassade à Alger, à des tarifs très avantageux – souvent inférieurs à 1 euro par mètre carré par an. Ces loyers, qualifiés de "symboliques", reflètent la nature "acquise" de ces biens : ils ne sont pas des propriétés privées achetées, mais des concessions issues des négociations postcoloniales.
Les accords protégeaient initialement les propriétés privées françaises contre les expropriations sans compensation, mais cette clause a été largement ignorée par l'Algérie dans les années suivantes, menant à des nationalisations massives.
La "nature du loyer des biens acquis" renvoie à la façon dont ces propriétés sont louées ou utilisées. Contrairement à des rumeurs persistantes – parfois propagées sur les réseaux sociaux – selon lesquelles la France perçoit des loyers de l'Algérie pour des biens coloniaux, la réalité est inverse. L'Algérie prête ou loue ces biens à la France à des conditions favorables, héritées des accords d'Évian. Par exemple :
Ce dossier est devenu un levier diplomatique. En mars 2025, l'agence de presse algérienne APS a révélé que la France louait 61 biens à des tarifs avantageux. En réponse à des tensions avec Paris – notamment sur des questions mémorielles et migratoires – l'Algérie a annoncé en août 2025 la fin de cette gratuité, exigeant des loyers au prix du marché. Ce mouvement s'inscrit dans une série de revendications algériennes, incluant la restitution d'objets culturels comme les crânes de résistants ou les biens de l'émir Abdelkader.
En 2025, le litige sur les biens immobiliers français en Algérie a escaladé. Alger accuse Paris d'abuser de privilèges coloniaux, tandis que la France défend le respect des accords d'Évian. Des sources françaises comme Le Monde et Le Figaro soulignent la complexité juridique, notant que ces biens sont essentiels pour les relations bilatérales. Du côté algérien, des voix comme celle de l'ancien président Abdelaziz Bouteflika en 2016 affirmaient que les biens abandonnés par les pieds-noirs n'appartiennent plus à leurs anciens propriétaires.
Ce sujet illustre les défis de la réconciliation mémorielle. Un rapport français de 2021 sur les questions mémorielles recommande une approche équilibrée, reconnaissant les spoliations tout en préservant la coopération.
Le patrimoine immobilier laissé par la France en Algérie est un mélange d'héritage infrastructurel colonial et de biens diplomatiques acquis via les accords d'Évian. Les loyers de ces biens sont généralement symboliques, reflétant des concessions postcoloniales plutôt que des transactions commerciales. Bien que l'Algérie ait nationalisé la plupart des propriétés privées françaises, les biens d'État restent un point de friction. Dans un contexte de relations tendues, ce dossier pourrait évoluer vers des négociations pour des loyers plus équitables, symbolisant un pas vers une décolonisation complète des liens économiques. Pour une résolution durable, un dialogue transparent entre Paris et Alger s'impose, au-delà des mythes et des rancœurs historiques.
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Ecrit par : Rédaction