Algérie

La production nationale face aux lobbys de l'importation



Un processus de fabrication à base de matières premières locales, une formule, pourtant extrêmement complexe, mise au point par des ingénieurs algériens, tel est le challenge que Béton Mortiers Algérie (BMA) a réussi à relever.Le coup de starter pour un démarrage à plein régime (30 000 tonnes/an) ayant été officiellement donné récemment (18 février) dans cette grande usine moderne, spécialisée dans la fabrication de ciment-colle, produit très prisé par l'industrie du bâtiment et dont le procédé de fabrication était jusqu'alors hors de portée localement.
Pour satisfaire les besoins du marché, 200 000 à 300 000 tonnes/an, le recours au marché extérieur était incontournable : «Jusqu'au début des années 2000, le ciment-colle était importé d'Europe et de certains pays voisins à coups de centaines de millions de dollars car considéré comme étant un produit techniquement immaîtrisable (formule trop complexe).
Le groupe Hasnaoui de Sidi Bel Abbès s'était lancé dans sa fabrication en Algérie mais en partenariat avec l'espagnol PUMA. S'y était, par la suite, mis une autre unité privée à Béjaïa qui a négocié la formule avec des Suisses puis le groupe français Lafarge (Meftah)», tient à rappeler Mehdi Benammar, jeune directeur général de BMA.
L'entreprise, basée dans la zone industrielle d'El Bouni, dans la wilaya de Annaba, «se distingue par le fait que la conception de la formule de fabrication, contrairement aux autres concurrents qui l'ont importée, soit le fruit de bien longues et laborieuses recherches de ses collègues fraîchement sortis d'universités algériennes.
Notre produit est noble car il est le seul à être fabriqué à base de poudre de marbre de l'Enamarbre, entreprise publique algérienne, ce qui lui donne des propriétés physico-chimiques exceptionnelles, surtout en matière d'adhérence, de ciment blanc issu de Lafarge et de quelques additifs spéciaux importés (à peine 5 % du processus de fabrication). Autrement dit, notre ciment-colle est à 95% algérien avec une main-d'oeuvre 100% algérienne», se réjouit Nabil Mokadem, chef du départements Approvisionnements.
Le seul écueil et il est interminablement persistant : la mainmise des lobbys de l'import/import sur le marché du ciment et dérivés qui risque de réduire à néant tous les efforts à même de permettre au pays de se doter de sa propre industrie et d'aller à pas sûrs vers la conquête de marchés d'outre-frontières.
Devant la concurrence du ciment-colle européen, espagnol en particulier, et tunisien, les plus en vue et de plus en plus répandus, les fabricants locaux, qui se disent en mesure de répondre à la forte demande nationale, peinent à faire du chiffre.
Au moment où les discours prônant la protection de la production nationale retentissent depuis plus d'une tribune officielle, les importations de ce produit, à en croire les responsables de BMA, se poursuivent. «Pour que la production nationale soit une substitution aux importations, comme l'a si bien souligné, il y a quelques jours, dans les colonnes de votre journal, un industriel, il faudrait que cette production nationale soit protégée, encouragée et surtout mise dans les mêmes conditions de compétitivité que les autres entreprises dans le monde.» Or, tonnent les dirigeants de la cimenterie, «la réalité du terrain est à l'opposé du discours officiel».
Et pour cause, expliquent-ils, «dans les réaménagements apportés au décret exécutif n°15-306 portant sur les restrictions des importations, mis en place fin 2015, le régime des licences instauré ou encore dans la clause prévoyant de nouvelles restrictions des importations récemment introduite par la loi de finances 2018 ? décret exécutif n°18-02 du 7 janvier 2018 ? en vertu duquel a été arrêtée une liste de 851 produits interdits à l'importation, le ciment était toujours présent. Mais le législateur a «omis» de spécifier le type de ciment (gris, blanc, ciment-colle...). Les importateurs de ciment-colle profitent de cette lacune. La déprime dans laquelle se retrouve empêtrée la filière du ciment-colle pourrait donc se prolonger.
Raison pour laquelle, BMA, qui projette de se doter, à moyen terme, d'une deuxième ligne de production pour porter ses capacités annuelles à 60 000 tonnes, a décidé de se tourner vers l'export. Son produit qui a obtenu le visa des experts du Cnerib (Centre national d'étude et de recherche intégrée du bâtiment), organisme exclusivement dédié à l'homologation des produits et matériaux de construction, a déjà séduit en Afrique, marché prioritaire pour la jeune entreprise. «Nous nous apprêtons à pénétrer le marché africain via la Côte d'Ivoire où notre produit est en phase d'homologation par les autorités compétentes. Après, nous allons mettre le cap sur la Libye.
Aussi, nous sommes en négociations avec des clients européens. Nous ciblons les marchés français et belge qui ne sont pas étanches à notre produit. D'autant que nous avons mis en place une équipe de spécialistes qualité pour aligner notre adhésif carrelage et tout usage sur les normes européennes», annonce M. Lakhdar, propriétaire de BMA.


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