Algérie - Azizi Abdellah

La mondialisation, l’altermondialisme, l’OMC, la rente et nous




En ce début d’année 2005, serait-il opportun de (re)visiter «La maison Algérie» dans la conjoncture économique et sociale actuelle, en ce que le citoyen lambda pourrait en connaître, notamment à travers les événements nationaux et étrangers, en rapport avec son vécu quotidien et quelques projections virtuelles sur un avenir proche et même lointain que cette modeste contribution tente d’éclairer sans pour autant avoir la prétention d’être exhaustive en si peu. Loin s’en faut.

Abdelatif Benachenhou, notre actuel ministre des Finances, qui passe pour avoir le verbe haut, que l’on dit «arrogant» et quelque peu «provocateur», se plaît à dire que «l’Algérie est pauvre». Cette déclaration a suscité sur le coup un vif étonnement à un moment où ce pays n’a jamais possédé autant d’argent. Ce «paradoxe» est d’autant plus «détonnant» que M. Benachenhou, en tant que premier responsable de la finance du pays, est «assis» sur un matelas de 42 milliards de dollars US de réserves de change. Tout le monde le sait : peut-être un peu plus, un peu moins. Qu’importe ! La manne est là : ceux qui affectionnent la théodicée parlent de «miséricorde divine» après l’épreuve terroriste. Ainsi, «cette pauvreté» affichée officiellement en flagrante contradiction avec le contenu de l’escarcelle de l’Etat, paraît au commun des Algériens comme un «un cynique mensonge». Cette situation est autant étrange qu’incompréhensible pour l’homme de la rue (tout le monde n’est pas professeur d’économie) qui constate que malgré cette manne rentière au niveau jamais atteint, son niveau de vie à lui, ne cesse de se dégrader à un moment où il devrait en principe s’améliorer. Pire : dans cette situation, il constate que les pauvres deviennent de plus en plus pauvres et les riches de plus en plus riches. Ces derniers, une minorité, ne se privent pas d’exhiber leurs richesses, souvent sans pudeur, pendant que lui, ruminant sa déveine, doit cacher sa pauvreté, manger de la vache enragée en attendant des jours meilleurs qui n’ont pas l’air de vouloir montrer le bout du nez.

Les plus vulnérables des démunis, toute honte bue, n’hésitent pas à descendre dans la rue pour faire la manche : une question de survie. Ils sont malheureusement de plus en plus nombreux et donc de plus en plus visibles. Ainsi, sont-ils aussi «gênants» qu’une maladie honteuse chatouilleuse sur son nationalisme. Les pouvoirs politiques qui se sont succédé à la tête de l’Etat ont souvent prétendu qu’en ce pays (de cocagne), la mendicité ne pouvait exister et que par conséquent, les mendiants que l’on pouvait rencontrer fortuitement ne pouvaient être que des faux. En quelque sorte «des professionnels de la manche». Et comme «toute profession mérite salaire»... cela veut dire que, malgré un taux de chômage inimaginable, la rente est quand même redistribuée équitablement !

Le programme d’ajustement structurel aidant, les classes moyennes ne sont pas en reste dans la cohorte des paupérisés : elles se sont vues leur pouvoir d’achat complètement laminé pendant les deux dernières décennies. Tétanisées ou seulement hébétées, elles n’ont pas eu, cependant, de réactions d’envergure, se résignant apparemment au fait accompli. Elles se taisent en tout cas, avec des rancoeurs retenues à l’endroit des nouveaux riches et «leurs alliés objectifs», les gouvernants, responsables en premier de cette déconfiture sociale. Il y eut quelques grèves qui ont secoué certains secteurs tels que l’Education (enseignants du secondaire) et la Santé publique (médecins spécialistes). Ces grèves n’ont pas fait d’émules dans les autres secteurs ni déclenché d’actions de solidarité.

Les parlementaires de la Chambre basse ont refusé au ministre des Finances la quasi-totalité de nouvelles augmentations en matière d’impôts et taxes que celui-ci avait prévues dans le projet de la loi de finances pour 2005 (refus entériné comme de juste par la Chambre haute). Quand ils ne les ont pas supprimées, ces augmentations ont été réduites à leur plus maigre impact. Le citoyen ordinaire, qui n’est pas habitué à des prises de position aussi tranchées à l’encontre du gouvernement de la part de ses représentants patentés, n’a pas montré beaucoup d’enthousiasme à ces quelques amendements «ramadanesques» hâtifs, s’étonnant cependant que, pour une fois, ses députés aient défendu concrètement «sa poche», eux qui seraient accusés d’être enclins plutôt à défendre souvent la leur. Il sait pertinemment que ses vrais problèmes demeurent ailleurs. En effet, pour les petites gens, ces quelques amendements peuvent-ils changer quelque chose à leur «ordinaire» qui ne l’est que trop ? Qu’est-ce qui a bien pu motiver cette «hardiesse» inhabituelle de parlementaires, de surcroît, partie prenante de la coalition gouvernementale de s’inscrire en faux à l’encontre des propositions du ministre des Finances ? Est-ce une véritable compassion pour les bourses modestes ou un brin de populisme propitiatoire séant au mois sacré du Ramadhan où la «rahma» et la générosité sont islamiquement recommandées ? Car enfin, qui boit tous les jours de l’eau minérale et à tous les repas ? Qui possède des voitures à moteur diesel pour s’offusquer de l’augmentation du gas-oil ? (Pour ne citer que ces produits). Le petit peuple ? Pour le gazole, quelle serait la profondeur éventuelle des conséquences à ressentir sur le budget d’un ménage ordinaire, par ricochet, à travers les transports publics et autres (transport de marchandises) ? On ne peut dire qu’il soit franchement ni spécialement concerné. Ou alors nos députés ont-ils été plus prosaïquement influencés par l’embellie des finances publiques (confortable réserve de change en $ US, en sus de quelque 640 milliards de dinars de recettes engrangées au Fonds de Régulation fin 2004), estimant dès lors qu’il n’est pas nécessaire d’accabler encore plus le citoyen «d’en bas», à qui, par la grâce du ciel, en ces temps de vaches grasses, on peut épargner des charges supplémentaires.

Il est vrai que les recettes du budget de l’Etat, hors hydrocarbures, sont insignifiantes. Le citoyen algérien est accusé «d’incivilité» parce qu’il se déroberait à ses obligations fiscales. Il est vrai qu’en la matière, les «dérobades» et autres «resquilles» ne doivent pas manquer. Mais pourquoi l’Algérien serait-il plus fraudeur que le citoyen d’ailleurs ? Un ancien Premier ministre, en l’occurrence M. Sid Ahmed Ghozali, avait en son temps qualifié le système fiscal algérien comme le «plus injuste du monde». Cette appréciation paraît d’autant plus crédible que l’intéressé fut aussi ministre des Finances et à ce titre, il savait de quoi il parlait. Qu’a-t-on fait depuis ? Si telle est la triste réalité dans ce secteur vital de l’économie, elle est trop énorme pour être occultée, trop inquiétante pour être négligée et il serait criminel de l’ignorer. La première question qui vient à l’esprit est : s’est-on jamais penché sur ce système fiscal pour connaître les véritables causes qui le gangrènent et le disqualifient ? A-t-on évalué sérieusement ses insuffisances et ses lacunes et ce, afin de le réformer en profondeur pour le rendre plus efficient ? Tous les économistes vous diront que «trop d’impôt tue l’impôt». Chez nous, celui-ci serait agonisant. N’est-il pas temps de le «requinquer» en le rationalisant, en l’adaptant aux réalités du pays afin que chacun puisse s’acquitter spontanément (pourquoi pas ?), et civilement (pourquoi non ?), de ce qu’il doit à la collectivité, sans que personne ne puisse échapper à ses obligations par des passe-droits (trafics d’influences notamment), par des moyens illégaux (corruption), des combines maffieuses ou tous autres agissements condamnables ? Pour ce faire, le civisme seul ne suffit. D’ailleurs de quel civisme parle-t-on ? Qui donne les leçons de probité et à qui ? Qui éduque qui ? Au niveau de l’assiette fiscale, ne faut-il pas que l’imposition, la taxation ou toute autre contribution légale ou réglementaire soit juste, c’est-à-dire non excessive, justifiée par rapport à son objet, convaincante par son utilité, proportionnelle aux revenus du contribuable ?... La justice et la justesse doivent précéder la sanction. A la suite de quoi, on peut parler de moyens divers de coercition, de contraintes de la Puissance publique afin que nul assujetti ne puisse être au-dessus de la loi ni ne puisse se soustraire à son bras séculier.

Evidemment tout ceci suppose l’existence d’un Etat de droit qui a la volonté de mettre en place un système politico-économique judicieux démocratiquement institué. En d’autres termes, la réussite d’un tel programme appelle l’application effective des règles de bonne gouvernance tant réclamée à l’échelle du monde, notamment par la Déclaration de Durban de 2002 signée par 24 Etats africains dans le cadre du NEPAD. A ce propos, Alger a abrité le 23 du mois de novembre dernier le 12e sommet du comité des chefs d’Etat pour la mise en oeuvre de ce NEPAD. Aussi, vu la volonté avec laquelle les pays concernés s’attellent à vouloir donner consistance «au nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique», il est à espérer que les règles de bonne gouvernance passeront de l’état de virtualité (vues de l’esprit), à une approche plus concrète sur le terrain. Il est question de la mise en place d’un mécanisme d’évaluation par les pairs : contrôle de la bonne gouvernance d’un pays africain membre du NEPAD, par d’autres pays également membres, et ce, au niveau des chefs d’Etat (Pairs), à travers un panel d’experts éminents. Et on ne peut que se féliciter du fait que l’Algérie soit parmi les premiers pays partenaires de ce système à avoir déclaré se soumettre «au scanner» du MAEP d’ici à fin 2005. Quatre pays sont déjà soumis à ce «check-up»: Ile Maurice, Kenya, Ruanda et Ghana. Néanmoins, il faut signaler que ce système ne fait pas que des enthousiastes: il y a les «afro-sceptiques» qui ont fait entendre des voix dissonantes dont on peut distinguer celles des régimes qui ne tiennent pas à ce qu’on vienne regarder ce qui se mijote dans leurs marmites.

«L’incivilité» dont est accusé le citoyen algérien, épiphénomène collé en général «à son sous-développement», remet certainement en cause tous les choix politiques imposés au peuple algérien depuis 1962 et notamment l’échec d’une institution pourtant sanctuarisée: l’Ecole. Nous ne pouvons tout de même pas continuer d’accuser éternellement le colonialisme de tous nos malheurs quand bien même le lien causal qui le lie à notre sous-développement demeure une donnée historique indéniable. Ce «tabou», qui tend malheureusement à s’éterniser, ne peut continuer à servir d’alibi, ni à ne disculper personne par une dilution des responsabilités.

La citoyenneté, la civilité, le savoir-vivre, la démocratie sont des valeurs humaines fondamentales incontournables pour la construction d’une société moderne et responsable. La société algérienne en est demanderesse. Des aspirations reléguées à l’état de voeu pieux ou circonscrites à des déclarations politiciennes et démagogiques sans lendemain. Sans aucun doute, ces valeurs s’apprennent par un bon enseignement et une éducation de qualité. Aussi, devraient-elles régir obligatoirement nos programmes scolaires et nos manuels didactiques. Elles devraient être enseignées non seulement à l’école dès la maternelle voire jusqu’à l’université, mais aussi dans les établissements de formation professionnelle et autres et au sein de la société civile, à savoir : les partis politiques - qui doivent être responsabilisés pour la formation citoyenne (dans leur propre intérêt d’ailleurs, s’ils veulent avoir des militants de qualité), les associations socioculturelles et autres organisations sociétales d’utilité publique. Nous avons vécu comment un enseignement médiocre pouvait secréter par ailleurs des zombies criminels à la solde ou à la merci de n’importe quel apprenti sorcier, pour créer l’apocalypse.

Comment peut-on parler de paix sociale, de protection de l’environnement, de développement durable si l’impasse est faite sur l’humain qui doit être au centre de tout projet de société, de toute réalisation ? Pour paraphraser Mao Zedong: «ne faut-il pas d’abord construire l’homme qui construira l’Algérie ?». Cependant, les choses étant ce qu’elles sont, des actions concomitantes ou/et synchroniques de développement de l’homme et de la matière ne sont évidemment pas antinomiques, bien au contraire : elles peuvent constituer les relations symbiotiques nécessaires au développement durable.
Les Algériens des villes sont en majorité des citadins récents et toutes les villes ont connu et connaissent encore le phénomène de rurbanisation. Les raisons sont connues. Dans les campagnes meurtries par dix années d’un terrorisme innommable, tout est à faire ou à refaire. Les préoccupations citoyennes en matière de logement, de santé, d’eau potable, de routes, de sécurité... demeurent pendantes.

Dans une société en état de désenchantement profond, aggravé par un traumatisme de dix années de terrorisme aveugle, affaiblie économiquement et moralement, les repères culturels se diluent, les règles d’éthique s’évanouissent, pour laisser place à un état de déréliction. Si en plus, une frange importante de la population se trouve dans un contexte de survie chronique, il y a forcément un retour à l’animalité, aux lois de la jungle : la prédation et les déprédations se font vertu. Les nombreuses émeutes qu’a connues le pays et leur sporadicité n’ont pas surgi ex nihilo. Aussi, la sonnerie d’alarme ne sera jamais assez actionnée. Le pays se trouve à la croisée des chemins. Les choix politiques qui sont faits aujourd’hui prédéterminent irrémédiablement notre avenir, celui de nos enfants et de nos petits-enfants.

1. Sources d’informations pour cette contribution :
- Le Quotidien d’Oran
- El Watan
- «Peuples en marche» (bimestriel de solidarité internationale)
- «Finances et Développement» (publication trimestrielle du Fonds Monétaire International)

(Cette première partie est parue dans le Quotidien d'Oran du 31 janvier 2005)
La Mondialisation, l'altermondialisme, l'OMC, la rente et nous

Par Abdallah AZIZI (3ème partie et fin)

Si l'on adhère à l'opinion de M. BENDIB R. (Département Economie à l'Université de Annaba) découlant de l'article : "L'intégration à l'OMC et reproduction du système rentier" (le Q.O. des 9, 10 et 11/11/2004), il n'y aura jamais de mise à niveau pour la simple raison que le capital marchand national, mercantile, nourri par la rente, rodé à "l'import – import", est incapable de se convertir en capital productif performant. Tout comme la démocratie n'a aucune chance d'exister dans un pareil système (rentier) puisque celui-ci est incapable de secréter les classes historiques antagonistes (bourgeoisie et prolétariat) qui sont à l'origine de la démocratie dans les pays dits "développés". Mais en dehors de cette optique marxiste, n'est-elle pas simplement et étymologiquement ce mot dérivé du grec "démokratia" de "démos" (peuple) et "kratein" (gouverner) ? Autrement dit, un régime politique fondé sur la souveraineté des citoyens qui élisent librement leurs représentants et ce, en dehors de toute coloration politique (gauche – droite) que d'ailleurs les Grecs ignoraient. Evidemment, lorsque le citoyen prend la peine de voter – vote pour le membre de sa tribu, ou pour le "beau-frère du cousin du mari de la tante qui se servira d'abord dans un premier temps et servira la famille et les copains dans une deuxième temps", le jeu démocratique ne peut être que foncièrement pipé. Dans ce contexte, nous continuerons, en quelque sorte, d'évoluer dans le cercle fermé "de la république (tribale) des beaux-frères à la république des cousins" (Germaine TILLON : "Le harem et les cousins" Ed. du Seuil).

De toute façon la démocratie demeurera toujours cette notion variable suivant les places respectives accordées à la représentation populaire effective et à la participation de celle-ci dans les institutions nationales et (maintenant) supranationales. Au regard d'une telle définition péremptoire, laconique, sans être dénuée d'une telle justesse : "sommes-nous un Etat démocratique ?". La question fera certainement sourire. Mais voyons par ailleurs.

"La proclamation du 1er novembre 1954 visait à édifier un Etat démocratique. Nous avons échoué. Peu d'Algériens pensent aujourd'hui que cet Etat est le leur". Dixit M. Abdelhamid MEHRI à l'occasion du cinquantenaire de la Révolution Algérienne. Que penser de cette sentence de la bouche d'un homme historique qui a participé au pouvoir au plus haut niveau, aussi bien du temps de la Révolution que, pratiquement depuis l'indépendance du pays. Est-ce de l'amertume à mettre sur le compte de l'habitude qu'ont les hommes politiques algériens, de critiquer leur "système", dès que celui-ci les "éjecte" du fait de sa caractéristique constante (encore une !) à pratiquer l'ostracisme envers les siens quand cela l'arrange, au gré des maîtres du moment ? Un ostracisme structurel, endogène, inhérent à sa nature sui generis ? Ou bien est-ce un véritable constat d'échec dont il nous faut (nous autres Algériens) prendre pour lui trouver instamment, voire impérativement une alternative démocratique plus heureuse ? S'il s'agit du deuxième cas, M. MEHRI a mis beaucoup de temps, pour le moins que l'on puisse dire, pour s'en apercevoir et nous en aviser.

Par ailleurs dans le contexte socio-économique en question, l'Algérie est condamnée à n'être qu'un pays consommateur de produits étrangers que luis procure l'exportation des hydrocarbures. Une monoproduction que ferait de ce pays "un énorme pipe au robinet constamment ouvert", assurant une rente variable, d'un montant "x", jusqu'à une échéance fatidique "y" dont l'évocation devrait nous donner froid dans le dos. En somme "une république bananière" don les bananes seraient le pétrole. Mais les bananes ont un avantage majeur sur le pétrole : il s'agit d'un produit renouvelable. Peut être regretterions-nous de n'être pas une vraie "république bananière". Dans cette optique pessimiste voire désespérée, nos capitaliste (la bourgeoisie compradore : un vocable passé de mode mais qui garde encore sa plaine signification) seraient confinés "à la production de zlabia avec de la semoule ou de la farine importée" (selon M. BENDIB). L'adhésion à l'OMC ne ferait qu'aggraver le problème pour corroborer un système sans alternative. L'Algérie pays rentier monofournisseur de produits énergétiques (pétrole – gaz), entrerait dans le mécanisme irréversible de l'ultralibéralisme mondial, auquel nolens volens elle s'inféode. Si elle n'y est déjà fortement intégrée.

DE L'ALTERMONDIALISME

Depuis son aspect sauvage des origines à nos jours, le capitalisme a secrété, à travers son évolution historique, ses propres antidotes. On peut citer en résumant, une période qui irait de J.J. ROUSSEAU en passant par les Saint Simoniens, Hegel et Engels pour culminer avec Karl Marx (apogée de la pensée discursive et doctrinale du matérialisme dialectique). Ce fut évidemment une longue évolution. Sur le terrain des luttes sociales, cela va du combat des organisations oppositionnelles que sont les syndicats de défenses des droits des travailleurs, aux idéologies modernes d'opposition ayant velléité de substitution. Ces idéologies se situeraient sur un éventail nuancé qui du centre gauche à l'extrême gauche. Encore présentes dans certains pays, elles se sont néanmoins, fortement nuancées : certains gouvernements de gauches appliquant des aspects politiques propres à la droite. Les communistes par exemple en perdant de leur dynamique originelle, se sont beaucoup "démocratisés", abandonnant certains dogmes, tels depuis déjà quelques décennies, la notion de "dictature du prolétariat" considérée aujourd'hui comme une hérésie doctrinale. En tout cas le processus naturel "de contradictions et de dépassement des contradictions" théorisé par la dialectique matérialiste de K. Marx, ayant pour finalité le communisme triomphant, ne s'est jamais vérifié sur le terrain. Bien au contraire, le monde s'y est beaucoup éloigné : les contradictions se sont exacerbées à l'échelle de la planète corroborant l'échec, maintenant patent, des économies centralisées.

La mondialisation fait du monde actuellement un village planétaire. "La palabre" autour de ce nouveau concept fait qu'il est apprécié différemment de quelque coté que l'on se trouve du clivage idéologique. D'aucuns trouvent à la mondialisation des vertus certaines, en particulier "la promesse d'énormes bienfaits pour les peuples du monde. Il suffirait cependant de trouver comment gérer judicieusement le processus". On avance pour preuve que sur le plan mondial, "l'accord issu des négociations d'Uruguay 1995 a généré plus de 100 milliards de dollars par an, en bénéfices nets, essentiellement dégagés par les pays qui ont le plus réduits les obstacles aux échanges". Ainsi, le revenu réel en Corée du Sud aurait doublé tous les 12 ans depuis 1960.Dans le monde hispanophone, les pays comme l'Espagne, le Mexique, le Chili ont fortement accru leur part du commerce mondial et partant, leur revenu par habitant depuis 1980, en participant à la mondialisation.

En revanche, d'autres n'en voient que mal : l'humanité n'a jamais été autant à la merci de la cupidité et de la spéculation financière. De grands thèmes importants (réflexions, recherches…) ont été laissés de côté tout simplement parce qu'ils ne rapportent rien à ceux qui dominent le monde…La presse internationale reprend ce qui intéresse les patrons du monde : taux d'intérêts, tarifs douaniers, oscillations de la bourse, libre commerce, déréglementation des droits travaillistes…."

Les initiateurs de l'altermondialisme, défenseurs des pauvres et des déshérités, comptent à travers les forums mondiaux, arriver à la construction d'organismes internationaux "réellement représentatifs des peuples". Ils s'y activent ardemment. La multiplication à partir de 2002, de forums régionaux et thématiques, a permis d'élargir considérablement l'assise du forum social mondial (FSM)n mais toujours avec une forte prédominance des euro - latino-américains. D'ailleurs, il est question pour sa 5ème édition, que le FSM "retourne" en 2005 à sa ville de naissance, Porto Alegre, au Brésil.

Ceux qui veulent banaliser le phénomène de mondialisation arguent que celui-ci n'est pas nouveau et lui trouve une historicité linéaire. D'aucuns le font remonter en particulier, jusqu'à Marco Polo au XIIIème siècle. Autrement dit, il le rapporterait à toutes les périodes où le monde avait connu une expansion commerciale, des flux migratoires massifs, des métissages culturels etc. Mais, force est de reconnaître que jamais le phénomène n'a atteint son ampleur d'aujourd'hui, dans tous les domaines, et ce grâce notamment, aux avancées technologiques dans l'informatique, et les télécommunications. Les marchés de capitaux internationaux sont devenus de plus en plus connectés, à telle enseigne que l'on parle de "commerce et de transactions électroniques" : d'importantes transactions se traitent déjà par Internet, en particulier entre entreprises. Au même titre, il est question de monnaie électronique" : la monnaie virtuelle est en passe de remplacer la monnaie réelle dans les transactions des personnes physiques. Faut-il s'en réjouir ? Il y a des avantages certains pour l'humanité. D'ailleurs avons-nous le choix ?

Par conséquent, "l'altermondialisme", nouveau venu sur la scène politique mondiale, parait à ses débuts, plutôt comme une réaction "épidermique" (une sorte le mai 68) contre le mépris d'un ultralibéralisme sans limite, qu'une véritable idéologie qui se poserait comme une alternative de pouvoir. Les manifestations de Seattle, Québec, Davos ou Gênes n'ont été qu'un avant-goût de ce que seraient les luttes à venir qui restent ç "idéologiser". Le forum de Porto Alegre au Brésil ou celui de Bombay en Inde présage d'un renforcement et d'une meilleure prise de conscience de la lutte à l'échelle de la planète. En tout état de cause le mouvement se cherche, affine ses parades, affûte ses armes, prépare ses attaques. Déjà la stratégie semble se raffermir notablement : il n'est plus question pour les altermondialistes d'être des "antimondialistes". En effet, ils évitent de faire l'amalgame entre "une mondialisation des solidarités" ayants des effets positifs sur les masses et sur leur mobilisation (alliances entre les peuples, dialogue des civilisations…) et son revers : une "globalisation" qui serait l'extension de l'économie et des trafics commerciaux à l'échelle internationale, dont les effets ne profiteraient qu'aux multinationales et aux puissants, au détriments des humbles de ce monde.

Il est significatif de constater que l'altermondialisme n'est pas le fait des masses populaires du tiers-monde, trop faibles pour réagir seules, alors qu'en principe elles sont les premières à compatir d'un système qui les domine. Mais, ce sont les ONG crées au départ dans les pays développés qui sont à l'origine de ce mouvement contestataire (la première manifestation a eu lieu contre le sommet du G8 à Seattle aux USA). Depuis, aux divers sommets de ce groupe, les altermondialistes ont répondu par des manifestations parfois assez violentes en accrochages avec les services d'ordres (il y eut un mort à Gênes) et maintenant par des forums mondiaux bien organisés. Ce qui donne à réfléchir aux tenants du nouvel ordre mondial. Telle cette affirmation "symptomatique" : "il ne saurait y avoir d'avenir heureux pour les riches, s'il n'existent aucun espoir d'amélioration de l'avenir des pauvres" dixit M. Horst KOHLER, directeur général du FMI. Ainsi, hormis son aspect moral, la réduction de la pauvreté est désormais reconnue comme indispensable à la paix et à la sécurité.

Le G8 fut initialement un groupe de six. Ce dernier, le G6 créé en novembre 1975, à l'initiative du président français Giscard d'Estaing était constitué des 6 pays les plus industrialisés de la planète : l'ancienne RFA, les USA, le Royaume Uni, l'Italie, le Japon et bien sûr la France. Depuis, l'Allemagne s'est unifiée, et deux autres pays se sont adjoints aux 06 premiers : le Canada et la Russie. Au début il ne s'agissait que de réunions informelles pour des échanges de points de vue sur la "situation économique mondiale, sur l'évolution du monde et de mise en place de coopérations au sein des institutions existantes aussi bien que de toutes les organisations internationales appropriées" (Déclaration du G6 de novembre 1975. Devenu G8, le groupe fonctionne comme "un club de riches" ayant des réunions régulières, à huis clos (sommets), influent sur les décisions du monde. Il domine les politiques que mettent en pratique les institutions de Bretton Woods (FMI, Banque mondiale) dont les pays du groupe sont les véritables patrons en tant qu'actionnaires majoritaires. Ainsi, le G8 se pose-t-il ipso facto, comme une sorte de "Directoire de la gouvernance du monde", imposant ses vues et ses recommandations aux institutions internationales et partant au monde (ONU, Conseil de Sécurité, etc.).

La première des conséquences de cet état de fait est que les Etats du reste du monde du monde perdent une part de leur capacité à gouverner et à agir. Ils perdent donc une part substantielle de leur souveraineté. Cette nouvelle gouvernance du monde laisse le champ libre à des instances indépendantes. Ils perdent donc une part substantielle de leur souveraineté. Cette nouvelle gouvernance du monde laisse le champ libre à des instances "indépendantes" (autrement dit non contrôlées démocratiquement – l'OMC ou les banque Centrales – la capacité de contrôler partiellement l'économie mondiale et laissant aux autres acteurs multinationaux (firmes et opérateurs financiers) la possibilité d'agir avec de moins en moins de contraintes. Ces derniers qui sont au cœur des centres décisionnels de l'économie mondiale, trouve des relais nécessaires à leur expansion dans les bourgeoisies compradores des pays "de la périphérie" (tiers-monde) et dans les gouvernements de ces pays, impuissants à avoir une politique indépendante.

L'organisation des Nations Unies a montré ses limites autant que son incapacité avérée de prévention et de règlement des conflits. Elle a fait preuve de sa caducité et de son impuissante patente à l'occasion des guerres du Golfe et de la guerre d'Irak. Dans le conflit israélo-palestinien, elle s'est montrée incapable de faire respecter ne serait-ce qu'une seule de ses propres résolutions résolution au "petit Etat d'Israël". Comment peut-elle avoir la force de s'opposer au puissant impérialisme des Etats-Unis, ni même le courage d'émettre une quelconques résolution dénonciatrice à leur encontre ? M. KOFI Annan s'est "aventuré" dernièrement à déclarer, des bouts des lèvres faut-il le souligner, que "la guerre que mènent les USA en Irak est "illégale". Cette chatouille du lion fait une belle jambe au peuple irakien.

M. BUSH et son establishment ne font pas que parler eux : ils joignent l'action à la parole. Cette histoire de création du "Grand Moyen Orient" a déjà commencé…Après l'Irak à qui le tour ? Contrairement au démenti donné par la tragique situation irakienne et en dépit de celle-ci, beaucoup de démocrates et de laïcs arabes de gauches comme de droite, semble adhérer à une possible démocratisation du monde arabe et musulman par Américains interposés. D'aucuns pensent qu'il s'agit d'un moyen "disponible" – peut-être pas l'idéal – de se débarrasser de régimes dictatoriaux, qui autrement sembles inamovibles, incrustés au pouvoir jusqu'à la fin des temps. Sinon verra-t-on jamais l'instauration de la démocratie et les droits de l'homme instaurés dans ces pays ? La solution américaine semble dès lors une opportunité mais en tout état de cause une aventure incertaine, qui peut déboucher sur un chaos autrement plus dévastateur que ce qui se passe en Irak. Justement, les tenant de cette hypothèse sont convaincus que les choses vont s'aplanir en ce pays, pour donner jour à la première démocratie arabe. Chose dont les Américains eux-mêmes ne paraissent plus être certains aujourd'hui et semblent mettre un bémol à leur ardeur guerrière en direction des autres pays qu'ils qualifient de "voyous".

Plus de vingt ministres arabes et musulmans ont fait connaître leur désir de participer au "Forum de l'Avenir" qui se tiendra au Maroc le 11 décembre 2004 prochain avec M. COLIN Powell, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères (démissionnaire). Une manifestation contre cette réunion a eu lieu au Maroc. Un cadre du Parti de l'Istiqlal qui adhère entièrement à ce forum, minimisant à l'extrême cette manifestation, a déclaré sur les ondes de RFI , le 9 décembre 2004, qu'il s'agissait d'un rassemblement organisé par les seuls militants de la mouvance islamique de cheikh Abdessalem Yacine et du PJD. Déjà au pays hôte, le "forum" en question ne fait pas l'unanimité, quoique le pouvoir marocain semble"faire contre mauvaise fortune bon cœur"en donnant sa caution à une pareille réunion, qu'il instrumentalise par ailleurs, pour un hypothétique profit politique en se positionnant comme "Etat démocratique".

Même si M. BUSH passe pour un homme "simplet", les Américains ont la réputation d'être des gens forts en calculs (surtout économiques). Aussi, malgré les enjeux stratégiques, les espaces considérables et les équations à géométrie variable que posent les pays et les pays concernés, "s'il n'y a rien à gratter" (le pétrole étant quasi assuré), les Américains ne s'aventureraient certainement pas pour les beaux yeux des démocrates et laïcs arabes à qui, il appartient, en dernier ressort, de faire leur propre Révolution (des Lumières) dans leurs pays respectifs.
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