Algérie - Azizi Abdellah



Les dirigeants actuels des Etats-Unis d'Amérique, qui, bien sûr ne sont pas à confondre avec le peuple américain, ont tout fait pour être haïs par la rue arabe et pour l'éternité. Enpremier lieu, parce qu'ils prennent fait et cause pour l'Etat d'Israël, non pas seulement parceque c'est Israël (Etat reconnu par l'entité palestinienne), mais parce qu'ils soutiennent un Etat injuste qui opprime un autre peuple, occupe son territoire par la force et ignore délibérément ses droits légitimes et historiques. Ceci en contradiction flagrante avec les lois et principes fondateurs des Etats-Unis mêmes, qui se définissent comme "le premier pays et grand défenseur des libertés démocratiques et des droits de l'homme". Le président BUSH, plus royaliste que le roi, a depuis sa première investiture surpris tout le monde en soutenant la politique "suicidaire" d'Ariel SHARON, allant au-delà des souhaits mêmes de ce dernier alors que celui-ci n'espérait pas tant. Ce même SHARON qui renia et enterra sans états d'âme les accords d'Oslo, signés pourtant en grand pompe par son pays sous la direction de Rabin et par Arafat et ce, sous l'égide non moins officielle des Etats-Unis d'Amérique présidés par Bill Clinton, ceci en direct, devant des milliards de téléspectateurs. Le monde s'était dit : "Voilà, le nœud gordien du conflit moyen-oriental enfin dénoué ". Loin s'en faut. Pour ne pas être étonné et encore moins époustouflé par tant de reniement, il suffirait d'examiner la nature des équipes ultraconservatrices (et religieuses) aussi bien à la tête d'Israël
que celle surtout, qui préside aux destinées des USA aujourd'hui. En une époque où la démocratie et la laïcité sont prônées par l'Occident comme des panacées politiques incontournables pour bien gérer un pays, on a peine à croire que les dirigeants américains actuels puissent penser qu'ils sont chargés d'une mission divine sur cette Terre ayant pour but de précipiter l'avènement de l'ère messianique. Dans un livre récent ayant le titre délibérément satirique de "dictionnaire incorrect", M. Jean François KAHN donne une définition fort pertinente du sionisme de l'heure actuelle. Dans le deuxième paragraphe de sa définition, M. KAHN dit ceci : "Aujourd'hui, pour des raisons religieuses, les sionistes de droite les plus nombreux dans le monde sont des chrétiens fondamentalistes américains (de l'Eglise évangélique) qui considèrent que tout ce qu'annonce la Bible doit être réalisé au pied de la lettre. Pour eux, les Juifs doivent donc occuper toute la Palestine, ce qui constitue la condition de leur conversion finale au christianisme et du retour de Jésus-Christ !". (Pour rappel J. F. KAHN d'origine juive, est un intellectuel français de gauche, il est aussi le directeur du magazine d'opinion "Marianne"). Comme quoi le radicalisme religieux n'est pas toujours dans le camp qu'on croit.
Par conséquent que devraient attendre les Palestiniens de telles équipes ? Rien ! Au contraire ils devraient en craindre pour les territoires atrophiés qu'on veuille bien leur concéder et même pour leur avenir. C'est-à-dire craindre pour leur existence en tant que peuple qui aspire à être libre et indépendant sur la terre de ses ancêtres. Avec le triomphe de HAMAS aux dernières élections législatives palestiniennes, les maigres chances d'entente entre les deux parties, risquent désormais d'être annihilées. Aussi faut-il appréhender des jours plus sombres encore pour les populations palestiniennes. En effet, dès que le résultat du scrutin fut connu BUSH en premier, puis l'Union européenne, ont menacé ouvertement de couper les vivres (toutes formes d'aides) aux Palestiniens. Quant à l'Etat israélien, il veut réduire à la portion congrue la part qui leur revient de droit sur les impôts. Il s'agit donc d'un ostracisme "à l'irakienne" qui s'annonce pour affamer ces populations. Moralité : si la rue arabe favorise chaque fois qu'elle l'a pu par le moyen des urnes les courants islamistes, il ne s'agirait pas seulement et uniquement d'un vote sanction contre les régimes en place, mais aussi semble-t-il, l'application d'une équation algébrique vieille comme l'algèbre (une invention arabe) : "moins par moins égal plus". En plus clair cela donne l'aphorisme suivant : "les ennemis de mes ennemis sont mes amis". Une sorte de pis-aller du désespoir ! En envahissant l'Irak et en faisant de Bagdad une ville martyre, sur un mensonge de dimension planétaire sur l'existence d'armes de destruction massive en Irak, M. Bush s'est décrédibilisé aux yeux du monde et a aggravé son cas en particulier dans une opinion arabe qu'il s'est aliénée durablement. Mais pas seulement.
Les conséquences funestes de la boîte de Pandore qu'il a intentionnellement ouverte un certain 20 mars 2003, ne peuvent être encore évaluées dans la mesure où le bilan macabre continue d'augmenter de façon exponentielle, de jour en jour sans que personne ne sache quand le cauchemar des irakiens prendra fin. Depuis, la première guerre du golfe de George Bush pè re et ses bombardements aveugles qui ont fait des milliers de victimes irakiennes désignées sous le sinistre vocable de "dommages collatéraux", triste litote qui cache mal les innommables atrocités commises, chaque mort nouvelle en Irak ne peut être qu'imputée au passif de l'Establishment américain actuel. Tout le monde sait qu'Oussama BEN LADEN est une invention américaine. Par voie de conséquence, les ZARQAOUI et consorts qui sèment quotidiennement la mort en Irak ne peuvent que l'être aussi, puisqu'ils se réclament d'El Qaïda. Aussi, les victimes des attentats de ZARQAOUI sont également des victimes des BUSH, RUMSFELD, RICE et autre WOLFOWITZ, qui sont les premiers responsables de l'apocalypse irakienne. On se souvient qu'ils ont décidé d'attaquer l'Irak sans le consentement du Conseil de Sécurité de l'ONU, les conditions préconisées par celui-ci et contenues dans la résolution 1441 n'ayant jamais été menées à leur terme.
Les groupuscules radicaux agissants de la nébuleuse islamiste mondiale, qui usent de la violence, sont en réalité des segments minoritaires qui ne représentent qu'eux-mêmes. Ils ne sont pas "la civilisation musulmane" : loin s'en faut. Néanmoins, ils apportent de l'eau au moulin des tenants occidentaux de la grande mystification qu'est le "choc des civilisations" cher à M. HUNTINGTON. En effet, il y aurait "choc de civilisations", si nous étions en présence de deux ou plusieurs civilisations homogènes et monolithiques, de mêmes valeurs et de mêmes puissances, qui se jouxteraient de façon conflictuelle et/ou s'affronteraient sur un champ de bataille bien défini. Or, nous savons que ce n'est pas le cas et que toutes les civilisations se sont formées par des contacts osmotiques ou sous l'aspect de vases communicants à travers l'Histoire. A ce titre, peut-on par exemple actuellement parler d'une "civilisation musulmane" qui s'entrechoquerait avec une "civilisation occidentale" quand bien même il y eut un 11 septembre 2001, et que celui-ci serait le fait d'un groupuscule isolé d'Arabes orientaux ? Voire même au nom d'un islamisme radical qui ferait pointer tous les doigts accusateurs sur lui ? (Il faut rappeler qu'il s'agit d'une hypothèse qui ne fait pas l'unanimité et que même dans le camp occidental, des voix autorisées ont manifesté leurs doutes). Assurément non ! On sait qu'aucune grande civilisation n'est homogène et qu'aucune civilisation ne naît ex nihilo : lors de leurs formations originelles, les plus récentes sont toujours redevables aux plus anciennes de patrimoines de savoirs, de créations et de connaissances transmis à travers l'enchaînement de l'histoire humaine.
Aussi, il n'est pas besoin de mettre en cause les fabuleuses puissances militaires des USA en particulier et celles de l'Occident en général, pour évoquer un absurde "choc des civilisations", quand on sait que l'arsenal nucléaire du seul petit Etat d'Israël peut anéantir l'ensemble des mondes arabe et musulman et est même capable de détruire la terre toute entière. Il y a donc aujourd'hui un décalage civilisationnel qui interdit toute comparaison des forces en présence. En conséquence, vouloir le faire à contresens, c'est vouloir accréditer une grossière mystification qui n'aurait d'autres desseins que de déstabiliser et de diaboliser des pans entiers de l'humanité à des fins hégémoniques et de marché. A l'évidence, on ne peut faire entrechoquer le pot de fer contre le pot de terre.
Ceci dit, malgré la prédominance actuelle de la civilisation dite "occidentale" qui répand son mode de vie et affirme sa suprématie dans beaucoup de domaines, le monde n'est pas à l'homme unidimensionnel et à la culture uniforme et heureusement des peuples gardent malgré tout, une partie de leurs spécificités propres. Parmi ceux-ci, les peuples arabo- musulmans, dont le passé a connu incontestablement une brillante civilisation. Pendant des siècles, cette civilisation a eu pour capitale : BAGDAD. Cette ville a régné sur un empire qui allait du fond fin de l'Occident (péninsule ibérique) aux confins du sous-continent indien. Fondée en 762 sur la rive ouest du Tigre, par le deuxième khalife abbasside Abou Jaafar-El- Mansour, la ville s'appela d'abord "Madinat-es-Salam" (la ville de la paix), ce qui peut préjuger si besoin est, déjà à l'époque des sentiments pacifistes de ses fondateurs quand bien même ils étaient les puissants du moment. Comme quoi l'Islam ne porterait pas congénitalement la violence "dans ses chromosomes" comme d'aucuns tentent de le faire accroire. La ville prit par la suite le nom persan de Bagdad.
Aussi, dans l'imaginaire de la majorité des Arabes et pour beaucoup de musulmans, la ville mythique des "Mille et une nuit" est chargée de beaucoup de symboles, parfois magnifiés par la mémoire collective. Sur le plan de l'universel, la brillance de son passé prestigieux et de son histoire paraissent comme la preuve du génie créateur de leur civilisation et la justesse de leur religion. De grandes sciences s'y sont développées : la médecine, les mathématiques, l'astronomie, la chimie, la musique etc. Aussi beaucoup de savants de stature universelle y ont
vécu : Ibn Sina, El Razi, El Kindi, El Khawarizmi, El Farabi... Les règnes de Haroun El Rachid et de son fils ElMa'moun relèvent presque du surnaturel et du merveilleux. "La cour d'ER-RACHID anticipe de plusieurs siècles sur le faste de Versailles.
Elle ruisselait de luxe et rechercher le raffinement autant que la beauté... Poètes, savants, musiciens, chanteurs mais aussi bouffons, animaient la vie d'une cour qui fut une des plus brillantes de tous les temps" ' L'architecture religieuse rivalisait de raffinement et de beauté avec l'architecture civile.
En bombardant cette "ville-symbole", les coalisés occidentaux n'ont pas seulement massacré des civils innocents après les avoir affamés pendant des années par un boycott inique, et endommager des édifices parfois millénaires, ils ont aussi atteint et déchiré quelques fibres profondes d'une "Nation arabe" lézardée et à genoux. Les télévisions du monde entier ont montré une ville dévastée, un musée vide de son contenu, pillé, dépouillé des trésors historiques sans équivalents, patrimoine de l'humanité toute entière, dont certains avaient plus de quatre mille ans. Le vol, le pillage des bâtiments publics, des administrations, des palais etc. sous l'œil goguenard des soldats de l'occupation, ont montré à quelle abjection la force brutale peut réduire des peuples contraints et forcés à la survie, au point d'abandonner toute dignité pour glisser vers l'avilissement et la mesquinerie. L'innommable a été commis à prison d'Abou Ghrib. L'envahissement de l'Irak et la prise de sa capitale par les troupes des coalisés rappelle curieusement un remake historique : l'invasion mongole du pays il y a huit siècles, l'assassinat du dernier khalife abbasside et la mise à sac de Bagdad en 1258 par les hordes sauvages commandées par HOULAGOU, le petits fils de GENOIS KHAN. La civilisation musulmane ne s'en est jamais complètement relevée.
Saddam Hossein n'était certes pas un khalife mais c'était tout comme. Qu'il ne fut pas tué certains le regrettent. Pour beaucoup de monde, c'était un dictateur sans scrupules qu'il fallait absolument destituer et juger, mais pour beaucoup d'Arabes, pour la rue arabe surtout, c'était aussi le chef d'Etat d'un pays arabe souv erain, et à ce tire, il appartenait à son peuple seul et légitimement de le déchoir ou pas.
Les images délibérément avilissantes de sa capture, l'histoire du "trou à rat" supposé être sa cache, le show médiatique répété sans pudicité, montrant un homme hagard, hirsute, clochardisé que l'on ausculte comme une bête traquée, avec une torche introduite dans sa bouche, furent une humiliation ressentie en tant que telle par la quasi-totalité des Arabes amis et ennemis de Saddam. Aussi, une telle humiliation, un tel mépris envers l'être humain déchu, un tel avilissement intentionnel du vaincu par le vainqueur, ne seront-ils pas prêts à être pardonnes aux Américains même par leurs "amis" Arabes. Eh oui ! Le show médiatique en cause était aussi et surtout destiné aux autres chefs d'Etats arabes comme l'exemple à ne pas suivre : on leur prédisait en quelque sorte et en direct, le sort qui serait le leur dans le cas où ils se fourvoieraient dans des velléités propres à contredire les intérêts des "maîtres" de ce monde. Par ailleurs, faut-il croire que SADDAM c'est aussi un cas de lèse-majesté : comment un petit chef d'Etat d'un pays sous-développé puisse-t-il se prendre pour une Puissance (apanage des seuls occidentaux) et vouloir jouer dans la cour des grands ? Autrement dit : comment un lilliputien (un sous-homme en quelque sorte) puisse-il contrarier les desseins du géant-gendarme planétaire autoproclamé et ses alliés ? Ceci nonobstant l'intérêt et l'urgence qu'il y avait à le "liquider" pour s'emparer des richesses de son pays. Le reste, à savoir : "la libération du peuple irakien", le début de "l'instauration de la démocratie et des droits de l'homme dans le Grand Moyen Orient" et autres balivernes de ce genre, ne seraient que de la rhétorique dilatoire pour débiles mentaux. Il est fait ici d'une pierre plusieurs coups. L'Histoire se répète : Saddam serait un peu Hannibal réclamé par les Romains après avoir écrasés les carthaginois dans les guerres puniques ou Jugurtha capturé et exhibé à Rome dans une cage à fauves... Quoique d'aucuns trouveraient de telles comparaisons quelque peu hasardeuses ou peu heureuses du fait que Saddam fut un dictateur honni, néanmoins elles ont ceci de commun avec l'histoire de Carthage, de la Numidie et les Romains : il est toujours question d'intérêts stratégiques, de lois du plus fort, de volonté de domination, d'empire, d'hégémonie, de plusieurs poids et de plusieurs mesures lesquels ne correspondent pas toujours aux intérêts biens compris des peuples concernés.
Bagdad c'est un peu la Rome des Arabes. Elle serait aux Arabes ce que serait la "ville étemelle" aux Occidentaux. Aussi, peut-on imaginer un seul instant, qu'un chef d'Etat arabe (ou musulman) aussi puissant soit-il, puisse débarquer ses troupes en l'Italie, envahir ce pays et aller à Rome, capturer M. BERLUSCONI parce que celui-ci pratiquerait une politique qui ne plairait pas au dit chef d'Etat arabe ? Dans ce cas de figure impossible mais imaginable, on sait que l'Occident se coaliserait immédiatement, instantanément pour écraser le quidam et réduire son pays en poussière. Qu'ont fait les chefs d'Etats arabes quand les coalisés réduisaient l'Irak en vaste champ d'escarbilles sanguinolentes ?
En fait, ce que l'on a appelé abusivement "choc des civilisations" n'est rien d'autre que le clivage entre pays développés qui, par la mondialisation, le deviennent chaque jour un peu plus et ceux qui ne le sont pas et qui le deviennent chaque jour un peu moins : c'est la césure
entre pays riches et pays pauvres et l'abîme qui les sépare ne sera pas comblé demain.
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