Algérie

La dernière carotte nationale




C'est l'un des derniers mythes de la justice possible dansce pays: «la commission d'enquête qui vient d'Alger». En règle générale, larumeur, avérée ou démentie, fait suite à un scandale agréé par le désordrenational, un vol, un détournement ou un abus de pouvoir. «La commissiond'enquête» peut débarquer, se faire attendre, venir et ne rien faire, fairemais ne rien changer mais à chaque fois elle réussit l'essentiel. C'est-à-direréactiver un espoir de justice chez le bureaucrate écrasé, l'administrateur quirêve de violence et de hooliganisme, l'attentiste de la vengeance ou l'Algérienqui a désespéré de tous et de tout. Cette commission étant le dernier espace oùl'espoir de la justice et de la punition - fondamentaux structurants de l'Etat -sont encore possibles, l'Algérien ne croyant plus au reste des institutionsdepuis presque toujours. Question donc: qu'est-ce qu'une commission d'enquêtequi vient d'Alger ? Techniquement, il s'agit d'un groupe d'hommes qui ne sontpas nécessairement algérois, habillés en Men in Black,discrets, intraitables, non corruptibles, sagaces, dormant peu, roulant de nuitet ne dépendant que de la vérité et d'aucun rapport de forces ou de téléphones.Leur mission, de plus en plus fréquente dans un pays de plus en plus corrompu, étantd'écouter le veuf et l'orphelin, d'apurer les comptes, surveiller les dépenses,revoir les recours et suivre à la trace les dépenses de régie ou les exercicesdu pouvoir dans cette Algérie profonde qui échappe au pouvoir mais pas auxappétits. La presse comme la rumeur font souvent état de leurs déplacements deplus en fréquents, mais ne mettant jamais de nom sur leurs visages. Pourquoi ? Parceque. L'autre question de fond est celle-ci: de tels hommes existent-ils dans unpays qui n'existe pas et sous la commande d'un Etat qui en sape l'avenir ? Non.Ou presque. Croire dans le mythe comestible de la «commission d'enquête venued'Alger», c'est oublier que ses membres sont algériens, font partie del'Algérie et que l'Etat ne peut pas s'auto-accuserselon un article fondateur de la Constitution des USA. Car c'est un peu débile decroire qu'une commission de bureaucrates peut faire ce qu'un Etat ne veut paset ce qu'un peuple ne peut plus. Pourtant les Algériens en attendent beaucoup. Pourquoi? Parce que cela remonte à loin et que la faiblesse est humaineet l'humanité parfois algérienne. Cela remonte au mythe messianique et jusqu'àcelui du calife invisible qui se promène le soir pour s'inquiéter de ses sujets.Si on peut remplacer un Etat par des gardiens de trottoir, pourquoi ne pasremplacer l'espoir par un artifice ? «La commission d'enquête qui vientd'Alger» étant le dernier mythe national comme dit au début. Sans lui, en quiet en quoi croire ? Il ne reste presque plus rien d'emballant d'El-Mouradia à Tin-Zouatine. Rienqui fasse rêver comme les mille et une nuits ou qui fasse croire comme ladéclaration du 1er Novembre.





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