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Karim, profession dealer Actualité : les autres articles



Karim, profession dealer                                    Actualité : les autres articles
Annaba compte des centaines de petits dealers à la petite semaine qui courent, se cachent, encadrent des enfants issus de l'échec scolaire et visitent souvent le centre de rééducation de Bouzaaroura.
Karim est un de ceux-là. Il traîne derrière lui 30 années, comme un frais souvenir, de la vie difficile et des jours sombres. Issu d'un couple divorcé, il est célibataire et a grandi dans un quartier populaire de la ville de Annaba. Il a fréquenté l'école primaire, visité le CEM, mais a très vite laissé tomber les études. Avant le bac, il a tout plaqué pour aller rejoindre ses pairs à Marseille, incité par le rêve français qui le titillait. «Je n'avais qu'une seule envie : quitter le pays puisque je me considérais comme une charge pour la famille.» Karim franchit les frontières maritimes et débarque au port de Marseille après avoir payé rubis sur l'ongle 50 000 DA, les économies de sa mère divorcée, à un navigateur au port de Annaba. Il retrouve des connaissances du quartier qui l'ont pris en charge. C'est à la rue Noailles qu'il découvre le monde du trafic en tout genre, dont la drogue.
Il est initié au «code d'honneur» de ce milieu opaque qu'il ne faut jamais oublier et ses coups bas qui peuvent avoir raison de sa vie. C'est là aussi qu'il apprend le risque : « Je risquais gros en vendant de petits morceaux de shit aux jeunes Beurs et Français et surtout je savais que je jouais dans la cour des grands où chaque espace est contrôlé par un caïd. Je me suis fait très vite remarquer. Encore jeune, je n'ai pas pu résister aux menaces des poids lourds et préféré, de peur d'être tué, rentrer au pays non sans avoir réalisé quelques petites affaires.» La balade marseillaise a été très courte. De retour au bercail après une année de «dur labeur», fort de sa petite expérience de dealer à l'étranger, il s'est, malgré la concurrence, fait une place à la ruelle principale de son quartier. «J'ai injecté tout ce que j'avais gagné en France dans le haschich, c'était le seul moyen pour faire de l'oseille. Et comme je troquais gros, j'avais le vent en poupe», affirme-t-il.
Ce que Karim nous dit tout bas, c'est que le prix de sa place est fixé selon les cotations de la bourse du trafic de la drogue, et surtout de la bonne grâce de quelques flics ripoux. Ce qu'il nous chuchote encore, c'est que pour occuper le coin de la rue, les poches pleines de petits morceaux, «il faut casquer ou jouer l'agent double avec la brigade des stups pour que tout le monde finit par trouver son compte». Autour d'un café, dans son quartier général, Karim est gai comme à son habitude, fume une cigarette blonde et lisse entre deux doigts sa mouche (touffe de poils sous la lèvre). Il nous fait savoir qu'il a visité la prison à trois reprises et purgé en tout deux ans de prison ferme. Il s'étend sur les risques du métier, les rapports avec les délateurs, la police, son séjour en prison et même sur les prix du kif qui se sont envolés en l'espace de quelques années.
«Avant un' tarf' (petit morceau) coûtait 50 DA, le double 100 DA et pour les fêtards un 'alouche' (gros morceau)
200 DA. Actuellement les mêmes quantités sont cédées respectivement à 200, 500 et 1000 DA.» Abondant dans le même sens, Karim nous explique les raisons ayant justifié cette flambée des prix de sa marchandise. «Les multiples saisies aux frontières ouest ont asséché les marchés à l'Est. Et le kif obéit tout simplement à l'offre et la demande.». à la question, comment il voit son avenir, Karim nous répond, non sans regret, qu'il n'a pas mieux à faire pour décrocher. «C'est ma destinée; je n'ai pas d'autre perspective pour gagner ma vie sauf la vente du haschich», se désole-t-il en ajustant le col de son blouson rouge pourpre avant de disparaître pour vaquer à sa tâche quotidienne de dealer.
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