Algérie

Indépendance du magistrat et réforme Le réquisitoire du bâtonnier d'Alger



Le bâtonnier d'Alger, Abdelmadjid Sellini, a estimé, dans une intervention au forum d'El Moudjahid, que la justice a connu un « recul » par rapport à ce qui se pratiquait après l'indépendance et jusqu'à une période plus ou moins récente. Les causes qui ont conduit à cette situation sont multiples, a ajouté le conférencier qui, dira-t-il, ne veut imputer à aucune partie cette responsabilité et encore moins de « jeter la pierre à qui que ce soit ». Cette situation à laquelle nous sommes arrivés est plutôt le résultat de facteurs internes et externes à la justice, précise le bâtonnier. Sellini, qui a exercé en qualité de magistrat avant d'opter pour la profession d'avocat, signalera que la justice dans les années 1970 «était éminemment plus indépendante.» Les interférences dans les affaires de la justice étaient si rares que la grande majorité des justiciables était contente des décisions rendues par les instances judiciaires, a poursuivi le bâtonnier d'Alger. A ce rythme, et si rien n'est fait pour redresser les choses, indique Abdelmadjid Sellini, « nous allons nous égarer ». Le plus important point, affirme l'invité d'El Moudjahid, concerne cette dépendance de plus en plus pesante qui lie les magistrats à leur tutelle. Une pratique qui s'est installée sournoisement avant qu'elle n'en devienne une culture au sein de la justice, a-t-il encore précisé avant de dire, que ces injonctions mettent à mal l'exercice du droit et de la justice. Le conférencier est revenu à l'époque où, dira-t-il, dans les affaires correctionnelles ou pénales, un cas sur trois des justiciables pouvait bénéficier de sursis ou de relaxe, alors qu'aujourd'hui, seulement un cas sur dix peut avoir la chance de bénéficier de ce genre de mesure. La détention préventive est citée elle aussi comme exemple de cette pratique dont les magistrats ne peuvent «hélas» s'en défaire et qui consiste à appliquer les lois de la manière la plus restrictive. Le conférencier indiquera qu'il ne connaît pas de cas où un appel contre une décision de détention ait abouti. Sellini soutiendra que les décisions de justice de première instance sont à près de 95 % confirmées par les cours d'appels et ajoutera dans le même chapitre, que 80 % des instructions sont des reprises pures et simples des enquêtes préliminaires de la gendarmerie et/ou de la police. Les condamnations systématiques de ce qui est appelé « délinquants primaires », le nombre de dossiers que les juges doivent « liquider » pendant leurs audiences, sont autant d'obstacles sérieux qui nuisent au bon déroulement de la justice et par conséquent, à la crédibilité de l'Etat, ajoute le bâtonnier. « Le sentiment d'injustice est terrible et est plus fort que tout autre », soutient Sellini pour avertir des conséquences fâcheuses d'un tel sentiment. Pour lui, la réforme de la justice appelée à moderniser le secteur de la Justice est, également, sensée apporter des changements dans la pratique de la justice. Le bâtonnier estime qu'il y a lieu de rétablir les équilibres des mécanismes judiciaires existants. La formation des magistrats, selon lui, est perçue comme un élément des plus importants dans la réforme actuelle. Pour ce qui est de la profession d'avocat, Maître Sellini préconise, « par souci d'une meilleure justice », une formation continue pour tous ceux qui viennent au métier. Il déplorera cependant, le fait que beaucoup d'avocats qui viennent à la profession « tombent à la renverse » et quittent aussitôt la profession pour diverses raisons dont la vocation. En ce qui concerne les activités du Bâtonnat d'Alger, il a rappelé que ce dernier est en passe de s'organiser avec notamment un département de formation et un autre de déontologie. Le bâtonnat, qui compte éditer une revue et un bulletin juridique, a eu à numériser les dossiers des 4.300 avocats d'Alger.
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