Algérie

L'Algérie, le Maghreb, la Méditerranée Fractures entre les deux rives




Le projet méditerranéen commence à prendre forme. Il est défini par les pays européens, sans les pays du Sud. Nicolas Sarkozy a été contraint de revoir sa copie. Le président français, qui prétendait redessiner tout seul la carte de la Méditerranée, a été rappelé à l'ordre par son allié allemand, et contraint à d'importantes concessions, avant de faire faire avaliser son projet par ses partenaires de l'Union européenne. Ce qui devait constituer un programme très ambitieux en mesure de réaménager le flanc sud de l'Europe, a été ramené à une modeste feuille de route destinée à compléter et améliorer le processus de Barcelone. C'est ainsi que les dernières péripéties de Nicolas Sarkozy au niveau européen ont été perçues. Après avoir lancé son projet de manière spectaculaire, comme à son habitude, il s'est trouvé confronté à une autre réalité. La chancelière allemande Angela Merkel a rappelé que rien ne peut se faire en Europe sans elle. Elle a mis son véto au projet du chef de l'Etat français, jusqu'à ce qu'il se rende à Hanovre, pour une explication bilatérale qui a réussi à aplanir les différents. La rencontre a débouché sur un nouveau projet, l'Union pour la Méditerranée, que le sommet européen a entériné dans la foulée. Tout le monde y a finalement trouvé son compte. L'Allemagne a imposé la prise en compte des intérêts des pays européens non riverains de la Méditerranée. L'Espagne a trouvé une consolation en faisant admettre que le projet de Nicolas Sarkozy ne renie pas le processus de Barcelone. Et le chef de l'Etat français peut fièrement afficher sa satisfaction en organisant le premier sommet de la nouvelle entité qu'il veut mettre en place, le 13 juillet prochain, deux semaines après avoir pris en main la présidence de l'Union européenne. D'ici là, les choses auront évolué. L'architecture de cette Union pour la méditerranée aura pris forme. On sait qu'elle aura une présidence bicéphale, assurée conjointement par un chef d'Etat du Nord et un autre du Sud. Elle aura un secrétariat d'une vingtaine de membres, et s'attaquera très rapidement à des dossiers consensuels, comme la lutte contre la pollution de la Méditerranée, le contrôle des flux migratoires et la sécurité. Les Européens, comme à leur habitude, savent que l'argent aura un rôle central dans le nouveau dispositif, et ont déjà entamé les consultations pour trouver les fonds nécessaires. Ils créeront les banques et mettront en place les mécanismes adéquats pour prendre en charge l'aspect financier. Bien sûr, des critiques, parfois assez vives, sont émises à partir des pays du Sud, soit par des cercles officieux, qui ne savent quelle attitude adopter face aux initiatives françaises, soit par des courants et des personnalités indépendants, qui redoutent que la nouvelle construction se fasse au détriment des pays arabes. Entre ceux qui soupçonnent Nicolas Sarkozy de vouloir simplement pousser les pays arabes à normaliser leurs relations avec Israël, ceux qui l'accusent d'offrir à la Turquie une consolation au rejet de son adhésion à l'Union européenne, et ceux qui trouvent dans sa démarche une volonté d'ancrer la mainmise de la France sur une région où elle est fortement concurrencée par la Chine et les Etats-Unis, nombre d'observations peuvent paraître fondées. Sans compter ceux qui soupçonnent l'Europe de vouloir simplement pousser les pays du Sud à assurer la police face aux flux migratoires, et à garantir l'approvisionnement en pétrole. Mais au-delà de ces critiques, fondées ou non, l'élément le plus troublant, le plus inquiétant, se trouve ailleurs. Car après tout, pourquoi reprocher à Nicolas Sarkozy de prendre des initiatives qui servent son pays, ses amis et ses intérêts ? En lançant cette initiative, il est dans son rôle, servir son pays et ses amis. Les autres pays européens, lassés de voir les pays de la rive sud se maintenir dans un immobilisme meurtrier, sont ravis de trouver une nouvelle démarche pour mieux assurer leurs intérêts. A l'inverse, l'attitude des pays du Sud, dont l'Algérie, est réellement inquiétante. En recevant le président français, la plupart des chefs d'Etats arabes ont loué l'idée d'Union méditerranéenne, mais on ne sait si leurs propos étaient fondés sur une analyse et un vrai projet, ou s'il s'agissait de simples propos de circonstance, dictés par les impératifs de politesse diplomatique. Depuis, plus rien. Aucun débat public n'a été organisé en Algérie, aucune analyse sérieuse n'a été émise par les autorités. Du coup, on ne sait si le projet est bon pour le pays ou non, s'il va y participer, comment, avec quels moyens et dans quel but. Dans le même temps, le partenaire européen fait avancer le projet. Il a les moyens, les structures de réflexion, les institutions nécessaires et le financement requis. Mais sur la rive sud, on regarde les choses se faire, comme si on n'était pas concerné. D'autres réfléchissent, et agissent pour décider de notre avenir : c'est là le volet le plus inquiétant. A Paris, à Berlin, à Rome, on discute de ce qu'il faut faire de nos régions. A Alger, Rabat, Le Caire, on attend que les autres agissent, pour approuver, adhérer ou refuser le projet. Là se situe la véritable fracture entre les deux rives de la Méditerranée. Au nord, on regarde vers l'avenir, on le dissèque, on essaie de le maîtriser, de l'anticiper au mieux. Au sud, on attend. On fait semblant de lire les intentions cachées des uns et des autres, on avance des arguments, parfois fondés, pour justifier l'immobilisme et l'incapacité d'agir. Au nord, il y a des systèmes politiques démocratiques, respectueux des libertés de leurs citoyens, et qui tentent d'avancer de manière rationnelle. Au sud, il y a des régimes non démocratiques, qui font semblant d'aspirer à la modernité, alors que sur le terrain, ils consacrent et renforcent les archaïsmes. Il est difficile de voir deux groupes aussi dissemblables travailler ensemble. A moins que les premiers, les plus avancés, ne réussissent à tirer vers le haut leurs partenaires du Sud. Ou, ce qui est le plus probable, que les seconds, les plus faibles, se mettent au service des premiers.


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