Inde-Pakistan sur la corde raide

L'Inde et le Pakistan célèbrent le 60ème anniversaire de leur indépendance respective de la tutelle coloniale britannique. Six décennies après avoir accédé à la souveraineté nationale, les deux Etats voisins ont encore et toujours des rapports affectés par les conséquences de leur partition hâtive et mal organisée qui leur a donné naissance et le traumatisme de la tragédie humaine dont elle s'est accompagnée. Lestés d'un lourd contentieux historique dont ils ne parviennent pas à se défaire. Ces deux puissances entretiennent à leur frontière un foyer de tension qui a été le théâtre de plusieurs guerres classiques et qui pourrait devenir celui d'un affrontement nucléaire, du moment qu'elles disposent chacune de l'arme apocalyptique. Cette terrible perspective n'est pas impossible au regard de la montée en puissance des extrêmes dans les sociétés des deux Etats. La situation qui prévaut dans le Pakistan de Musharraf justifie toutes les inquiétudes. Le régime du général Président est véritablement aux abois parce qu'isolé de son peuple et confronté à une sédition du type taliban qu'il ne parvient pas à mater. Moins «préoccupante», celle de l'Inde n'est pas exempte du danger de l'arrivée au pouvoir d'un courant ultra gagné à l'affrontement militaire avec l'ennemi séculaire que représente le Pakistan musulman pour ses adeptes. Ce n'est pas parce qu'elle est une démocratie que l'Inde n'est pas susceptible de basculer dans l'aventurisme, qui, dans cette région, peut prendre la forme d'un embrasement nucléaire. L'Inde et le Pakistan sont pourtant deux nations dont les fonds civilisationnels, les potentialités économiques, intellectuelles et le poids de leur peuplement sont si forts qu'ils sont en mesure de se construire un tout autre avenir que celui d'une vitrification réciproque pour cause de haine ancestrale. Les deux Etats ont fait la preuve qu'ils peuvent accéder à la modernité en parvenant à maîtriser la technologie nucléaire. Il leur faut maintenant orienter le génie créateur de leurs peuples respectifs vers des conquêtes plus pacifiques et plus gratifiantes pour ceux-ci. Sur cette voie, il faut reconnaître que l'Inde a pris des distances sur son voisin pakistanais. Le pays de Gandhi et Nehru n'est plus assurément le triste symbole de la misère humaine absolue. Il s'est forgé une puissance technologique et industrielle qui, par une croissance soutenue, l'a propulsé dans le club des «grands» de ce monde. Et ce qui est particulièrement remarquable dans le cas de l'Inde, c'est que ce pays est parvenu à corriger ses erreurs, à opérer des mutations en préservant le cadre démocratique de son fonctionnement. Le Pakistan, le «Pays des purs», est loin d'égaler les performances de son «frère ennemi». Ce ne sont pas les atouts qui lui manquent. Sa grande faiblesse est que le régime démocratique dont il s'est doté à sa naissance a été tantôt dévoyé par des dirigeants corrompus et clanistes, tantôt remisé au placard par des coups d'Etat militaires dont les promoteurs s'avèrent aussi incompétents dans l'exercice du pouvoir que les civils qu'ils chassent. A force d'incurie de ses dirigeants et leurs promesses jamais tenues, ce pays est aujourd'hui au bord d'une implosion qui, dans le contexte international et régional actuel, peut véritablement entraîner le monde dans l'abîme.