Algérie

Immigration, nationalisme et sélection



Le prétexte identitaire Chaque fois qu’un Européen, un Français généralement, d’origine maghrébine, commet un acte condamnable, à l’extrême un attentat, la presse occidentale rappelle, nous renvoie à la figure dirons-nous, en des termes culpabilisants, souvent humiliants, qu’il s’agit d’un Arabe maghrébin. Pas une fois en revanche, elle n’oublia (par exemple) de rappeler que Zidane était Français, de peur que nous nous y trompons dans notre enthousiasme, ravisant d’esprit aux Français un bien devenu national, un trophée de leur civisme -peu s’en fallait cependant qu’elle liât son coup de tête mémorable à son origine-, en pensant que s’en était fini de lui; mais elle avait là déjà beaucoup à perdre (heureusement pour Zizou). L’immigré magrébin devenu Français, quand il est pauvre, chômeur, désespéré ou radicalement replié sur cette virtualité face à la nausée des positions changeantes à son égard: son identité d’origine, ou encore sans cesse reconnu étranger par son seul nom, cet immigré-là vit mal son changement de pays ou de nationalité. Au moindre faux pas, on lui rappelle son origine. A la moindre crise en terre d’accueil, il est montré du doigt. Aurait-il encore quelque chose à donner, à moindre salaire comme le furent autrefois ses parents (jusqu’à l’exploitation), aurait-il un talent exceptionnel qui rayonnerait sur son nouveau pays, l’immigré maghrébin serait (sauf concours de dernière circonstance) Français-français, ou plus généralement Européen-européen; et son nom ne serait qu’un accident qu’il faille peut-être transformer un tant soit peu afin que tout soit à la hauteur de son talent. Le chômage connaît ses plus grands taux dans les zones où niche une immigration africaine, généralement maghrébine; presque la totalité des chefs d’entreprises ne daignent même pas jeter un regard de plus sur la candidature d’un demandeur d’emploi portant un nom arabe; pendant ce temps, les pensionnaires des prisons françaises sont à 70 pour cent, dit-on, des étrangers (on n’en fera pas le comptage par origine). Terrible! A la veille des échéances électorales surtout, la question identitaire et la question de l’immigration, toutes deux liées, sont remises sur le tapis, amplifiées, redéfinies selon les visées politiques de chaque parti. En France par exemple -et dans l’esprit de ce que nous avons annoncé plus haut-, des candidats comme Nicolas Sarkozy semblent vouloir réglementer à la réception ce qui existe déjà dans la réalité de ces immigrés: instaurer un système d’immigration sélective. Cela induirait, à ne pas s’y tromper, non seulement des pratiques inhumaines dans le choix parmi ceux qui viendraient frapper aux portes de la France mais aussi un renforcement de cette tendance à distinguer le bon du mauvais immigré. Cela voudrait-il surtout dire que la France ne serait terre d’»accueil» que pour ceux qui la serviraient? Auquel cas nous revoilà repartir à zéro, c’est-à-dire: «Partage ma merde avec moi si tu veux, mais pour l’aisance, tu n’as ni la gueule, ni la bonne culture ni le nom pour le faire!» Evidemment, chaque gouvernement est en droit de contrôler le flux migratoire vers son pays. En droit aussi de se poser des questions sur l’identité de sa nation (le «Qui sommes-nous?» semble s’emparer perversement des nationalistes européens et américains ces derniers temps). Mais n’y aurait-il pas là, ce faisant, au niveau du discours des politiques (et de leurs penseurs-relais), une utilisation dangereuse de la notion d’identité nationale? Ils donnent l’air de se réveiller d’une désillusion. Se trouvant menacés par des effets pervers de la mondialisation qu’ils ont eux-mêmes initiée, ils se mettent à vouloir se débarrasser de tout ce qui ne leur rapporte plus. Alors la solidarité, la qualification professionnelle, le logement, la lutte contre la contrefaçon, la sécurité sociale et l’immigration sont reliés de façon à rendre responsable cette dernière des carences dans les autres secteurs. Nous trouvons que non seulement la crise économique et sociale de ces pays n’est pas du fait de l’immigration (évidemment) et que le métissage, du moins le brassage ethnique graduel, est un phénomène qui ira inexorablement en s’accentuant, mais aussi qu’il est immoral que tous ces gens, attirés hier certes par l’abondance de ces pays mais surtout par leurs valeurs humanistes, soient tout d’un coup considérés très ouvertement selon des valeurs autres, rétrogrades, au nom d’une certaine sécurité ou d’un certain pragmatisme politique. Qu’on ne s’étonne pas si des immigrés, désorientés, doutant, à juste titre, de la volonté non discriminatoire et démocratique des gouvernants de leur pays d’adoption, se cherchent, dès lors qu’ils y voient un signe encourageant, une nationalité berbère ou kurde ou encore de nubien, c’est-à-dire en s’appuyant sur ce qui les démarquerait de l’Arabe ou de l’Africain déjà honnis et qui les rendrait objet (un temps) d’une sympathie -fût-elle douteuse. Loin de l’Europe, dans de nombreux pays, des ethnies différentes trouvent dans la misère ou l’instabilité politique des conditions qui exacerbent leurs oppositions et les détournent des vraies solutions. Là où elles trouvent intérêt, les superpuissances attisent ces oppositions jusqu’aux conflits armées, ouvrant des brèches dans des régimes, dans des aires géographiques, qui viseraient à faire exploser les premiers et à avoir une mainmise sur les richesses des secondes. On injecte son «venin», on pose sa «bombe à retardement» des divisions entre ethnies, puis on reprend son discours d’humanitaire ou de gardien de la paix et de la justice, pendant que ce qu’on a semé emporte de ses ravages ceux qu’on considère comme des déchets humains. La situation en Irak est dans ce sens édifiante, car là tout donne l’air maintenant que, pour les patrons de guerre, la vie de ceux qu’on a amené à s’entretuer est sans importance, qu’ils soient Chiites, Sunnites, Kurdes ou ces «Presque Américains» parmi les Américains, tant qu’ils participent tous à alimenter de leur vie l’enfer du désordre que ces patrons voudraient fécond. Et tout autour de nous, ce qui mettent les voiles ou y aspirent au risque de leur vie parfois, ont-ils reçu en biens et en droits ce qui leur ferait sentir qu’ils sont chez eux? Sans doute pas, pour qu’ils aient préféré d’être d’un Ailleurs pour de vrai. Au moment où des profiteurs en quête de couverture et des responsables douteux se gargarisent d’un discours nationaliste avec lequel ils écrasent les petites âmes des écoliers mais en qui, en réalité, personne ne croit plus.
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