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«Il faut abolir la TAP et alléger les procédures»


«Il faut abolir la TAP et alléger les procédures»
Lies Kerrar, économiste et président du cabinet d'expertise Humilis Finance, analyse dans cet entretien les effets négatifs qu'exercent certaines taxes et procédures fiscales sur la compétitivité des entreprises locales et sur le développement d'une industrie nationale.- Avec la chute des revenus pétroliers du pays, le gouvernement est désormais tenu de miser sur la production locale. Pensez-vous que les procédures fiscales en vigueur soient propices à favoriser la compétitivité des entreprises 'Il y a beaucoup de travail à faire, tant au niveau de la fiscalité qu'au niveau des procédures et du temps consacré à payer ses impôts. La première chose est d'abolir la taxe sur l'activité professionnelle (TAP). Les raisons sont évidentes : la TAP, comme impôt en pourcentage du chiffre d'affaires, est une contrainte de taille empêchant tout plan d'action de formalisation de l'économie, ainsi que tout plan d'action de développement industriel avec un tissu de sous-traitance. En effet, la TAP est un frein au développement de l'industrie et de la sous-traitance.Une industrie ne peut se développer que si les filières et les réseaux de sous-traitance existent. Or, avec la TAP, en pourcentage du chiffre d'affaire, à chaque fois qu'un industriel sous-traite localement, il augmente son coût du pourcentage de la TAP. La réalité des tissus industriels est caractérisée par un tissu de sous-traitants, un sous-traitant ayant lui-même des sous-traitants.Une taxe sur le chiffre d'affaires crée un phénomène de taxes en cascade sur la chaîne de sous-traitance. Ainsi, un industriel qui sous-traite localement perd sa compétitivité, si la TAP est maintenue ou même réduite. Il est impossible d'escompter un développement industriel avec un tissu de sous-traitance si la TAP en pourcentage du chiffre d'affaires est maintenue ou réduite. D'autre part, l'élimination de la TAP (et non sa réduction) nous permettra de remonter dans la partie «Paying taxes» du Doing Business.Aujourd'hui, notre mauvais classement en termes de fiscalité est principalement dû à la TAP (71,9% de « tax on profit» selon la définition de l'indice). L'élimination de la TAP nous ramènerait à un taux de l'ordre de 38%, qui nous mettrait à un niveau comparable avec la moyenne de l'Europe et Asie centrale. Néanmoins, nous resterions encore au-dessus de la région MENA (qui comprend les économies quasiment défiscalisées du Golfe).- Les producteurs locaux sont-ils soumis, selon vous, à une pression fiscale trop contraignante 'Les producteurs formels, oui. Pas seulement en montant d'impôts à payer. Mais aussi par le temps consacré aux procédures administratives. D'autre part, les producteurs locaux dans beaucoup de secteurs, même s'ils sont formels, sont obligés de composer avec des réseaux de distribution qui sont eux informels. Nous devons nous atteler à réformer la fiscalité pour permettre une plus grande formalisation.- Les nouvelles incitations fiscales annoncées par le gouvernement, en l'occurrence des baisses sur l'IBS et la TAP, sont-elles suffisantes pour atténuer la pression fiscale sur les entreprises 'La baisse de la TAP n'apporte rien d'utile et ne permet pas d'éliminer les problèmes que cette taxe crée. La TAP doit être supprimée dans sa forme actuelle.- Quels ajustements fiscaux faut-il, selon vous, en priorité pour booster concrètement la production locale 'Nous n'avons pas d'autre choix que celui de créer des zones franches industrielles avec une administration indépendante (et de classe mondiale). C'est cela qui nous permettra de gagner un peu de temps et d'initier rapidement de la production locale. C'est ce que la Chine a fait au début des années 1990, avec le succès que l'on connaît.Parallèlement, nous devons mener tous les chantiers de réforme de l'administration. Mais, il faut être réaliste. Nous ne pouvons attendre que l'administration se réforme pour pouvoir produire. Ce sera trop tard. Notre retard est déjà considérable en développement industriel. Nous devons créer maintenant des «îlots de compétitivité», des zones franches, qui joueront le rôle de pilotes dans les réformes.


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