Algérie - A la une

Quand les tracasseries admistratives tuent l'impôt



Quand les tracasseries admistratives tuent l'impôt
Faire des contribuables des citoyens conscients de leurs devoirs et engagements et asseoir le concept de citoyenneté fiscale,leur ferait prendre conscience de leurs droits et aboutir à faire des administrateurs à tous les niveaux de l'Etat, des mandataires comptablesde leur gestion envers leurs administrés.Mardi, jour de réception à l'inspection des impôts de Didouche Mourad. Dès l'entrée, ce message qui se veut incitatif pour tout bon contribuable : «Vos impôts pour le bien-être des générations futures.» Pourtant, ce n'est pas au confort que l'on pense lorsqu'on est chez le percepteur, mais plutôt aux contraintes, à la douloureuse à venir, ceci d'autant que dans la salle d'attente, des bancs métalliques sont destinés à accueillir ceux qui auront assez de «courage» pour s'aventurer dans les méandres de l'administration fiscale.Les deux agents devant filtrer les entrées aux locaux de l'inspection sont rarement apostrophés par les quelques passages de contribuables aux prises avec les sempiternelles démarches administratives qui occupent tout de même les agents du fisc. Car il faut le dire, comme ailleurs, et peut être un peu plus dans notre pays, on ne se bouscule pas au portillon.Pourtant, certains ont fini par être conditionnés, à l'image de Mohamed, ce jeune trentenaire, comptable de formation, mais qui s'est recyclé en gérant de cybercafé. Loin d'avoir le pouvoir d'infléchir une quelconque politique, ce tout petit contribuable a fini par s'adapter à la réalité et aux tracasseries au quotidien, même si au fond il s'étonne toujours du gap entre les discours et les annonces enjôleuses et leur application bien tangible.C'est ainsi que ce porteur de projet ayant «bénéficié» du dispositif CNAC nous confie qu'il a fait l'erreur de penser que le procédé induisait de fait des exonérations fiscales automatiques. Celui qui reconnaît avoir bien bénéficié des franchises de TVA pour l'acquisition de son matériel, précise toutefois que pour sa première année d'exploitation, il a bien dû déclarer un revenu et s'est vu imposer par le fisc. N'ayant pas prévu le coup, le jeune commerçant s'est retrouvé avec une dette fiscale et a été contraint de négocier un échéancier, d'où les multiples allées et venues à l'inspection.On a péché par manque de communication me diriez-vous. Malheureusement, la Com ne semble pas être le fort des administrations en général, et les procédures, notamment avec l'administration des impôts peuvent mener sur un véritable chemin de croix. Alors que faire ' Mohamed pense dans ce cas qu'il faut s'armer de patience et ne surtout pas perdre son sang-froid, car ajoute-il, il faut prendre en compte la psyché de son vis-à-vis dans l'administration, jouer au bout la modestie et feindre l'ignorance afin de gagner les bonnes grâces de l'agent du fisc et bénéficier de sa clémence. Une aberration ' Plutôt une norme propre aux administrations algériennes.Une exception algérienneMohamed pense cependant, que souvent les contribuables algériens pèchent par leur méconnaissance totale du système fiscal et se trouvent de fait piégés dans un labyrinthe de procédures. Il est cependant loin de s'extasier face aux mesures annoncées par le gouvernement et destinées à réduire la pression fiscale, lui qui détient un registre du commerce physique. Le «chef d'entreprise» qui laisse vite le comptable s'exprimer sur la question, se dit à moitié enchanté du projet de réduction de taxe sur l'activité professionnelle, mais estime que ce genre de mesure est loin de suffire à lever les contraintes sur le contribuable.Le «promoteur» CNAC précise dans ce sens que les plus gros ennuis, auxquels doivent faire face les entreprises dans le régime de déclaration au réel, sont liés à la taxe sur la valeur ajoutée, plus précisément au précompte TVA. Il explique ainsi que la sphère commerciale étant ce qu'elle est, il est devenu quasi impossible d'obtenir des factures auprès des fournisseurs et de bénéficier de la TVA déductible.Les entreprises sont bien obligées de payer les 17 % de TVA rubis sur l'ongle, ce qui peut d'ailleurs justifier, pour notre interlocuteur, l'attrait de la constitution de registre du commerce physiques -lesquels constituent d'ailleurs plus de 90 % des commerçants recensés par le CNRC- ainsi que de la déclaration sous le régime forfaitaire unique dans lequel le contribuable n'est au final astreint qu'à quatre paiements annuels eu lieu de 25 dans le réel. Mais pas que.Mohamed avoue avoir pensé aux complications qui seraient induites par la dissolution de son affaire s'il avait opté pour les statuts de Eurl ou de Sarl. Drôle d'idée de penser à la dissolution de son entreprise avant même sa constitution ! C'est une exception bien algérienne dira-t-on. Et puis l'ampleur des tracasseries administratives justifie-t-il que l'on accepte d'être taxé sur le chiffre d'affaires au lieu du bénéfice effectivement réalisé, lorsqu'on sait que dans tous les pays du monde on considère que l'imposition sur le chiffre d'affaires est injuste ' A moins que de l'autre côté, on trouve son compte et qu'on prenne quelques libertés avec les déclarations d'impôts? un phénomène qui révèle l'ampleur qu'a prise l'informel qui s'invite même dans des activités très formelles.Est-il légitime de tricher 'Certains ne s'en cachent plus et se justifient même, estimant que c'est ça le marché algérien. C'est le cas de Zoubir, ex-cadre moyen à la retraite, qui a décidé de se reconvertir ? il ne faut pas s'en étonner ? dans le commerce de fruits et légumes. Armé de la sérénité qui finit par régner sur les âmes résignées, passé le cap de la cinquantaine, il interagit avec les exigences de l'administration fiscale qu'il perçoit comme parfois fantaisistes, ou simplement justifiées par un excès de zèle de la part de certains agents.Celui qui a entamé son activité voilà une semaine est toujours poursuivi par les assauts du fisc qui lui exige tantôt de compléter un formulaire, tantôt de produire un extrait de naissance n°12 délivré en 2015, le forçant à chaque fois à faire un crochet par les services de l'état civil. Encore heureux, précise-t-il, qu'il puisse compter sur un parent pour tenir la boutique, en son absence, autrement dit il n'est pas sûr d'être aussi zen.Quoi qu'il en soit, rien ne saurait affecter la joie de se mettre à son compte après plus d'une vingtaine d'années de bons et loyaux services au sein de la fonction publique, même s'il se montre effarouché par les pratiques qui minent le commerce de fruits et légumes, notamment au sein des marchés de gros. «C'est l'anarchie, s'exclame-t-il, et le cash est roi». Le nouvel arrivant commente d'ailleurs le fonctionnement d'un lieu où on ne s'étonne plus de voir des marchands cacher des fortunes en liquide sous des haillons souillés, un peu comme pour mieux les dissimuler des regards indiscrets du fisc notamment.Aussi s'il montre quelque répugnance envers ses congénères, Zoubir ne se sentira certainement pas aussi gêné à reproduire certains de leurs modes de fonctionnement, surtout lorsqu'il s'agira de payer les impôts. L'ex-fonctionnaire pense qu'après avoir été ponctionné à la source pendant plus de vingt ans, c'est aujourd'hui à son tour de profiter du système. Il estime que c'est même légitime de tricher, lorsqu'on pense aux «oligarques qui se sont installés au sommet de l'Etat, et qui n'hésitent pas à se sucrer sur le dos du contribuable».Autre spécificité algérienne : considérer qu'il est permis de tricher, même de voler du moment que le mal est partout, la malhonnêteté des uns justifiant le manque de probité, voire la voracité, des autres et vice versa. Autrement, faire des contribuables des citoyens conscients de leurs devoirs et engagements et assoir le concept de citoyenneté fiscale, leur ferait prendre conscience de leurs droits et aboutir à faire des administrateurs à tous les niveaux de l'Etat, des mandataires comptables de leur gestion envers leurs administrés.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)