Algérie

Hommage : Raconter Miguel Arraes



Miguel Arraes, opposant brésilien au régime dictatorial, vécut à Alger de 1965 à 1979. Il retourna dans son pays au bénéficie de l’amnistie et continua son combat à la tête du Parti socialiste brésilien. Il est mort au mois d’août 2005.

Il aurait eu 90 ans exactement aujourd’hui. Hommage à un homme d’exception. Combien est-il difficile de raconter Miguel Arraes, l’homme, le grand homme, le militant, le grand militant et aussi par dessus tout le seigneur des idées, de la rectitude et de la passion pour son peuple. Le raconter dans ces lignes, c’est d’abord marquer d’un devoir de mémoire ; c’est accomplir ensuite un acte de foi ; c’est enfin témoigner d’une profonde amitié qu’il réserva à l’Algérie et aux Algériens. Dans les tourments qui furent ceux du Brésil, ceux aussi des années 1960-1970, où le romantisme révolutionnaire guidait les consciences du Tiers-Monde et les « damnés de la terre », selon Frantz Fanon, dans ce tumulte où la dignité tenait lieu de rang absolu, Miguel apportait sa touche, sa réflexion et sa profondeur d’analyse. Loin d’être un excité, il fournissait dans les discussions, ô combien multiples, la voie de la raison et le poids de l’expérience. Sa sensibilité aux problèmes du monde, aux affres du sous-développement, son combat pour les valeurs de la démocratie ont fait de lui dans « Alger des idées et du combat libérateur », cette « Mecque des révolutionnaires », selon Amilcar CabraI, l’homme dont on écoutait religieusement les conseils ou les avis avec cette voie rocailleuse et cette cigarette pendante qui faisait son atypisme dans le bruit des débats. Miguel avait aussi cette pudeur et cette humilité qui impressionnaient ses amis. Il ne s’est jamais départi de ces qualités-là qui faisaient de lui le militant soucieux que venaient visiter tous les leaders de la lutte anticolonialiste de passage à Alger, principalement ceux des ex-colonies portugaises.Mais Miguel au-delà de ce devoir militant n’avait de cesse que de travailler pour le retour du Brésil dans la normalité démocratique. Dans ses veines, dans l’exil difficile, même s’il fut amical et affectif, la passion du Brésil circulait chaque jour et chaque minute. Il se voulait à l’écoute de son peuple, anxieux parfois, mais déterminé toujours. Il diffusait la grandeur. Le recevant à Alger le 1er Novembre 1984 au 30e anniversaire de la révolution algérienne et où il était l’invité d’honneur, Miguel ne s’est pas départi de ses espérances et du combat pour un monde meilleur. Il adorait les échanges fructueux ; il discutait durant ce séjour et longuement avec maître Vergès, l’infatigable avocat des causes justes ; avec également le professeur Cheikh Anta Diop, opposant sénégalais à l’époque et mondialement connu dans l’anthropologie pour sa découverte du « Carbone 14 ». Tout tournait sur le monde de demain, sur les inégalités, sur les souffrances et sur la décolonisation. Avec ce credo que l’on ne peut détruire et qui s’inspirait de la fameuse phrase du « Che », du Guevara de la lutte anti-impérialiste : « On peut tout nous reprocher sauf de notre obligation d’être aux côtés des opprimés. » Brièvement conçu, cet hommage se veut modeste contribution au « devoir du souvenir » à l’égard de Miguel, l’homme dont le cœur était dessiné à l’image du tracé des frontières du Brésil, un homme qui fut soutenu dans ce dur combat par une femme d’exception, son angélique épouse qui mérite toute la reconnaissance de la terre pour son rôle, sa discrétion et son aura. Tous les deux ont laissé ici à Alger un panthéon d’estime, de reconnaissance et d’amitié. Gloire à toi, Miguel, les justes ne meurent jamais.




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