Algérie

En quête d'un cadre réglementaire spécifique


Le second Forum islamique de la finance islamique (FI) tenu à  Alger en 2009 l'avait déjà relevé et une année plus tard, sa 3e édition (organisée la semaine dernière à  Alger) a refait le même constat. Un retard qui semble pénaliser même l'extension du réseau bancaire puisqu'il semble que certaines banques étrangères bien que souhaitant ouvrir des agences dans certaines villes de l'intérieur du pays, ont dû différer ce projet tant qu'elles n'ont pas de produits bancaires islamiques à  proposer à  la clientèle locale. Une condition elle-même subordonné à  la mise en place d'un cadre réglementaire qui prenne en charge les spécificités de la FI, nous dit-on. Actuellement, et mis à  part Al Baraka Banque, Salam Banque Algérie, Salam Assurance Algérie et Algeria Gulf Bank (cette dernière propose des produits bancaires islamiques à  la demande des clients), le marché de la FI en Algérie demeure quasiment vierge.
D'ailleurs, Al Baraka qui en détient 95% de part de marché avec des actifs de 100 milliards de dinars ne représentait en 2009 en matière de collecte de ressources que 1% par rapport au marché global et une part de 15% dans le secteur bancaire privé. En matière d'octroi de crédit, la même banque ne représente que 2% du marché global et 17 % du secteur privé. Loin de remettre en cause la volonté politique en matière de développement de la FI,  Nacer Hider, secrétaire général à  Al Baraka Banque, estime que c'est «un problème d'habitude» dans la gestion et le fonctionnement du marché financier. En fait, «le système bancaire algérien demande à  àªtre développé dans son ensemble. Dans une dynamique de développement des instruments bancaires et financières, on pourra reconnaître ce besoin de la FI», dit-il.    Ça bouge ailleurs S'il ne s'agit pas de présenter la F.I. comme une solution miracle à  tous les maux de la finance, force est pourtant de reconnaître que ce modèle suscite de plus en plus d'intérêt et d'attrait dans le monde occidental. La FI a fait ses preuves à  travers sa résilience face à  la dernière crise financière au moment où les banques et établissements financiers conventionnels s'écroulaient comme un château de cartes. Difficile pourtant de dire s'il s'agit d'une curiosité conjoncturelle ou d'un intérêt s'inscrivant dans la durée.
En France par exemple, «la FI a été maturée avec la crise financière, mais depuis que la finance conventionnelle a retrouvé un second souffle, on traîne les pieds», relève Zoubeir Ben Terdeyet, directeur Isla Invest. Cela dit, les autorités françaises ont promulgué récemment une instruction fiscale afin de conférer aux produits financiers islamiques le même statut que ceux de la finance conventionnelle, qu'ils soient traités équitablement.
En Algérie, le cadre réglementaire existant n'empêche pas l'ouverture d'établissements financiers islamiques, mais il ne les reconnaît pas non plus en tant que tels. «Les autorités monétaires admettent l'existence de la FI, mais les opérations islamiques sont considérées comme les autres opérations de la finance conventionnelle», déplore M. Hideur. Une situation qui limite considérablement le champ d'action des banques islamiques. C'est notamment le cas pour l'émission de Sukuk qui, selon notre interlocuteur, «ne sont ni des actions ni des obligations». «Pour en émettre, explique t-il, c'est difficile, car la Cosob (commission d'organisation et de surveillance des opérations en Bourse) ne peut pas apposer son visa sur des émissions qui n'ont aucun ancrage juridique. Il faut un ancrage légal qui reconnaisse la valeur représentative d'un droit de copropriété d'actifs réels immobiliers ou mobiliers ou une participation financière qui confère au souscripteur la qualité de quasi-actionnaire capable de percevoir des rémunérations variables ou de supporter les éventuels risques».   Selon le directeur général de la COSOB, Nordine Smail, cette question a «été étudiée à  deux reprises déjà, mais c'est un sujet qui mérite d'être approfondi. Le marché financier n'est pas assez développé».   Les carences du cadre juridique existant Malgré les entraves, «jusque là, nous avons pu concilier les principes de la Charia avec les exigences règlementaires existantes et cela n'a pas empêché l'émergence de produits bancaires islamiques au prix cependant d'une dichotomie entre nos pratiques internes et ce qui est reconnu par les autorités monétaires», admet M. Hideur qui cite quelques exemples de ce décalage entre la réglementation existante et les spécificités de la FI. «Nous ne pouvons pas accéder normalement au marché monétaire pour nous refinancer en raison des taux d'intérêt qui sont pratiqués. Nous avons donc été obligés de trouver des solutions alternatives avec la Banque d'Algérie afin qu'elle puisse reprendre nos excédents de liquidités et nous prêter les mêmes montants en cas de besoins de refinancement». S'agissant des dépôts bancaires des clients, dans la FI, «ce sont des comptes d'investissement qui en contrepartie de l'acceptation du déposants de partager le risque d'investissement, ouvrent droit à  une rémunération variable. Or, la loi bancaire ne prend en charge du point de vue juridique que le dépôt bancaire classique».
En matière d'assurance, l'assurance Takaful «est basée sur le principe de la séparation entre la société de gestion et le fonds mutuel dont l'excédent revient aux adhérents. Cette séparation n'existe pas dans le cadre règlementaire existant», explique le représentant d'El Baraka. Aujourd'hui, dit-il, «nous avons besoin d'un cadre qui reconnaisse les spécificités de la FI pour qu'elle puisse àªtre pratiquée conformément à  ses paradigmes et ses principes. Selon lui, il y a différent régime d'encadrement de la FI. Des pays ont opté pour des lois spécifiques régissant la FI comme le Liban ou la Syrie, alors que d'autres ont opté pour une seule loi bancaire avec des dispositions concernant les établissements financiers islamiques. «C'est le type de système qui peut àªtre appliqué en Algérie avec des dispositions spécifiques dans la loi existante reconnaissant la FI comme métier qui a ses particularités», estime-t-il.  Pour les acteurs de la FI en Algérie, il est maintenant temps de passer de la phase de «tolérance et d'admission à  celle de la reconnaissance formelle et juridique ».

 
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