Algérie

Elu président du Paraguay Un ex-évêque met fin à 61 ans d´hégémonie des «Colorados»




Une élection historique pour le Paraguay : le 20 avril, un ex-évêque est élu à la présidence du pays, mettant fin à 61 ans d´hégémonie politique et gouvernementale du parti «colorado». Il s´agit de Fernando Armido Lugo, suspendu de ses fonctions sacerdotales par le Saint-Siège, qui ne tolère pas la participation de ses cadres religieux à la vie politique dans les pays où ils exercent. Qu´importe ! L´évêque Lugo opte pour l´engagement social par la voie politique pour mieux combattre, pense-t-il, la pauvreté qui touche plus de 42 % de la population paraguayenne.Quelque 60 % des 2,9 millions de Paraguayens en âge de voter ont contribué au changement historique. 41 % des suffrages sont allés à Fernando Lugo alors que la candidate du parti «colorado», Blanca Ovelar, n´obtient que 31 %. En troisième position apparaît un général, Lino Oviedo, avec 21 %. La loi électorale ne prévoit qu´un tour pour les élections qui se définissent donc à la majorité relative. Le Paraguay compte une population d´environ 6,8 millions auxquels il faut ajouter 1,5 million d´émigrés en Argentine et un grand nombre en Espagne et aux Etats-Unis qui ne peuvent voter en dehors du territoire national. De différentes sources on estime que 220.000 Paraguayens ont émigré ces cinq derniers années, tant du fait de la pauvreté que du chômage et du sous-emploi (35 %).Ancien ministre de l´Education nationale, Blanca Ovelar avait bénéficié de l´appui de l´appareil du parti «colorado», et du président sortant Nicanor Duarte Frutos qui ne se résignait pas à une défaite de sa famille politique annoncée par tous les sondages. Il est vrai que les «colorados» ont régné sur le pays pendant six décennies sans discontinuité. Au nom de ce même parti, le général Alfredo Stroessner avait installé sa dictature de main de fer pendant trente-cinq ans (1954-1989).L´autre candidat malheureux de ces élections est un général haut en couleurs, Lino Oviedo. Agé de de 64 ans, d´origine paysanne, il avait tenté en 1994 un coup d´état qu´il ne put mener à bien, terminant en prison. Commandant en chef de l´armée de terre, il fut l´officier supérieur qui intima l´ordre de reddition au dictateur Stroessner. Sa popularité en milieu rural ne fut pas suffisante pour le propulser au sommet de l´Etat.Le parti colorado dont le véritable nom est «association nationale républicaine» (ANR) et le parti libéral radical (opposition) dominèrent, le long du siècle passé, la vie politique du pays où la corruption et la contrebande furent des institutions selon les Paraguayens.. Le changement ne pouvait venir qu´en dehors de ces partis. L´apparition de l´évêque Lugo ne fut pas un hasard. Paraguayen de modeste origine, né le 30 mai 1951, il est ordonné prêtre en 1977. Il sera missionnaire pendant cinq ans en Equateur où il découvrira la théologie de la libération, un courant progressiste né dans les années 60 prônant de profonds changements sociaux. Il avait à peine 42 ans lorsqu´il est élevé à la dignité d´évêque et envoyé dans le diocèse de sa ville natale, San Pedro de Ycuamendiyu, dans la région la plus déshéritée du pays. Sa communion avec ses compatriotes lui valut le titre d´»évêque des pauvres». En 2005, il présentera sa démission au pape Jean-Paul II et se lancera dans le militantisme politique. En mars 2006, il mobilisera 40.000 personnes pour protester contre le pouvoir en place, celui de Nicanor Duarte Frutos. En 2007, il met fin à sa carrière ecclésiastique pour se mettre à la tête de l´opposition, fondant un parti, l´Alliance patriotique pour le changement, (APC). Neuf partis de gauche principalement, y compris le vieux parti libéral radical, et une vingtaine de mouvements associatifs de différentes tendances idéologiques se joignent à l´APC.. Entre-temps, le Saint-Siège confirme la suspension «a divinis» de Lugo, lui retirant toute autorité religieuse. Mais pour l´ex-évêque des pauvres, le nouveau sacerdoce avait une couleur socio-politique laïque incontournable...Le leitmotiv de la campagne de Lugo fut »la foi dans le changement» avec deux objectifs fondamentaux : mener une réforme agraire et reviser les accords relatifs à l´exportation de l´électricité au Brésil et à l´Argentine. Au Paraguay, 80 % des terres appartiennent à 2 % de la population. 30 % du paysannat ne possède pas de terre alors que 40 % des paysans sont propriétaires de moins de cinq hectares. Le programme du nouveau chef de l´Etat, qui assumera à la mi-août, est de promouvoir une redistribution des terres plus équitable alors que la surface totale cultivée serait de dix millions d´hectares. Selon le Conseil latino-américain des sciences sociales, le quart de cette superficie aurait été consacré à la culture du soja destiné à l´exportation pour des raisons spéculatives au détriment, semble-t-il, des besoins de la population locale.L´autre cheval de bataille du président élu sera la révision des accords binationaux signés avec l´Argentine et le Brésil et qui traitent de l´énergie électrique produite par deux immenses barrages hydro-électriques, ceux d´Itaipu et de Yacireta. Le Brésil consomme 95 % de la production électrique du barrage d´Itaipu, correspondant aux 20 % des nécessités brésiliennes. Quant à l´énergie fournie par le barrage de Yacireta, 98 % de la production est destinée à l´Argentine. Lugo souhaiterait revoir à la hausse le prix payé au Paraguay par ses partenaires pour la quantité qui devrait revenir au Paraguay en sa qualité de co-propriétaire.Le produit intérieur brut du Paraguay a triplé au cours de la dernière décennie atteignant, en 2008, le montant de 9,3 milliards de dollars. Avec peu de ressources minières sur un territoire de 406.750 km², sans débouché maritime, le pays se consacre principalement à l´agriculture, au commerce, tout en espérant mieux rentabiliser son exceptionnelle production hydro-électrique qu´elle partage avec le Brésil et l´Argentine.«Je ne suis ni de gauche ni de droite, je suis Paraguayen» déclara le Président élu Fernando Lugo qui s´empressa de rassurer l´opinion publique en affirmant qu´il n´y aura pas de chasse aux sorcières, pensant, bien entendu, à la classe politique sortante accusée de tous les maux et surtout d´avoir institutionnalisé la corruption. Le vice-président élu, Federico Franco, d´origine radicale, a sans doute exprimé le sentiment général en affirmant que le Paraguay se sent proche des options de centre-gauche des gouvernants actuels de l´Argentine, du Chili, de l´Uruguay, n´étant pas prêt pour le socialisme de style vénézuelien. Mais toute l´Amérique latine s´est identifiée avec l´image d´un Paraguay qui devrait enfin se pencher sur ses problèmes socio-économiques.


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