Algérie

De l'efficacité de la dépense publique et de la croissance économique en Algérie



De l'efficacité de la dépense publique et de la croissance économique en Algérie
Le débat économique s'emballe en Algérie sur l'efficacité de la dépense publique, le modèle de croissance et les perspectives de diversification. D'un côté, il y a les jeunes loups comme les nombreux nouveaux consultants, les économistes de Nabni, la vaste majorité de notre intelligence expatriée, qui à coups d'équations économétriques et d'analyses comparatives montrent que les quelques points de croissance économique nous ont coûté plus en input que les outputs réalisés.D'un autre côté, nous avons des points de vue diamétralement opposés qui proviennent de deux sources : quelques hauts cadres dirigeants publics et les économistes de la vieille garde : ceux qui nous prédisaient que le socialisme allait faire le bonheur des Algériens. Leur analyse est simple. L'Algérie commence à renouer avec la croissance à partir de l'année 2000. Les taux de croissance hors hydrocarbures se situent entre 4 et 6%. Par ailleurs, nous avons construit des infrastructures qui vont faciliter la diversification et la croissance économique. Même si on pouvait faire mieux, on a déjà bien fait. Aussi, on est aussi en train de corriger les erreurs du passé : on construit des écoles spécialisées et on réalise des partenariats qui vont propulser nos ressources humaines au niveau souhaité. Nous sommes sur la bonne voie, il suffit de garder le cap. On n' a pas besoin de mutations révolutionnaires.C'est Paul Krugman qui a, le premier, identifié les erreurs de raisonnement des ex-économistes socialistes. Ses remarques s'appliquent exactement aux analyses menées par la vieille garde en Algérie. Leur raisonnement devient une culture qu'ils n'arrivent pas ? et peut-être n'arriveront jamais ? à s'en défaire. Elle consiste à glorifier l'output et minimiser l'input. Je prends un exemple : supposons que la croissance économique est passée de 1% à 6% hors hydrocarbures (HH) en Algérie. Nous avons gagné 5% de croissance. A quel coût ' Ils ne le disent jamais. Or, le coût est anormalement élevé. Il est de plus de 20% du PIB HH.En Chine, lorsque le gouvernement injecte 1% du PIB, l'économie fabrique 3% de croissance. Avec un dollar, la machine économique en produit 3. En Algérie, on injecte 4 dollars pour que l'économie produise 1 dollar. La différence part en restes à réaliser, malfaçons, sous-management de projets, pots-de-vin, etc. Nous sommes dans la situation d'un citoyen qui achète un téléviseur 4 fois plus cher que son prix normal, mais il est content juste par le fait qu'il a acquis ce téléviseur. Par exemple, les analyses économiques du FEMISE en France montrent que durant les quinze dernières années la productivité globale des facteurs décline dangereusement. La conclusion de ce centre de recherche est sans équivoque sur la période allant à 2013.L'économie algérienne affiche des résultats médiocresToutes les analyses scientifiques mondiales sur l'Algérie montrent la même chose : l'Algérie ne sait pas transformer sa rente en richesse durable. En fait, les économistes de la vieille garde nous disent que cela ne fait rien si on a injecté 500 milliards de dollars dans l'économie et qu'on a obtenu sur notre sol l'équivalent de 150 milliards d'infrastructures. Il faut continuer à faire la même chose. Le président de la République lui-même disait dans un discours qu'en dehors des hydrocarbures il n'y a presque pas d'économie productive (ou très peu). Et il araison ! Krugman fait la distinction entre une croissance extensive et intensive. La première est financée par une rente (cas algérien) ou un endettement externe. Elle est dangereuse, car elle est aléatoire et éphémère. La seconde est financée par les cash-flows (bénéfices + amortissements + provisions) des entreprises et des banques (cas de la Corée du Sud). Elle est durable. Or, nos analystes sont très heureux avec une croissance à 100% extensive. Le verdict de fond : Les indicateurs d'efficacitéEn plus d'occulter les inputs, nos analystes font fi d'un autre paramètre fondamental : le Benchmarking. Ils font des raisonnements en vase clos. Si on s'améliore de 1% et le reste du monde de 2% nous sommes en danger. Or, dans les paramètres-clés nous le sommes. La productivité chute en Algérie pour plusieurs raisons. Le reste du monde s'améliore de plus de 1% par an. Les exportations hors hydrocarbures qui sont un indicateur important de l'amélioration d'un pays chutent, alors que malgré la crise les échanges internationaux évoluent. La recherche et développement demeurent 10 fois inférieurs en rapport au PIB comparé aux pays émergents.Les indicateurs de compétitivité montrent que le pays régresse par rapport à la moyenne mondiale (base de données de l'INSEAD qui inclut plus de 120 ratios sur plus de 150 pays). On devient dangereusement de moins en moins compétitif. On régresse dans tous les classements internationaux. Pis encore, on se classe toujours dans le sillage des 10% de pays les plus mauvais en termes d'éducation primaire, secondaire et supérieure (voir travaux du Forum de Davos 2014). La tendance ne s'inverse pas. Ce n'est pas la construction de quelques écoles qui va changer quelque chose. Nous avons besoin d'un plan Marshall pour moderniser le management et la qualité de ces institutions, faute de quoi nous risquons une grave déchéance. On veut nous faire croire que malgré la sous-qualification des ressources humaines et le sous-management de nos entreprises et de nos institutions on était en train de réussir.Or, nous avons simplement dopé notre économie à coups de centaines de milliards de dollars pour obtenir une croissance coûteuse et éphémère. Les millions d'enseignants, de paysans, de travailleurs, de fonctionnaires et de jeunes sans-emploi savent tous et disent que le système économique est en panne malgré la bonne volonté et la mobilisation de ressources énormes des pouvoirs publics (ce qui dénote de leurs bonnes intentions). Mais nos citoyens ont des idées sur comment contribuer à le débloquer avec les experts et les décideurs publics.Nul pays ne peut se développer avec des cerveaux insuffisamment développés et des institutions sous-gérées. Si nous avions bien fait dans le passé avec ces attributs, alors nous aurions été une exception planétaire, une expérience unique dans le monde. Nous allons vendre des séminaires au monde entier titrés : «Comment se développer avec des ressources humaines sous-développées, des institutions sous-gérées, une hypercentralisation et une hyper bureaucratisation». Un proverbe algérien dit : «Il vaut mieux écouter celui qui te fait pleurer plutôt que celui qui te fait rire».La vaste majorité des chercheurs en économie du développement sont arrivés à la conclusion que le problème est surtout politique. On sait comment développer un pays. Les pays qui ont un système politique compatible avec le développement (cela ne veut pas dire forcément démocratique) se développent. Le reste est condamné aux affres du sous-développement quel que soit le volume des ressources mobilisées. Certes, pour le moment, la sécurité et la stabilité du pays sont prioritaires face aux risques géostratégiques énormes. Les citoyens ont d'abord le devoir de se souder politiquement et de faire barrage aux déstabilisations externes. Le problème du développement est un peu plus facile à régler.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)