Algérie

Corporatisme


Faut-il être médecin pour parler de l'état des hôpitaux etde la qualité des soins qui y sont administrés ? A l'évidence, non. Les usagerspeuvent, pour de très bonnes raisons, donner un point de vue sur le servicerendu, même s'ils ne sont pas au fait de toutes les données. Les médecins lecomprennent en général et ils ont tendance, à travers leurs organisationssyndicales, à conforter le jugement général que les choses laissent à désirer.Faut-il alors être magistrat pour parler de la magistrature,de la justice et de son indépendance ? La réponse est normalement non. Lajustice concerne tout le monde et les justiciables, tout comme les usagers deshôpitaux, de la poste ou de Sonelgaz ont aussi leurspropres appréciations sur la manière dont s'administre la justice.Maître Sellini Abdelmadjid n'a pas usé de périphrase récemment endéclarant que 80% des Algériens ne sont pas satisfaits de la justice et enévoquant le poids de la tutelle sur les magistrats. Un avocat, qui est enl'occurrence bâtonnier, peut légitimement avoir un avis sur le fonctionnementde la justice. Il en est un acteur essentiel. Dans ces propos, à moins d'unelecture très corporatiste, on n'a pas perçu une incrimination des magistratsmais la critique d'une situation. Les magistrats auraient pu y trouver unemarque de soutien de la part des avocats qu'ils côtoient chaque jour dans lespalais de justice.On comprendrait volontiers que la tutelle gouvernementalepuisse s'offusquer de ces déclarations, mais que les magistrats s'en indignentest beaucoup moins compréhensible. A plus forte raison dans la manière aveclaquelle cela est exprimé dans le communiqué du Syndicat national desmagistrats. Cela peut se résumer à un « vous n'avez pas le droit de parler desmagistrats », doublé d'une accusation véhémente sur les visées « personnelles »du bâtonnier. Une réplique corporatiste où les références à la Constitution et auConseil supérieur de la magistrature ne servent pas à apporter des éléments audébat mais à le clore. Voire à l'interdire, comme si tout allait bien dans lemeilleur des mondes dans le secteur de la justice.On suppose que les avocats connaissent la Constitution etqu'ils savent aussi qu'elle consacre officiellement « l'indépendance du pouvoirjudiciaire et du juge ». Le sujet ouvert par le bâtonnier ne porte donc pas surla Constitutionmais sur la distance entre ce qu'elle prévoit et ce qui se passe dans lefonctionnement réel de la justice.La réplique outragée du syndicat des magistrats botte entouche, elle contourne la question pour suggérer qu'il est le seul habilité àdéfendre les magistrats. Ce n'est pourtant pas l'objet du débat. Lecorporatisme ne peut empêcher les avocats et les citoyens d'avoir une opinionet un avis à partir de ce qu'ils vivent et de ce qu'ils constatent. Le syndicatdes magistrats peut avoir un avis contraire mais il n'a pas vocation àinterdire aux autres de parler de la situation des magistrats. Ils exercent unefonction essentielle pour tous et c'est pour cela que le thème del'indépendance de la justice à l'égard de la tutelle ne peut être le monopoledes magistrats.


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