Commentaire

Y aura-t-il un avenir arabe pour l’Irak ? Quel avenir pour l’Irak? Quel avenir pour la Ligue arabe dont un pays membre est occupé militairement et dont le président vient d’être pendu alors qu’il a été renversé par une puissance étrangère qui a agi de sa propre initiative, à l’encontre de la volonté internationale? Quel avenir pour la Ligue arabe dont certains pays du Golfe ont donné une caution régionale arabe à la guerre contre l’Irak en offrant leurs territoires aux forces armées anglo-américaines alors que ces dernières n’avaient pas reçu la caution onusienne, sachant que sans cette caution arabe régionale la guerre n’aurait pas été possible? Le «gouvernement» irakien joue quitte ou double, probablement sur instruction et non pas seulement sur conseil américain, car quelle souveraineté pour un gouvernement contesté par les armes, qui s’appuie sur des armées étrangères pour combattre son opposition interne, qui ne possède pas la légitimité, ne pouvant même pas remplir ses missions constitutionnelles, celles de protéger les populations? Saddam est condamné à mort pour ce qui lui a été reproché, à savoir 148 morts à Doujaïl, mais il en tombe autant et chaque jour en Irak. Qu’importe que Saddam ait été considéré comme un dictateur, ce qui compte en raison de ce qui se passe actuellement en Irak est que cette exécution cimentera davantage la cohésion entre tous ceux qui ont pris les armes, chacun pour sa propre motivation et certainement, comme il apparaît déjà, cette exécution, le premier jour de la fête de l’Aïd Al-Adha, fera de celui-ci un héros auprès de sa communauté et des musulmans sunnites du monde entier, et un argument supplémentaire pour Al-Qaïda qui fera sans trop de mal accréditer la thèse selon laquelle il a été exécuté par les Américains et leurs relais en Irak, sans considération aucune pour l’islam et les musulmans. Quel avenir pour l’Irak? Toucher d’abord le fond, c’est-à-dire officialiser la guerre civile, avant que de bonnes volontés ne réussissent à rassembler les différentes factions en affrontement? Il faudrait alors comme préalable que soient évacuées toutes les forces étrangères du territoire irakien. Un tel objectif est lointain bien évidemment car l’exécution de Saddam a pour implication immédiate de creuser et d’élargir davantage le fossé qui sépare les arabes sunnites des chiites, et même des Kurdes qui, pourtant, sont les moins engagés contre les sunnites, car voulant se détacher aussi bien des arabes sunnites que des chiites, en renforçant leur autonomie par l’inclusion de Kirkouk dans leur champ de souveraineté. Quel avenir pour l’Irak si ce n’est sa déstructuration, son démantèlement et son éloignement du monde arabe? A qui imputer la paternité de la mort des 3.000 militaires américains, celle des dizaines de milliers de morts civils irakiens et des futures pertes encore? A la dictature de Saddam ou à la guerre contre l’Irak, une guerre qui apparaît de plus en plus comme livrée aux populations? Si on admet l’hypothèse selon laquelle Saddam a payé pour ce qui lui été reproché, qui devra maintenant payer pour tous ces morts aussi bien d’Américains que d’Irakiens, des morts inutiles, injustifiées du fait que la guerre a été déclenchée sur la base d’un mensonge? Certainement que la raison recommande d’imputer la mort de ces 3000 militaires américains et de ces 600.000 civils irakiens à ceux qui avaient menti pour justifier une guerre qui apparaît maintenant comme totalement injustifiée au regard des arguments avancés par l’administration Bush.