Algérie - Actualité littéraire

Binic. Yahia Belaskri, un sourire contre l'absurdité du monde




Binic. Yahia Belaskri, un sourire contre l'absurdité du monde

Par Anne KIESEL. - www.ouest-france.fr

Yahia Belaskri (ici photographié à Alger) est à Binic, en compagnie d'Alain Mabanckou, Hubert Haddad, Fabienne Juhel, Salah Stétié et bien d'autres. Yahia Belaskri (ici photographié à Alger) est à Binic, en compagnie d'Alain Mabanckou, Hubert Haddad, Fabienne Juhel, Salah Stétié et bien d'autres. | DR

Les Escales de Binic, festival « de littératures vagabondes », réunissent ce week-end une cinquantaine d'écrivains. Au programme, une grande qualité littéraire, et de hautes valeurs humaines. Yahia Belaskri en est le président d'honneur.

Entretien

Yahia Belaskri, écrivain algérien. Vit à Paris depuis 1990. Président d'honneur des Escales de Binic.

Votre dernier livre retrace la vie de l'Algérien Abd El-Kader, qui a vécu au XIXe siècle, et a été chef de guerre, philosophe, théologien. Mais vous êtes plutôt romancier. Avec quoi dit-on mieux le réel ?

Avec le roman ! Les sociologues, les historiens peinent à nous expliquer le monde. Ce que nous offre le romancier, ou l'artiste en général, est plus proche de la brutalité de notre époque. Que retient-on des bombardements de Guernica ? Le tableau de Picasso, qui réussit à dire l'indicible.

Faut-il dire pour continuer à vivre ? Dire et écrire ?

Kafka a écrit que la littérature est un bond hors du rang des meurtriers. En écrivant, je participe modestement à faire reculer cette absurdité qui est en train de nous envelopper. Je cherche simplement ce qui est beau. Pour ce livre, j'ai beaucoup travaillé sur les archives de l'armée française en Algérie. J'ai découvert des choses terrifiantes qui se sont déroulées pendant la colonisation. Mais aussi de nobles initiatives. Comme ces lycéens de Louis Le Grand, en 1845, qui protestent, à l'Assemblée nationale, contre les enfumades, qui ont causé la mort de milliers d'Algériens, réfugiés dans des grottes. Les lycéens ont été horrifiés par ces crimes, ils ont agi.

Impossible de passer sous silence les attentats en France et ailleurs, les crimes de Daech.

C'est à cause de ce sentiment d'horreur devant les attentats, devant ce qui se passe en Syrie, que je parle d'Abd El-Kader. Lui cherchait l'apaisement, il disait qu'il n'y a aucune différence entre musulmans, chrétiens, juifs ou mazdéens. Il faut opposer ses paroles à tous ces affamés de la haine, qui croient que la mort est l'objectif de l'être humain. Je voulais remettre en lumière cet homme, qui possédait une vision humaniste, qui acceptait l'autre dans sa différence et qui nourrissait l'espoir que l'Occident et l'Orient se rencontrent et s'apprécient.

° Yahia Belaskri a notamment obtenu le prix Ouest-France Étonnants voyageurs en 2011 pour Si tu cherches la pluie, elle vient d'en haut, qui raconte le destin de deux rescapés des horreurs de la guerre civile des années 1990 en Algérie. Ses romans sont publiés chez Vents d'ailleurs. Il est également nouvelliste.

° Samedi 1er et dimanche 2 avril, les Escales de Binic, près de Saint-Brieuc, dans les Côtes-d'Armor. Entrée libre. Tables rondes sur les fanatismes, l'écriture de l'intime, la guerre dans la littérature, le choix d'écrire en français.

° Abd El-Kader, éditions Magellan & Cie, 142 pages, 19,50 euro.


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