
Propos Recueillis par Kader Bentounès  - El Moudjahid
Romancier, poète et journaliste, IsmaÏl Ibrir est un auteur trentenaire qui compte dans sa bibliographie neuf ouvrages et des lecteurs fidèles à sa plume. Il revient, dans cet entretien, sur son opinion concernant différents sujets de l'activité culturelle en Algérie.
El Moudjahid : Vos oeuvres contiennent beaucoup d'images poétiques, de présence poétique. Est-ce que cela est dû au fait que vous soyez un poète de prédilection ?
Ismaïl Ibrir : Je suis poète avant d'être romancier. Il est vrai que j'ai été connu en Algérie et dans le monde arabe après la parution de mes romans. J'ai écris trois recueils de poésie, je n'ai pas connu la notoriété à travers mes poèmes, mais je dirai que le poète qui est en moi, au plus profond de mon être reflète ma réalité. Mon concept de l'écriture est celui du savoir, de la science et de l'état de conscience. Ecrire un poème, un roman, écrire pour le théâtre ou dans un tout autre genre, le plus important est que l'auteur soit conscient des modalités du genre littéraire abordé. D'ailleurs j'ai choisi un poète comme protagoniste dans mon roman Moula El Hayra, j'ai expliqué c'est quoi être un poète, sa personnalité vis-à-vis de l'autre, ses maux par rapport aux regards des gens, j'ai narré l'état existentiel du poète dans la société.
L'état de lieu occupe une grande place dans votre toile romanesque.
Je travaille beaucoup sur l'unité de lieu dans mes romans. Je dis souvent que si le roman algérien ne met pas en valeur l'unité de lieu il serait dépourvu de son âme. Pour instaurer les soubassements du roman algérien, nous devons mettre en avant l'unité de lieu, car c'est notre identité, notre lieu de rassemblement et mettre en exergue toutes ses caractéristiques anthropologiques, historiques, culturelles.
La polémique des générations d'écrivains et de la continuité revient à la charge à chaque débat littéraire. Quelle est votre opinion ?
Il n'y a pas de rupture entre les deux générations, il y a juste une continuité. Nous sommes là pour accomplir une mission, continuer la lancée des prédécesseurs, peut-être nous allons écrire mieux qu'eux, ils ont commencé le travail et nous sommes là pour assurer la continuité. Par ailleurs, le concept de génération ne figure pas dans mes pensées et mes convictions. L'écriture pour moi est un exercice immortel, il n'a pas d'âge. J'ai publié neuf titres et j'ai été primé à l'étranger, j'écris depuis des années et certains titres de la presse disent que je suis encore novice, alors que d'autres auteurs qu'on appelle « grands écrivains » ont publié juste deux ou trois ouvrages. La grandeur d'un écrivain est relative à sa bibliographie, ce n'est pas une question d'âge.
Pensez-vous que la critique littéraire en Algérie est assez présente pour contribuer à la promotion et à l'épanouissement de la littérature en Algérie ?
Il faut dire les choses clairement, il n'y a pas de critique littéraire en Algérie, il y a des efforts individuels qui s'exercent à titre personnel. D'abord parce qu'il n'y a pas de support, il n'y a pas de presse culturelle spécialisée, il n'y a pas de pérennité des revues littéraires spécialisées, et puis il n'y a pas un mouvement littéraire dynamique, autrement dit, c'est le mouvement des bibliothèques, prix littéraires, maisons d'édition professionnelles, de la presse et des médias qui créent la scène culturelle, l'accomplissement des tâches de tout cela crée de bonnes circonstances pour la critique littéraire au sens propre du terme, sinon, chacun essaye de bien faire son travail. Il faut dire aussi que l'université n'apporte pas sa contribution à la critique littéraire.
Pensez vous que le lectorat algérien est assez important en Algérie ?
Il n'y a pas d'étude socioculturelle qui prouve qu'il y a ou pas de lectorat en Algérie. Il faut savoir aussi que le manque de lectorat n'est pas synonyme d'absence de lectorat, sinon il n'y aurait pas autant de journaux, d'auteurs, de livres, de maisons d'édition et de libraires. Il y a un lectorat en Algérie mais ça reste insuffisant pour un pays de 40 millions d'habitants.
Le lectorat est une éducation, pas seulement celle de l'école, mais aussi de la famille, de l'entourage et de la communauté, on ne peut prendre un homme de 60 ans et faire de lui un lecteur, par contre on peut faire d'un enfant de 6 ans un lecteur.
Posté par : litteraturealgerie